Et si le krach revenait !

Philippe Mabille, Copyright Albert Caen pour La Tribune

Il y a deux types d'économistes. Ceux qui passent leur temps à se contredire et qui ont raison une fois de temps en temps, et ceux qui passent leur temps à dire la même chose, et qui ont raison une fois dans leur vie, en général pour prédire une catastrophe. Dans la catégorie des « Dr Doom », on peut citer le très new-yorkais Nouriel Roubini, qui en a fait un business florissant, ou encore l'économiste indien Raghuram Rajan, le premier à avoir vu venir la crise des subprimes aux États-Unis. Professeur à la Business School de l'université de Chicago et conseiller financier du ministre de l'économie indien, il a fait récemment une conférence à l'École d'économie de Paris pour présenter son dernier livre : "Fault Lines : How Hidden Fractures Still Threaten the World Economy."

Le fait d'armes de Rajan date de 2005 lorsque, économiste en chef du FMI, il avait plombé l'ambiance lors de la réunion des banquiers centraux de Jackson Hole, la conférence estivale de la Réserve fédérale américaine, en mettant en doute la foi, à l'époque générale, dans l'autorégulation du capitalisme financier. Les événements ont ensuite donné raison à l'économiste indien et Alan Greenspan lui-même dû reconnaître qu'il y avait bien une faille dans le système.
Même s'il a déjà eu raison une fois auparavant, il mérite que nous l'écoutions à nouveau aujourd'hui, à l'heure où chacun tente de se rassurer en se disant que cela n'arrivera plus. Hélas, explique Rajan, si la réaction des banques centrales et des autorités de par le monde ont permis d'éviter à la planète une « Grande Récession » type années 1930, ce n'est pas la fin de l'histoire. Il pointe du doigt les nouveaux risques posés par la sortie des programmes de soutien mis en place pour éviter la crise. Selon lui, cela peut provoquer une nouvelle crise, car personne ne sait ce qui se passera lorsque les banques centrales cesseront d'inonder le monde de liquidités, comme c'est le cas actuellement aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Japon et sans doute dans les mois qui viennent en Europe.
De prime abord, rien ne laisse prévoir un nouvel accident boursier. Aux États-Unis, les indices anticipent le retour de la croissance et dépassent les records de 2007. L'Europe est plus en retard sur le plan boursier, mais la bulle est obligataire avec des taux historiquement au plus bas. Le taux des emprunts d'État est de 1,25% en Allemagne et de 1,75% en France, et cela se répercute sur le coût des emprunts des entreprises privées. Mais de premiers craquements commencent à faire vaciller la finance. Les signaux restent encore éparpillés et produisent un brouhaha plus qu'un bruit continu, comme c'est toujours le cas avant les krachs.

PREMIER CRAQUEMENT, L'OR, qui vient de chuter à 1.400 dollars l'once, avec un plongeon de 9% la seule journée du 15 avril, « lundi noir » du métal précieux. Le record de 1.888 dollars de la fin de 2011 est loin. Deuxième craquement, le pétrole, avec un baril de Brent qui vient de repasser brutalement sous les 100 dollars. Rien que de très normal pourrait-on penser, la chute de l'or corrige un excès spéculatif et reflète les pressions déflationnistes à l'?uvre. Et celle du pétrole s'explique par la faiblesse de la croissance occidentale. Mais alors comment expliquer la flambée des indices boursiers? Le paradoxe est patent.

LE TROISIÈME CRAQUEMENT n'est pas forcément inattendu mais il vient rompre un consensus assez bien ancré, celui de l'eldorado des nouvelles technologies. Il s'agit bien sûr du krach, car c'est bien ce qui s'est produit, de l'action Apple. Après dix ans de croissance frénétique, la « pomme » a du mal à se relever du décès de son fondateur mythique, Steve Jobs. Son cours a déjà chuté de 40% par rapport à son plus haut (700 dollars) et le charme semble rompu. Apple, qui a inventé un objet devenu tellement indispensable qu'il a été copié et égalé, est en train de se banaliser, faute de nouvelles innovations.
Alors, l'or, le pétrole, Apple, premiers signes annonciateurs d'un krach qui vient? Il faudrait poser la question à Raghuram Rajan! On pourrait aussi citer parmi les avertissements les mini « flash-krachs » du Bund (obligations d'État allemandes) sur les rumeurs d'une dégradation du AAA de l'Allemagne et de Wall Street suite à un piratage du compte Twitter de l'agence AP Dow Jones. Ou alors, la chute des prix de l'immobilier en France, dont personne ne veut croire qu'elle sera forte. Et se rappeler l'adage boursier qui veut que les arbres ne montent jamais jusqu'au ciel !

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Commentaires 50
à écrit le 30/04/2013 à 12:25
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reportage et analyse très pertinente , aujourd'hui on regarde encore les produits dérivés comme source de la crise , mais vous avez raison les signes d'un nouveau bug generalisé se fait déjà entendre , gare au désastre qui s'annonce , les allemands o...

à écrit le 30/04/2013 à 10:32
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Faut pas rêver

à écrit le 30/04/2013 à 10:19
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Quel doux rêve

le 30/04/2013 à 10:31
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Un rêve bleu

à écrit le 28/04/2013 à 18:35
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Tout savoir sur le krach et la bulle immobilière en France et dans le monde sur : http://www.immobilier-finance-gestion.com/

le 30/04/2013 à 10:19
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Arrêtez votre pub

à écrit le 28/04/2013 à 16:19
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Tiens le débarquement, c'était le 6 juin 1944. Pour Mabille, il n'a qu'à lire le GEAB pour avoir une information digne de ce nom. Pour le krach boursier, ce dernier est imminent. Je me demande d'ailleurs comment le monde de la finance a réussi à main...

le 01/05/2013 à 16:39
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Pas sûr, car les banques centrales ne sont plus depuis belle lurette celles qui déterminent la "fabrication de l'argent", ce sont les banques privées. Donc les banques centrales ne sont plus là que pour envoyer de l'argent virtuel aux banques privées...

le 01/05/2013 à 23:38
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Je suis d'accord sur la trouille des banques qui commencent à craindre des retraits massifs de la part des déposants. Malheureusement, aucune loi ne pourra les sauver car la déflation arrive enfin. Actuellement, les banques disposent d'autant d'argen...

le 02/05/2013 à 10:45
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Commentaire très pertinent! J'ai cru au départ que vous ajoutiez "enfin" comme si cela représentait un soulagement, mais vous expliquez bien le danger qui nous menace (déflation = diminution sensible des prix = manque à gagner des entreprises = licen...

à écrit le 28/04/2013 à 14:24
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Plein de bonnes idées dans cet édito (et de mauvaises, comme l'interprétation de l'évolution de l'action Apple), mais tout repose sur une question hautement hypothétique: que se passera-t-il "lorsque les banques centrales cesseront d'inonder le monde...

à écrit le 28/04/2013 à 9:52
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Je vais me répéter encore : "Ne prétendant pas m'y connaitre en économie, et surtout autant que l'auteur de l'article, n'y a-t-il pas une solution plus simple de sortir du marasme actuel, que connaissent, certes à des degrés divers, tous les pays de ...

le 28/04/2013 à 16:08
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Bah écoute change de pays et va en Angleterre. Là-bas, ils ont encore leur monnaie nationale. Mais sinon tu peux oublier le retour au franc. C'est mort et enterré comme nous d'ailleurs et le reste de l'Europe si l'on faisait cela. Je ne vais pas me c...

à écrit le 27/04/2013 à 20:03
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Les crises existent depuis au moins 800 ans! Bien avant le capitalisme et autres libéra-lités. D'aucuns diront que c'est réconfortant car on est encore là, mais il y a une très grande différence. Les crises d'aujourd'hui sont effectivement des Krachs...

à écrit le 27/04/2013 à 10:50
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Non content de d'essayer de sortir d'une crise que des << journaleux >> se mette à fantasmer comme le sketche de Bigard sur la chauve souris : Admettons que .... , Supposons etc ... sur l'existence d'un futur...

le 27/04/2013 à 20:04
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Euh, c'est pas du Crack qu'on parle, c'est du Krach...

à écrit le 26/04/2013 à 13:10
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Il est désolant de voir que l'Europe reste à la traine des américains au lieu de s'en affranchir, ce qui est son but. Il est aisé le le constater les pays qui ont le plus souffert de la crise (Espagne, Italie, France) sont ceux qui ont adopté une pol...

le 01/05/2013 à 21:44
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La croissance! Ce mot magique et tellement creux. La croissance n'existe plus depuis longtemps, si ce n'est dans les pays émergents, et ça ne durera que l'instant d'un sourire. Un pays "riche" n'a plus de croissance et n'en n'aura plus, ce qui chiffo...

à écrit le 26/04/2013 à 13:08
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L'or a été entrainé par la chute de l'argent( -20% pile poil) qui lui-même provient de l'effondrement d'une des plus grandes mines d'argent au monde( 120tonnes produites par an), et moins d'argent réel c'est moins d'argent papier( celui qui circule s...

le 26/04/2013 à 13:31
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C'est le contraire, si le papier chute, le réel (or, argent,...) monte !

le 26/04/2013 à 15:16
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Le marché or et argent qu'on a l'habitude de suivre est en réalité un marché papier car il n'y a pas assez de physique, c'est ainsi un marché à fort effet de levier, c'est plus un marché future qu'un marché spot, marché garanti par les futures produc...

le 27/04/2013 à 20:14
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Triste de voir qu'il y en a qui croient encore que le papier-argent existe. Oui, bien sûr on en voit encore, on doit être à 10% en Europe et 15% aux USA (car ils ont plus de pauvres très pauvres). A part ça, messieurs, nous en sommes à l'aire du virt...

le 01/05/2013 à 1:45
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Je parle du papier représentant l'argent "métal"( et aussi pour l'or), ce papier qu'on s'échange en bourse, il y a des échanges papiers et des échanges physiques, en nombre bien plus infime.

le 01/05/2013 à 15:35
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Alors on est tout-à-fait d'accord. Le grand problème c'est que depuis que l'argent (le dollar) a été désolidarisé de la référence or par Nixon (en 1974 si je ne me trompe pas), on est passé à la monnaie "flottante", puis à la monnaie virtuelle. Et co...

à écrit le 26/04/2013 à 13:07
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> et Alan Greenspan lui-même dû reconnaître qu'il y avait bien une faille dans le système. Si peu.

à écrit le 26/04/2013 à 13:03
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Crash d'Apple. Super exemple! Mais cela est du seulement par la concurrence de samsung et son manque d'innovation. De plus, les clients d'Apple se rendre maintenant compte qu'Apple les prennent pour des pigeons. Leur model economique tenait avant car...

à écrit le 26/04/2013 à 12:48
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Article qui mélange un peu tout et qui, comme souvent dans le journalisme économique, manque légèrement de bases théoriques. Si l'on se réfère à la théorie de l'équilibre général, les bulles sont impossibles. Or elles existent. On observe qu'elles se...

le 26/04/2013 à 14:58
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++

à écrit le 26/04/2013 à 12:04
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Je cite juste un commentaire de Nouriel ROUBINI l'an passé sur son compte twitter : "Quand les banques ne sont plus sûres et que les gouvernements sont en banqueroute, il est temps d'acheter des boites de conserve, des armes, des lingots d'or et de f...

le 26/04/2013 à 12:51
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Je ne vois pas l'ombre d'un raisonnement économique dans cette envolée journalistique so brilliant !

le 26/04/2013 à 12:56
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Des lingots d'or, ils serviront à quoi dans le cabanon ? On les cuira sous la braise ?

le 26/04/2013 à 14:37
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Dans un premier temps a rien...mais pendant la guerre seuls ceux qui avaient de l or on bien mange...ou payer des gens pour s echapper etc etc....donc pas inutile

le 27/04/2013 à 20:24
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J'ai hésité entre rire et pleurer de voir que l'on parle encore et toujours de "raisonnement économique". C'est tout proche d'être aussi "oxymoronique" que l'"anarcho-capitalisme". On voudrait tant ériger l'économie en science. Si seulement c'en étai...

à écrit le 26/04/2013 à 11:54
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comment expliquer la montée des indices boursiers?c'est pourtant simple:les banques centrales achètent les actions et ceux qui ont des liquidités a la banque craignent une faillite et achètent des actions,qui a priori ne seront pas comptabilisées da...

le 26/04/2013 à 14:05
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A priori oui... mais il me semble que l'exemple chypriote a montré le contraire. Il me semble avoir lu que les détenteurs d'actions ont également été mis à contribution et que les portefeuilles boursiers avaient été intégrés dans le calcul des dépôts...

à écrit le 26/04/2013 à 11:53
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Sans remettre en cause vos predictions, je trouve que tout y passe sans discernement. Qu'est-ce que l'immobilier vient faire dans le sujet ? Hier est sortie une analyse qui dit que les 5% de plus riches ameliorent leur niveau de vie, alors que les au...

le 26/04/2013 à 12:23
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J'ai des liquidités mobilisables, je gagne correctement ma vie, ne suis pas propriétaire... et je vous confirme que j'attends que les prix de l'immobilier s'infléchissent nettement pour acheter. -15, -20, -30, -40%... nous verrons, pas d'urgence... d...

le 26/04/2013 à 12:34
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Tant que les terrains seront rares, tant que la multiplication des normes augmentera le cout de construction, je ne vois pas comment les prix baisseront sensiblement, sauf à modifier totalement la façon de construire et à l'industrialiser!

le 26/04/2013 à 14:00
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@PUSTEKOPF : Vos remarques ne tiennent qu'en considérant que le stock est insuffisant et qu'on est obligé de construire beaucoup de logements ce qui peut prêter à discussion.

le 26/04/2013 à 14:51
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@Cresus Les biens immobiliers de qualité bien situés resteront une valeur refuge. D'habitude, seuls les biens avec des défauts chutent durablement. Un critère décisif est le niveau des taux d'intérêts immobiliers. Sauf à disposer d'un apport très éle...

à écrit le 26/04/2013 à 11:53
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Marchés très volatiles certes, marchés nerveux, mais krach improbable, car nos sociétés sont devenues extrêmement flexibles, se sont toutes dotées (les grosses) d'équipe de gestion des risques, et finalement sont assez bien gérées (tant que l'état n'...

le 26/04/2013 à 12:35
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+1 : ces variations ne reflètent pas des risques de krach, mais la mise en ?uvre d'une organisation de prises de bénéfices régulières à "courts termes". Désaccord, cependant, sur la question des Etats : à titre d'exemple, la parfaite synchronisation ...

à écrit le 26/04/2013 à 11:49
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Pour l'avenir, pensez jardin, poulailler, Ne souriez pas !

à écrit le 26/04/2013 à 11:49
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Pour le moment ce ne sont que les excès qui sont corrigés: Apple, le pétrole, les prix de l'immobilier et l'Or en font partie. Ceci ne signifie pas que tout va bien ni que les montagnes de liquidités crées artificiellement ne sont pas dangereuses. On...

à écrit le 26/04/2013 à 11:42
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L'enfermement dans la l'économétrie ressemble à force de rabâcher à de la déconométrie en phase vaseuse. Plutôt que de vibrionner autour d'indices ou de mécanismes , l'on pourrait réfléchir plus librement et plus ouvertement quitte à heurter des tab...

à écrit le 26/04/2013 à 11:25
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La situation d'Apple n'a pas grand chose à voir avec la crise en réalité. Comme dans le passé, ils avaient une grosse innovation et se sont fait rattrapés par Samsung et Google. Ils doivent réinventer un nouveau produit pour retrouver une croissance ...

à écrit le 26/04/2013 à 11:22
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Cette analyse aura au moins l'avantage d'ouvrir les yeux à de nombreux gourous plus ou moins farfelus qui sévissent sur nos médias à longueur d'année pour nous annoncer tout et son contraire. Les prémices de ce crack se précisent mais nous sommes ave...

à écrit le 26/04/2013 à 11:08
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En ce moment on entend tout et son contraire....et nous les épargnants et investisseurs que devons nous faire pour parer les coups???? on nous promet une sortie royale de la dette '´grâce à l'inflation'´d'autres nous annoncent la déflation!!!...

à écrit le 26/04/2013 à 10:54
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Ou peut être un simple retour à la raison...

le 26/04/2013 à 12:19
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Qu'est ce que c'est la "raison" ?

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