Le feu à la maison

Par François Roche, conseiller éditorial à La Tribune.
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L'Union européenne est en train de jouer avec le feu. Plus les heures passent en sommets, réunions et conciliabules et moins son plan de sauvetage de l'euro apparaît crédible. Poussons le scénario jusqu'au bout : dans quelques jours, l'Italie ne pourra plus emprunter sur les marchés. Elle devra négocier une restructuration de sa dette, dont les effets seront incomparablement plus nocifs que celle de la dette grecque, en particulier sur les banques françaises, les plus exposées d'Europe au risque italien. Puis ce sera donc le tour de la France dont les OAT feront l'objet d'une prime de risque de plus en plus forte, entraînant du même coup la perte de sa notation triple A... Ainsi, une moitié sud de l'Europe ne pourra plus se financer qu'au prix fort et plongera encore plus dans la crise tandis que la partie nord continuera de bénéficier de conditions privilégiées. Cette division nord/sud d'un nouveau genre accentuera encore les déséquilibres au sein de la zone euro, déséquilibres que les gouvernements européens affirment par ailleurs vouloir corriger. C'en sera alors fini de l'euro.

Tout cela est absurde. Les marchés ne croient pas au FESF ni à ses "véhicules spéciaux" parce qu'ils sont le fruit non d'une conviction mais d'un compromis et qu'ils ne constituent qu'une machine à fabriquer de la dette pour rembourser de la dette. Les pays émergents ne veulent pas y participer, à l'image de la Russie dont les dirigeants avouent sans ambages "ne rien comprendre à ce mécanisme". Dans les salles de marché le FESF et ses vaisseaux escortes sont assimilés à des "dindes incapables de voler". Il appartient donc aux dirigeants européens de sortir de ce marasme au plus vite. Il ne suffit plus d'exhorter les Grecs à former un nouveau gouvernement ou d'encourager les Italiens à se débarrasser de Berlusconi.

Le problème est plus grave. Si le FESF est trop compliqué à manoeuvrer, alors il faut reprendre la copie ou désigner un prêteur en dernier ressort des pays européens les plus endettés, peut-être la BCE, qui aujourd'hui ne peut pas, légalement, jouer ce rôle. Et pourquoi pas remettre sur le tapis la création d'eurobonds, comme le prône Jacques Attali dans nos colonnes... Les conseillers économiques du gouvernement allemand, les fameux "sages", ont proposé hier une solution de ce type, en suggérant de mutualiser la part de la dette des pays de la zone euro excédant la barre des 60% du PIB. Le pire serait de croire au miracle. Dans un contexte où la signature souveraine de certains pays de la zone euro est contestée, voire ridiculisée, seule une réaction massive de l'Europe peut rétablir sa crédibilité vis-à-vis de ses grands partenaires économiques qui, comme les Etats-Unis ou la Chine, observent avec effarement les premiers craquements d'une construction à laquelle ils ont cru autant que nous.

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