Pour un médiateur des délais de paiement

Par Olivier Duha, président de Croissance Plus.
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Une bonne nouvelle à l'horizon : Valérie Pécresse, ministre du Budget, a signalé que l'État, dans sa grande bonté, réglera "immédiatement" aux entreprises les factures dues de moins de 5.000 euros. Reste deux mauvaises nouvelles : la mise en oeuvre de cette mesure pourrait s'étaler jusqu'en mars 2012 ! Quant aux factures de plus de 5.000 euros, elles restent impayées...

La loi de modernisation de l'économie dite "LME" a permis d'améliorer la situation : le délai de paiement moyen s'est réduit de 5 jours depuis 2007 ; mais les très mauvais payeurs subsistent en l'absence d'organe de contrôle et de sanction. Car certaines grandes entreprises prennent exemple sur l'État : 66,5 % des entreprises françaises règlent leur facture en retard selon une récente étude européenne d'Altares. Plus grave encore, la plupart des patrons de PME constatent que la situation s'aggrave depuis trois mois. Pour preuve, 73 % des entrepreneurs de CroissancePlus ont connu, sur cette période, un très net allongement de leur délai de paiement moyen. Ils sont 79 % à penser que la situation va continuer à se dégrader sous l'effet de la crise.

Le résultat est limpide : les PME croulent sous les impayés... de leurs clients et font la trésorerie des grandes entreprises ! La crise n'arrangeant pas les choses, certaines institutions se comportent en voyou, prenant leurs fournisseurs en otage. Certains grands groupes irresponsables ont douze mois de retards de paiement.

Par conséquent, cette dérive génère une hausse des besoins en fonds de roulement, pile au moment où le marché du crédit bancaire se tend. Sur fond de conjoncture économique délétère, cette situation a un effet désastreux : l'investissement productif des PME va reculer, pesant sur la très faible croissance, et le taux de faillites va forcément augmenter, y compris parmi les entreprises apparemment "en bonne santé".

En ce moment plus que jamais, les PME doivent maîtriser, à l'euro près, leur encours de créances fournisseurs. Elles souffrent déjà d'un niveau de rentabilité bien trop faible (un tiers de moins que leurs homologues allemandes ou britanniques selon Eurostat) sous l'effet d'un coût du travail et d'une fiscalité élevés, et encore alourdis récemment. En conséquence, elles affichent un des taux d'autofinancement les plus faibles d'Europe, un handicap majeur pour notre économie qui ne relèvera la tête que par un effort massif d'investissements et d'innovations. Or, toutes les sources se tarissent en même temps : les prêts bancaires, mais aussi la collecte de financements, via les dispositifs ISF pour les PME, qui est en recul de 8 % cette année. Sans oublier les sources de fonds en provenance des institutions qui sont anéanties par les ratios prudentiels que leur imposent les nouvelles normes issues des accords Bâle III et Solvency II...

Il est urgent d'agir. CroissancePlus propose donc la création d'un "médiateur des délais de paiement" placé sous l'autorité du Premier ministre et disposant des services de la DGCCRF. Il serait un recours pour les PME qui subissent des abus manifestes de certains clients. Ses services pourraient constituer un fichier central des mauvais payeurs et déclencher des audits et des contrôles de ces entreprises. Il faut que ce "médiateur des délais de paiement" soit doté d'un pouvoir de sanction pour infliger des amendes immédiates en l'absence de régularisation. CroissancePlus propose aussi une évolution législative, afin que le démarrage d'une prestation suffise à qualifier le début d'une relation commerciale, et non pas l'émission du bon de commande comme c'est le cas actuellement. Car la législation d'aujourd'hui masque la réalité des délais réels de paiement.

La France a un défi majeur : faire grandir ses entreprises pour qu'elles tirent notre économie vers le haut, créent des richesses et des emplois. Ne pas payer ses fournisseurs est une fraude, un acte illégal, qui entraîne des faillites, des destructions d'emplois et des drames sociaux. Il n'est plus admissible que des grands groupes ou l'État, plus solvables et plus solides, repoussent indéfiniment les paiements de leurs factures. Les PME françaises ne sont pas vos banquiers !

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Commentaires 3
à écrit le 09/01/2012 à 10:28
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Relisez "Réforme des délais de paiement et modernisation de l'économie, de l'intention aux actes ?" aux éditions Lignes de Repères... et vous ne serez pas supris par ce résultat !

à écrit le 06/01/2012 à 20:52
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Vous avez oublié de parler du délai de remboursement de la TVA.......une honte..... nous devrions leur faire payer les 10% de majoration également..... Nous pourrions vous raconter pourquoi aujourd'hui les entreprises françaises meurent à petit feu.....

à écrit le 06/01/2012 à 19:40
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Bah oui il faut de nouveau tout réglementer, tout contrôler et sanctionner.

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