Les croque-morts

Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.
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On peut avoir deux lectures de la décision de l'agence américaine Standard & Poor's de placer sous surveillance négative l'ensemble des pays de la zone euro, y compris ceux jusqu'ici considérés comme indéboulonnables, comme l'Allemagne. Passons sur la ridicule théorie du complot qui voudrait que la perte du "AAA européen" soit le pendant de la dégradation de la note des Etats-Unis, cet été. Une thèse rassurante, simplificatrice et... impossible à démontrer.

La première lecture, adoptée par les gouvernements des pays concernés une fois passé le "choc", pourtant pas vraiment inattendu : "faisons d'une mauvaise nouvelle une bonne nouvelle", puisque cela renforce la pression pour qu'au sommet qui ouvre jeudi soir, les Européens trouvent enfin un accord politique, avec un grand A (si l'on peut dire), pour mettre fin à l'interminable scénario catastrophe de la crise. Une deuxième lecture, plus sévère, est de souligner une fois de plus la nocivité de ces agences de notation lorsqu'elles interviennent non plus dans la sphère privée, mais dans la politique.

Certes, on ne doit pas accuser le thermomètre (thermo-maître en l'occurrence) d'être responsable de la fièvre : s'il y a crise de surendettement public en Europe, les agences de notation n'y sont pour rien. Les responsables sont les gouvernements, qui dépensent trop, les parlements qui ne contrôlent pas et l'Europe, qui ne sait pas sanctionner. Il y a donc de bonnes raisons pour que tous les pays de la zone euro perdent leur AAA, y compris l'Allemagne et bien sûr la France, qui pourrait même descendre deux barreaux de l'échelle d'un coup.

En revanche, ce qui est assez inacceptable, c'est qu'en agissant ainsi, comme d'habitude trop tard, et surtout au plus mauvais moment, ces agences rendent les problèmes réels qu'elles identifient encore plus complexes à résoudre. Standard & Poor's, c'est un peu le croque-mort de Lucky Luke, l'homme en noir affublé d'un vautour qui prend vos mesures en se frottant les mains juste avant votre duel avec un as de la gâchette. Pour cette raison, l'agence américaine ne mérite rien d'autre qu'un Triple Zéro.

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Commentaires 4
à écrit le 08/12/2011 à 8:44
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Mr MABILLE Ces agences de notation sont elles indépendantes et fiables, sachant qu'elles n'ont pas dans le passé détecté la crise asiatique en 1997 et la crise des subprimes en 2007? (sans oublier des affaires style ENRON)

à écrit le 08/12/2011 à 8:05
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un peu dur, la sanction du triple 0, mais c'est comme à l'école, on est mécontent de la note du maître, tout en la sachant juste. L'Europe doit faire des réformes et cesser de vivre au-dessus de ses moyens. Set P est un outil salutaire et non un empê...

à écrit le 08/12/2011 à 7:07
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On voit bien qui sont vos maîtres, M. Mabille, mais vous auriez pu avoir, vous aussi, le mérite du thermomètre.

à écrit le 07/12/2011 à 21:45
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bella papa !

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