Politique maritime : une belle mais difficile partition pour le chef d’orchestre Barroso

Il se passe quelque chose du côté de la mer. Finie l'époque de la productivité à tout prix qui a mené la politique de la pêche dans une impasse, ou qui a permis le développement des ports au mépris de l'environnement. Bienvenue dans le monde de la politique intelligente où l'on gère le mieux possible les interactions entre pêche et transport, tourisme et écologie, sauvegarde et exploitation des ressources, où l'on parle « synergies » plutôt qu' « arbitrages ».

Ce monde idéal où les pêcheurs parlent aux "amis des poissons", où la mer devient productrice d'énergie, où les intérêts des armateurs ne priment pas tout le reste, celui esquissé en 2007 par la Commission européenne avec sa "politique maritime intégrée", son président José Manuel Barroso en ferait bien l'horizon de son second mandat. Mais le diable est dans les détails...

Mardi à Rome, le Président du Conseil italien Silvio Berlusconi a offert au président de la Commission une tribune littéralement en or pour le dire : la seconde journée maritime européenne se déroule cette année à Rome au Palais Colonna, « maison de famille » de la célèbre dynastie qui plus de papes et de princes à l'Italie qu'aucune autre. Le président portugais de l'exécutif européen, qui égraina longuement l' « océan d'opportunités » de la politique maritime, paya au passage son tribut à l'héritage classique en citant Sénèque : « A celui qui ne sait vers quel port il navigue, nul vent n'est favorable »

Bruxelles a une idée du cap à tenir. Elle n'est pas la seule. Le monde entier est en train de se convertir à l' « approche intégrée ». En février, le gouvernement Fillion a lancé son  « Grenelle de la Mer » sur le modèle du « Grenelle de l'environnement ». Le Portugal, les Pays-Bas, la Norvège sont sur cette ligne. L'Allemagne, l'Irlande, la Pologne, la Suède et le Royaume-Uni y songent. La stratégie dessinée par Bruxelles a du sens. Mais pour réussir, il va falloir plus que de l'expertise et des bonnes idées : une réelle volonté politique. Pas la volonté avec un « V » qui fanfaronne et traverse le champ médiatique la poitrine en avant, toutes armes dehors. Plutôt celle qui met les actes en cohérence avec les engagements et qui consent à mettre l'intérêt du plus grand nombre au dessus de celui des intérêts particuliers.

Prenons l'exemple de la sécurité maritime. Encore sous le choc de la catastrophe de l'Erika, l'Europe n'a cessé de muscler sa réglementation ces dernières années. Avec, pas plus tard qu'en décembre, l'adoption du paquet Erika 3. Dire pour autant que le bras de fer entre les nations d'armateurs (Royaume-Uni, Pays-Bas et Grèce en tête) et les pays les plus exposés aux catastrophes (Espagne, Portugal et France, avec leur immense façade maritime), serait exagéré. Les premiers conservent des « registres secondaires », qui en pratique échappent à ces règles très protectrices. « Les Antilles néerlandaises et Gibraltar sont très pratiques, elles tiennent des registres manuscrits », indique un des experts invités à la Journée maritime romaine. L'indemnisation des victimes de catastrophes, dont le « FIPOL », un fond financé par les pétroliers, est une pièce maîtresse reste tristement défaillante. Là encore, les intérêts économiques priment sur la réparation des dégâts.

La pêche n'est pas en reste. Depuis des années, les gouvernements européens font la promesse de préserver les stocks de poissons, en rapide déclin, tandis que leurs ministres de la pêche prennent des décisions qui assurent leur épuisement rapide. Le Commissaire aux affaires maritimes et à la pêche Joe Borg a fermement l'intention d'écrire l'épilogue de cette histoire de fous qu'est devenue la politique commune de la pêche et annonce une réforme majeure pour 2011 ou 2012. Son principe : les ministres se mettraient d'accord sur les objectifs, les régions prendraient les décisions politiques qui en découlent, et Bruxelles contrôleraient que personne ne triche. Voilà qui semble frappé au coin du bon sens. Seulement, voilà, le diable est dans les détails. Le prochain président de la Commission européenne n'aura pas trop d'un mandat pour montrer que les Européens ne sont pas seulement capables de concevoir une politique intelligente... mais qu'ils peuvent également la conduire.

F.A., à Rome

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