Vous reprendrez bien un morceau de dinde (Thanksgiving)

Une centaine de milliards de dollars par ci, une centaine de milliards de dollars par là, un millier de milliards de dollars par ci, etc. Les américains, qui célèbrent Thanksgiving aujourd'hui, ne le savent peut-être pas mais ils sont endettés pour plusieurs générations.

Aujourd'hui, de l'autre coté de l'Atlantique, les américains vont se mettre à table pour le dîner de Thanksgiving. A partir de 17h00, ils vont déguster une dinde soigneusement rôtie, accompagnée de diverses purées, patates douces et confitures de canneberges. Ce dîner traditionnel d'Action de grâce provoque chaque année une véritable hécatombe de dindes. Et c'est un scandale, car le gouvernement ne fait rien pour l'éviter...

En revanche, il s'agite pour régler, à sa manière, la crise financière. Gageons que les conversations du dîner de Thanksgiving tourneront autour de ce sujet. Dans les quelques discussions que je conduit, par mail ou par Skype, avec mes amis américains une question revient sans cesse : «

Vous savez ce qui nous arrive en ce moment ? Vous pouvez nous expliquer ce qui ne marche pas

».

Hélas oui.

Et ce ne sont pas les artifices déployés par le gouvernement américain pour redonner confiance au système financier, voire relancer la machine économique, qui vont régler les problèmes. Considérons seulement les dernières annonces : la reprise larvée de Citicorp et le plan de la Fed pour maintenir l'existence de Fannie Mae et de Ginnie Mae. Sans rentrer dans le détail, notons que le Trésor ou la Fed garantissent de prendre à leur charge les premières pertes sur des actifs dits « toxiques ». Toxiques, vous avez dit toxiques ? Comment peut-on être toxiques ?

Par la magie de l'ingénierie financière pardi. Pour comprendre, voici ce qu'on m'a envoyé et qui provient d'un

blog américain

.

"If you have been able to convince Joe to take a 300.000 dollar mortgage at 11 percent for 30 years and if then, with a little help from the credit rating agencies, you can convince Fred that the risk structure of this mortgage is such that it merits an investment at a rate of only six percent, then you can sell him the mortgage for 510.000 dollar, and pocket a tidy profit of 210.000 dollar.

We then have Joe, with a real liability of a mortgage of 300.000 dollar guaranteed with a house that might o might not be worth it, and Fred, with a 510.000 dollar investment in the willingness of Joe to service his original mortgage at 11 percent for 30 year.

And so, when all is sliced and diced, 210.000 dollar of this 510.000 dollar toxic asset has little to do with easy money or a house bubble, and all to do with the wizardry of an immense structured-finance-endorsed-by-the-credit-rating-agencies bubble".

Explication : Joe le Plombier veut acheter une maison 300.000 dollars. Sa banque lui prête de l'argent à taux fixe (11%) pour une durée de 30 ans. La banque prend cette créance, la repackage et la vend 510.000 dollars à Fred, un investisseur. Elle lui promet de verser un intérêt de 6% pendant 30 ans. Fred, qui n'est pas né de la dernière pluie, s'est renseigné sur la qualité de l'actif qui garantit ce versement de 6% pendant 30 ans.

Une grande agence de rating (Moody's, Standard and Poor's, Fitch) lui a dit : « Mais mon bon monsieur, c'est du triple A ». L'agence de rating ne connaît pas Joe le Plombier mais elle est rassurée car un gros assureur (AIG) a vendu une protection (CDS, Credit Defaulft Swap) à la banque contre le risque de défaut de paiement de Joe le Plombier. Ce gros assureur connaît-il notre Joe ? Non, bien sûr, mais il se base sur des séries statistiques et un modèle informatique à toute épreuve. De plus, le crédit a été rehaussé par une agence spécialisée (éventuellement une filiale de

Dexia

ou de

Natixis

). Cette agence connaît-elle Joe ? Mais non, elle utilise des modèles encore plus sophistiqués que ceux de notre gros assureur.

Multipliez cet exemple par 100 millions, en remplaçant, de ci, de là, la maison de Joe par une seconde hypothèque, par une voiture, un encours de carte de crédit, et vous obtiendrez l'état de l'endettement aux Etats-Unis.

Pour que le portrait soit complet, vous pouvez imaginer que Joe a reçu un prêt à taux variable ou un prêt qui ne demande aucun remboursement la première et la seconde année : intérêts et principal sont capitalisés de tel manière que le coût du crédit de notre Joe va augmenter mais on s'est bien gardé de le lui expliquer.

Et Fred dans tout çà ? Fred, mais c'est un fonds de pension américain, ou un fonds souverain, ou une banque européenne, ou votre sicav monétaire « dynamique » ou la filiale, soi-disant déconsolidée, d'une banque allemande. Figurez-vous que 6%, pour certains Fred, ce n'était pas assez. Alors ils ont constitué une société d'investissement, qui s'est endetté à 5% pour prêter à 6%. Pour ne gagner qu'un petit pourcent d'intérêt ? Non, avec l'effet de levier, c'était du 20%.

Oui, « c'était », car le pauvre Joe n'a pas pu honorer sa dette. Sa maison a été saisie et elle ne trouve pas preneur à 100.000 dollars. Alors, qui va payer ? Bonne chance. Mais vous reprendrez bien un morceau de dinde...

Pour le dessert, sachez que les 210.000 dollars de profits (la différence entre le prêt de 300.000 dollars et la vente d'une créance de 510.000 diollars) ont été distribués à toute la chaîne dite de valeur qui a mis au point cette ingénierie financière. De copieux bonus ont été distribués dans les banques et...Vous pouvez en tirer la conclusion que vous voulez.

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