En 2012, je dis oui à la réorientation solidaire de l'Europe

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Le parlement va devoir bientôt se prononcer sur le « paquet » européen examiné le 19 septembre en conseil des Ministres et comme il est difficile d'éviter la caricature quand on parle d'Europe en France, l'agitation est vive particulièrement dans ma famille politique. Les commentaires vont bon train et ont tendance à vouloir faire émerger des postures simplistes à ce propos et notamment, à tenter un amalgame acrobatique entre la position prise lors du referendum de 2005 sur le traité constitutionnel et le choix d'aujourd'hui.

J'appartiens à ceux qui ont dit non en 2005 et qui s'apprêtent à dire oui en 2012. La construction européenne, pensée au sortir d'un conflit mondial pour assurer la paix et le progrès, a toujours progressé par compromis successifs. L'oublier ou feindre de croire qu'il pourrait en être autrement, relève d'une forme d'irrespect de nos partenaires et conduit à une posture intransigeante peu compatible avec l'idée même de construction européenne. Refuser tout mouvement au motif qu'il n'aboutirait pas à une résolution définitive de tous les problèmes, conduit à l'immobilisme et à l'échec.

Un compromis positif avec le traité de Maastricht

Profondément attaché à l'objectif historique de la construction européenne, j'ai voté le traité de Maastricht, malgré ses inconvénients, parce que l'institution d'une monnaie unique était, pour moi, l'une des entrées possibles vers une intégration sociale et fiscale de l'Europe, vers une politique économique et sociale européenne ambitieuse qu'interdisait la juxtaposition de politiques monétaires nationales exposées aux aléas du court terme. L'affaire n'était pas sans inconvénients, les critères de convergence pouvaient paraître rudes et contraires à la souveraineté nationale, mais l'enjeu à long terme m'avait fait trouver le compromis positif.

Lors de la décision de l'élargissement de l'Europe à 27, les inconvénients étaient faciles à distinguer, les difficultés d'une gouvernance à 27, l'hétérogénéité des nouveaux entrants, la rapidité de l'élargissement comparée aux précautions jugées indispensables avant l'accueil de l'Espagne... mais la perspective historique de recomposition du continent, la main tendue à des peuples s'ouvrant de nouveau à notre idéal de liberté m'avaient convaincu, là encore, du caractère positif du compromis proposé.

Pas de contrepartie suffisante en 2005

Si je n'ai pas porté le même jugement sur le projet de traité constitutionnel, c'est au terme d'une analyse identique des avancées et des lacunes. Il y avait des avancées, le nier serait malhonnête, mais pour ma part, je n'ai pas trouvé la contrepartie démocratique suffisante à la nouvelle articulation institutionnelle proposée. Il eut suffit, par exemple, que la clé démocratique de la révision constitutionnelle future soit donnée par ce traité pour que j'y trouve à nouveau matière à compromis satisfaisant. Aujourd'hui, c'est la même démarche qui me conduit à soutenir avec force le « paquet » proposé autour du traité.

Le TSCG n'impose rien plus

En premier lieu, le traité ne nous impose rien de plus que nous n'ayons déjà décidé de faire en matière de redressement des comptes publics. N'oublions pas que la France respectait les critères de Maastricht après une législature de gauche et que les choix politiques des dix dernières années faits par la droite les ont sacrément mis à mal. Le redressement, nécessaire à la France pour retrouver des marges de man?uvre pour une action publique résolue en faveur du progrès et de la solidarité, implique de mettre un terme à la politique du tout libéral, si chère à Nicolas Sarkozy et à laquelle il a toujours fait allégeance.

Pour les mêmes raisons, ce même redressement est nécessaire en Europe. Il ne s'agit pas de s'interdire toute politique « keynésienne », il s'agit de s'assurer d'en avoir collectivement les moyens sans se précipiter dans une soumission mortifère aux marchés financiers. Il ne s'agit pas de se jeter dans l'austérité, il s'agit de retrouver la voie de la solidarité pour sortir de cette spirale les pays qui y sont déjà ! Il ne s'agit pas d'abandon de souveraineté, mais d'échapper aux replis égoïstes qui conduiraient à l'abandon des peuples qui souffrent et à la destruction de l'idée européenne. Ce que François Hollande a obtenu pour l'Europe en adjonction au traité, ce n'est pas un aboutissement, c'est la condition de la réorientation de l'Europe vers cette intégration solidaire que nous appelons de nos v?ux.

Le non, un coup donné aux valeurs de gauche, de solidarité

Si la France rejetait ce compromis, cela signifierait pour nos partenaires que nous ne voulons pas offrir en garantie de la réorientation de l'Europe que nous avons obtenue, les choix que nous avons faits nationalement et qui sont confirmés dans le traité. Alors, tous ceux qui doutent de la parole de la France seraient confortés, notamment en Allemagne, ils y verraient la preuve que toute la construction solidaire envisagée s'appuie, de fait, de façon inéquitable sur l'Allemagne, justifiant ainsi un possible repli national au détriment du reste de l'Europe.

C'est un risque majeur et évident. La France s'en tirerait peut-être, mais surement pas les peuples déjà soumis à une austérité qui ne deviendrait plus supportable et ouvrirait la porte à tous les vieux démons ennemis de la démocratie. La France ne peut porter cette responsabilité et rejeter les peuples d'Europe vers des destins nationaux divergents, les uns dans une prospérité relative -dont le caractère temporaire rappellerait plutôt la triste expérience des Curiace- les autres dans une spirale de la misère qui s'est si souvent terminée dans le déni de démocratie et la xénophobie.

A ceux qui s'apprêtent à prôner cette prise de risque, en votant non, je leur demande de voir le coup redoutable qu'ils s'apprêtent à donner aux valeurs de la gauche, la solidarité, la prééminence de la démocratie sur les marchés, le dépassement des nationalismes. C'est au nom de ces valeurs qu'il faut justement saisir l'opportunité d'une réorientation durable de l'Europe. C'est une opportunité qui doit souder les espoirs d'une Europe réellement sociale et solidaire.

C'est peut-être un pari, mais c'est un pari d'avenir que je veux prendre. Et ce pari, ou plutôt cet engagement, je veux en prendre la responsabilité en tant que parlementaire, car c'est bien au parlement de se déterminer sur un texte qui n'entraîne aucune modification de nos institutions au niveau constitutionnel.

Sur les orientations de notre politique, sur le redressement de la France et la réorientation de l'Europe, le peuple français a tranché lors de l'élection présidentielle et de l'élection législative qui a suivi. Le recours à une procédure référendaire ne se justifie donc, ni au plan institutionnel, ni au plan politique, le parlement est là pour assumer ses responsabilités, la confiance du peuple dans ses institutions est à ce prix, au-delà des postures personnelles et éphémères.


 

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Commentaires 4
à écrit le 04/10/2012 à 4:16
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L'opinion de Mr Caullet m'apparaît de bon sens et de responsabilité. C'est pourquoi je ne puis que regretter qu'il n'en tire pas toutes les conclusions qui s'imposent. Entre autres : pourquoi ne pas se désolidariser des Verts qui se préparent à voter...

à écrit le 03/10/2012 à 15:41
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Qu'elle est bonne la soupe européenne, surtout pour les élus et la fonctionnaires. Les peuples n'en veulent plus. Oui a une europe très resserrée à (Allemagne, France, UK, Autriche, Danemark, Norvège, Suède, peut-être quelques autres), fin de l'euro...

à écrit le 02/10/2012 à 22:40
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Vous avez voté non en 2005 parce que vous n'étiez pas au pouvoir. Vous votez oui en 2012 parc eque vous y êtes. Tout le reste est jésuitisme et littérature.

à écrit le 02/10/2012 à 17:12
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Sur le dernier paragraphe, ce monsieur a tout faux. Les gens ont voté pour Hollande car celui-ci promettait de renégocier et de réécrire le traité européen. Il n'y a pas eu renégociation ni réécriture, donc le gouvernement fait l'inverse de ce pourqu...

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