Ce qui distingue vraiment la France et l'Allemagne

Par Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence.
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La diffusion, depuis vingt-cinq ans, d'une véritable "culture de la concurrence" commence à porter ses fruits en France, même si, dans d'autres pays, comme l'Allemagne, la "culture du monopole" s'est ancrée dès l'après-guerre. L'homologue de l'Autorité de la concurrence, le Bundeskartellamt, a joui en effet, dès sa création, d'un magistère moral considérable compte tenu de l'impératif politique qu'a constitué la lutte contre les "Konzern" pour clore définitivement les périodes sombres des années 1930 et de la guerre.

Ainsi, s'il est encore trop tôt pour considérer que la "culture du monopole" fait partie, en France, du passé, on peut en revanche constater que la récente crise financière et économique a confirmé qu'une économie de marché fondée sur les mérites et correctement régulée était le plus court chemin vers la croissance.

Une vision manichéenne des structures de marché conduirait à opposer la concurrence pure et parfaite, qui serait un objectif idéal, et le monopole, qui aurait vocation à être démantelé et combattu. Cela ne correspond ni à la réalité, ni, surtout, à la vision de l'Autorité de la concurrence : la concurrence n'est ni une idéologie, ni une fin en soi, et le monopole n'est pas, en soi, illicite ; il ne l'est que s'il conduit à des abus de position dominante.

Pour autant, l'histoire économique a montré que les monopoles qui ne subissent pas les contraintes d'une concurrence potentielle tendent à pratiquer des prix plus élevés, au détriment des consommateurs, ou à ne pas satisfaire entièrement la demande, et peuvent, le plus souvent, ralentir l'innovation. Il n'est pas non plus acquis que des monopoles publics soient les seuls moyens de satisfaire les missions d'intérêt général et de service public qui ont justifié historiquement leur création.

C'est la raison pour laquelle, après avoir favorisé la concurrence dans certaines périodes de l'Histoire, et, à d'autres moments, opté pour une économie administrée, les pouvoirs publics français ont définitivement tranché, en 1986, en faveur d'une économie de marché, suffisamment sûre d'elle-même pour que sa régulation soit confiée à une autorité administrative indépendante.

La loi de modernisation de l'économie a transformé le Conseil de la concurrence en Autorité disposant de tous les outils de régulation concurrentielle : l'initiative des enquêtes contentieuses, des recommandations de politique publique et d'enquêtes sectorielles, ainsi que le contrôle des concentrations.

L'Autorité a accompagné l'ouverture à la concurrence progressive de nombreux secteurs, à commencer par les télécommunications dans les années 1980, le transport aérien et urbain, l'énergie dans les années 1990, et plus récemment, le transport ferroviaire. Si l'effet de la concurrence sur les prix dépend de nombreux paramètres, en particulier les conditions de production et le taux d'innovation du secteur concerné, dans tous ces domaines, le bien-être du consommateur a été accru en termes de diversité et de qualité de service. Les anciens "champions nationaux" n'ont pas vu leur croissance entravée ; au contraire, le chiffre d'affaires global des secteurs concernés a augmenté.

Si les autorités de concurrence conservent des missions essentielles à l'égard des monopoles publics, leur rôle s'élargit à des défis qui dépassent le cadre national. Récemment de "nouveaux monopoles" ou "écosystèmes captifs" de taille mondiale sont apparus. Contrairement aux monopoles historiques, ils résultent non pas d'une protection ou d'un investissement de l'Etat mais d'un effort d'innovation et de création d'un écosystème qui capture le consommateur, qui ne cherche (ou ne peut) le quitter pour un écosystème concurrent. Il suffit parfois, dans ces secteurs, de s'appuyer sur un concept commercial nouveau ou une technologie pour remporter rapidement une part significative voire la totalité d'un marché. Les autorités de la concurrence se penchent actuellement sur l'analyse complexe de ces nouveaux monopoles, particulièrement présents dans le secteur des nouvelles technologies.

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Commentaires 10
à écrit le 14/02/2012 à 12:04
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Ce n?est pas avec de belles (et pourquoi pas justes) théories que l?on peut gommer ce qui distingue « vraiment » la France et l?Allemagne. Connaissant bien le les deux cultures (non pas nation ou état) germanique et française, je résumerais le tout p...

à écrit le 07/02/2012 à 5:11
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Les allemands sont forts sur des niches industrielles, nous on a des niches agricoles et touristiques, nous sommes des pays complémentaires pourrait-on dire. Le problème est que bientôt les chinois concurrenceront les allemands même dans leurs plus h...

à écrit le 23/01/2012 à 13:41
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La vraie différence est que l'Allemagne est depuis toujours un pays mercantiliste, avec son D-Mark sous évalué et sa pression constante sur les salaires, alors que la France s'est toujours acharnée (sauf sous de Gaulle) à vouloir un "franc fort", aut...

le 06/02/2012 à 19:40
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C'est exactement le contraire! La France n'a cessé de dévaluer et l'Allemagne de réévaluer. En 1959 : 1 FF = 1 DM = 1 CHF En 2001 : 1 DM = 3.40 FF 1 CHF = 4.10 FF

à écrit le 20/01/2012 à 16:12
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Ce qui différentie l'Allemagne de la France, c'est que l'Allemagne achète presque exclusivement allemand . Pour avoir confirmation, il suffit de se rendre en Allemagne et d'ouvrir les yeux.

à écrit le 20/01/2012 à 14:47
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Ce qui distinue aujourd'hui l'Allemagne de la France c'est que l'Euro (Mark) est 35 à 40 % trop cher pour la compétitivité française : aujourd'hui en France nous perdons entre 800 et 1000 emplois par jour. http://www.u-p-r.fr/videos/conferences-en-li...

le 20/01/2012 à 17:31
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Vous dites n'importe quoi! Pourquoi pas de 100% ! le problème français ce sont les produits! Qualité pas toujours bonne et choix limité. l'exemple le plus visible c'est la voiture! Dire que les alleamnds achètent alleamnd est vrai et faux car comme l...

le 22/01/2012 à 14:59
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Tout a fait d'accord, de plus croire qu'en baissant le cout du travail on va transformer la France en pays exportateur c'est un peu comme croire au père Noel, bien que cela peut eventuellement aider. Le cout du travail en sois-disant plus élevé en Fr...

à écrit le 20/01/2012 à 11:13
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L'article n'a rien à voir avec son titre.

à écrit le 20/01/2012 à 8:28
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Ce qui distingue la France de l'Allemagne c'est le nombre élevé de PME Allemande exportatrice .La R§D a pris une place importante alors qu'en France la R§D est victime du coût du travail ,ce poste est très souvent sacrifié

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