La néo-ruralité, grande oubliée de la campagne

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Nous venons de fêter l'agriculture qui tenait il y a peu son salon. Au delà de la formidable
rencontre annuelle entre la France rurale et les populations urbaines, c'est l'occasion de
revenir sur le destin d'une quasi oubliée de la campagne présidentielle : la ruralité.
Alors que se prépare le prochain Sommet de Rio sur le destin environnemental de la
planète, il faut réaffirmer ici, chez nous, la nécessité et la modernité de la ruralité qui doit
devenir le laboratoire d'une nouvelle vie intense et totale dans l'espace naturel.
Comme les métropoles, la terre rurale est une alliée de notre futur. C'est un carrefour de
progrès qui se trouve à la jonction du rapport de l'homme à la nature, de notre relation
trop souvent conflictuelle, et qui de l'autre côté éprouve notre relation aux technologies et
aux changements qui en découlent. La néo-ruralité est, comme la ré-industrialisation, un
des grands enjeux de société de notre pays. Elle doit devenir une cause européenne et
publique.

Quels sont les constituants de cette expérience néo-rurale ?

L'heure est à affirmer qu'on vit bien dans la ruralité. On vit confiant et heureux. Et le
bonheur est, même pour la Harvard Business Review qui y consacrait un dossier dans son
numéro de février, un enjeu de performance et de productivité améliorée.
La néo-ruralité est un poumon naturel et humain face au développement de sociétés de
plus en plus agressives, aux respirations privilégiant la vitesse et la pression permanente
sur la nature et les êtres et sans égard pour le cadre de vie, la santé, l'éduction, les gens ...
Quel destin économique ? La néo-ruralité doit dépasser l'économie coloniale dans laquelle
on crée les matières premières qui sont valorisées ailleurs. L'enjeu est de créer une
véritable expérience économique rurale.
Evidemment l'agriculture est au coeur du projet. Mais une agriculture repensée, réinventée
dans une stratégie de diversification, de qualité, de proximité des marchés en s'appuyant
notamment sur le verdissement de la future PAC. Une agriculture qui doit être valorisée
dans une identité forte et affirmée. La transformation agroalimentaire et le patrimoine
alimentaire sont ce que la ruralité peut offrir au reste du Monde tant dans la dimension
création de valeur économique qu'en terme de plateforme de séduction et de message.
Les produits sont porteurs de revenus et d'emplois mais aussi de saveur, de sympathie et
d'identité. On a le territoire en bouche et on a envie de le découvrir. C'est un lien universel,
un marqueur d'exigence et de qualité.
L'activité touristique est l'autre pétrole de la nouvelle ruralité. Un vecteur de croissance qui
sera encore plus important demain. Un pont aussi pour une future installation. On vient
trouver ici ce que l'on ne trouve pas ailleurs.

Un nouveau mix énergétique

Mais au delà des nécessaires modernisations du tourisme et de l'agriculture, autour
desquels il faut imaginer de véritables pôles de compétitivité ruraux, il faut diversifier et
insister sur les « emplois verts », dans le transport, la forêt, l'énergie, ... Il faut inventer
notamment autour du très haut débit. La haute technologie permettra la valorisation de
la terre. Doter la ruralité d'une infrastructure de communication digitale de haut niveau
pour assurer la continuité territoriale numérique est un enjeu majeur. Il faut pousser plus
loin et engager un débat sur les usages qui font les destins économiques. Télétravail,
télémédecine, université virtuelle, médias ...
L'expérience néo-rurale c'est aussi l'invention d'un nouveau mix énergétique visant à
conquérir progressivement l'autonomie. Un modèle rural combinant photovoltaïque, éolien,
hydraulique, cogénération, transports publiques électriques ... On peut valoriser dans
l'espace rural un gisement de valeur et dans 10 ans obtenir la sécurisation énergétique.

La qualité de l'enseignement, enjeu central

La qualité de l'enseignement est déjà souvent une grande réussite. L'enjeu est central.
L'offre primaire et secondaire sera décisive dans un contexte de baisse générale de la
qualité. Il s'agit de l'un des socles de la future expérience d'une ruralité revisitée. Moyens,
sécurité, cadre de travail ... c'est une demande sociétale forte, et demain peut-être un
sanctuaire pour l'université elle-même. Le néo-rural sera l'endroit idéal pour bien faire
« pousser » et pousser les jeunes talents.
Dans la fabrication de cette néo-ruralité il y a la nécessité du fait culturel. La culture n'est
pas propriété du milieu urbain. L'accès à une culture de qualité est un atout éducationnel
et social, c'est aussi un élément fondamental pour l'attractivité et le développement
local. Le chemin parcouru depuis 30 ans est réel. Mais les générations bougent. Elles sont
toujours plus en appétit et les salles sont pleines.
La sécurité des personnes et des biens est une carte maîtresse de cette ruralité en
devenir. Il s'agit d'une des forces les plus discriminantes pour aujourd'hui et encore
davantage pour demain face aux évolutions de nos sociétés. Un bien précieux qu'il faut
savoir encore bonifier.

Simplifier les relations entre les différentes strates de collectivités

S'il faut regretter le fait que l'on détricote trop les tissus de la maille publique, il s'agit en
même temps de se projeter dans des formes nouvelles à inventer. Il y a besoin d'Etat mais
nous devons aussi simplifier la relation entre les différentes strates de collectivités. La
ruralité doit trouver davantage d'alliés dans les conseils régionaux. Au delà des
financement, il faut de la confiance, de la lisibilité dans les engagements. Peut être un peu
de protection aussi.
La dynamique de construction et de développement d'un mix innovant de réseaux de
mobilité routier, ferroviaire ... assurant là aussi une continuité territoriale est essentielle.
C'est un enjeu national et européen.
Au final il s'agit de consolider les réussites de vie des ruraux et d'offrir une nouvelle
réponse aux envies, aux attentes, aux rêves d'une partie de la population urbaine déjà
en quête d'une vie nouvelle, différente. C'est l'essence même de l'invention d'une nouvelle
ruralité qui, si elle ne pourra satisfaire les besoins de tous les individus et de toutes les
séquences de la vie d'une famille, répondra à l'espoir d'un destin personnel ou familial
amélioré. Pas d'opposition avec les pôles métropolitains, pas de sanctuaire replié et
anorexique, mais une ambition forte et légitime. Empruntant à Steve Jobs, nous disons: « Soyez insatiables. Soyez fous ! Rejoignez la néoruralité! »

*Conseil en communication d'influence
Professeur associé à Paris 1 La Sorbonne
Membre de la SEAP Society of European Affairs Professionals

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Commentaires 2
à écrit le 08/04/2012 à 8:53
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Curieuse cette agressivité de la plupart des commentaires. Les ruraux ont tellement intégré le fait qu'ils sont délaissés par Paris qu'ils n'envisagent même plus que leurs territoires puissent posséder des atouts supérieurs à ceux des villes. A une ...

à écrit le 29/03/2012 à 19:09
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Que l'on soit d'accord ou pas avec cette tribune, qui parle réellement de l'avenir de la ruralité dans cette présidentielle ? Pourquoi si peu de place pour la campagne dans la campagne ? La métropolisation serait-elle vraiment le seul horizon de notr...

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