La redistribution, ce n'est pas que de l'impôt...

La redistribution est-elle si faible, en France, comme le suggèrent des travaux récents, qui mettent en exergue une hausse des inégalités? En fait, si l'on prend en compte l'ensemble des canaux de ce système redistributif, le constat est beaucoup plus nuancé
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Les travaux de Landais, Piketty et Saez sur la progressivité du système fiscal ont laissé entendre que la redistribution est faible en France et que les inégalités y sont fortes. La redistribution passe toutefois par beaucoup d'autres canaux que les impôts, souvent bien plus opaques, et il est surtout sûr que personne ne connaît son ampleur réelle.
Il existe de multiples mesures des inégalités et de la redistribution, mais la plus synthétique, et la plus souvent utilisée dans les comparaisons internationales, repose sur un indicateur appelé « coefficient de Gini ». Selon qu'il peut être plus ou moins bien mesuré et comparé entre pays, la redistribution peut être qualifiée de claire, de floue, de très floue ou d'opaque.

La redistribution résulte pour deux tiers des prestations sociales
La redistribution la plus claire est opérée par l'impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux, la taxe d'habitation, les prestations familiales, les aides personnelles au logement, l'allocation personnalisée d'autonomie et les minima sociaux. Elle résulte des prestations sociales pour les deux tiers et des impôts pour seulement un tiers. Elle est plus importante en France que dans l'Union européenne, en moyenne, et la répartition des revenus qui en résulte est équivalente en France et, en moyenne, dans la zone euro et l'Union européenne. La France n'est donc pas plus inégalitaire que les autres pays et, sur les 20 dernières années, les inégalités y ont moins augmenté.
Une redistribution est aussi opérée par les services publics, car leur consommation, rapportée au revenu, décroît souvent avec le revenu. Elle est plus floue mais peut être mesurée pour certains d'entre eux, notamment les services d'éducation et de santé. En France, elle est du même ordre de grandeur que celle qui résulte des prélèvements et prestations en espèces évoqués ci-dessus. Elle y est plus importante que dans presque tous les autres pays.

Les effets difficiles des impôts indirects
Les impôts indirects renforceraient les inégalités, car les ménages plus pauvres épargnent moins et consomment plus en proportion de leur revenu, mais leurs effets redistributifs sont en réalité difficiles à mesurer car il faudrait le faire sur l'ensemble du cycle de vie. Leurs taux sont globalement un peu plus faibles en France. Les gouvernements cherchent souvent à atténuer les effets présumés anti-redistributifs de la TVA en appliquant des taux réduits à certains produits, mais l'impact de ces taux réduits est largement indéterminé.
Dans les prélèvements concourant à la redistribution pris en compte ci-dessus, ne figurent pas les impôts sur le capital (impôt sur les bénéfices des sociétés, droits de mutation, impôts sur la détention du capital comme l'ISF et les taxes foncières). Or les impôts sur le patrimoine sont payés par les ménages en prélevant sur leurs revenus et contribuent aussi à la réduction des inégalités de revenus. L'imposition des bénéfices et du capital des entreprises touche plus particulièrement leurs actionnaires.

Un taux de taxation du capital plus élevé en France
La redistribution réalisée par les prélèvements sur le capital est très floue, mais deux constats sont possibles : d'une part, elle est importante car ils sont très progressifs ; d'autre part, elle est certainement plus forte en France car le taux de taxation du capital y est beaucoup plus élevé que dans le reste de l'Union européenne.
Le calcul des pensions comporte de nombreux éléments « non contributifs » supposés concourir à la réduction des inégalités, mais il n'existe pas de mesure synthétique des effets redistributifs des régimes de retraite, encore moins de comparaisons internationales solides. Les analyses partielles disponibles montrent qu'ils contribuent à réduire les inégalités mais par des canaux auxquels on ne pense pas spontanément : du fait de leur espérance de vie plus longue, les femmes sont avantagées et, comme elles ont des salaires de référence inférieurs à ceux des hommes, cela contribue à la redistribution des revenus.
Les dépenses des collectivités territoriales (hors attribution des minima sociaux, qui ont été pris en compte précédemment) ont certainement d'importants effets redistributifs, mais ils sont totalement opaques. Il en est de même des tarifs sociaux des entreprises publiques.

Les revenus primaires ne résultent pas seulement du jeu du marché
Enfin, les revenus primaires ne résultent pas, le plus souvent, du jeu du marché. Ils dépendent aussi de réglementations qui visent à protéger les salariés (procédures de licenciement) ou à diminuer les inégalités salariales (SMIC). Leur impact réel sur la distribution des revenus est largement inconnu et il n'est même pas certain qu'il aille toujours dans le sens voulu. D'autres réglementations, en réduisant la concurrence sur certains marchés de biens et services, favorisent les rentes et ont ainsi des effets anti-redistributifs obscurs.
Les gouvernements sont en permanence appelés à répondre à tous les besoins sociaux ressentis ou à toutes les formes apparentes d'inégalités en mobilisant tous les canaux envisageables de la redistribution. Il en résulte une accumulation de dépenses publiques, de dispositifs fiscaux spécifiques et de règlementations dont personne ne peut mesurer l'impact réel. Cette multiplication des interventions publiques a certainement pour effet de complexifier à l'excès le système socio-fiscal français et d'entraîner d'importants coûts de gestion.
Une révision générale des politiques de réduction des inégalités est donc nécessaire, mais toute réforme ambitieuse neutre pour les finances publiques se traduirait par des pertes significatives pour certains ménages. L'introduction de mécanismes visant à limiter ces pertes pourrait finalement déboucher sur un système tout aussi complexe. Le plus sage serait de se donner un schéma idéal simple de redistribution à long terme, surtout de ne pas s'en éloigner et d'essayer de de s'en rapprocher progressivement.


Ce panorama de la redistribution a fait l'objet d'un article plus détaillé dans la revue Sociétal qui est disponible à l'adresse :
https://www.societal.fr/80/ecalle_80.pdf


 

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Commentaires 12
à écrit le 09/06/2013 à 13:09
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je continue a dire qu il faudrais prendre l ensenble des revrnues meme sociaux pour avoir une egalite devant l impot et ca aurais comme avantage de contanter tout le monde est de faire baise les prelevment de toute sorte IMPOTS +CHARGES il faut y ref...

à écrit le 04/06/2013 à 9:57
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Quand on fait une augmentation des retraite en % , les petites retraités deviennent de plus en plus pauvres il faudrait une augmentation pour chacun de la valeur par exemple d'un caddy moyen ...

le 04/06/2013 à 10:39
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Une augmentation financée par qui?

à écrit le 04/06/2013 à 8:18
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Dans l'étude proposée,on considère les retraites comme une redistribution.Cette redistribution concerne en fait l'ensemble des richesses produites et pas seulement des salaires.Nous faisons beaucoup d'erreurs de raisonnement dans le domaine des retra...

à écrit le 04/06/2013 à 7:54
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L'énergie remplace le travail dans de nombreuses taches;elle doit participer à l'effort de financement du système de redistribution(une taxe sur l'énergie pour financer les retraites).Mais cette conception de l'économie sort de l'entendement de nos é...

à écrit le 03/06/2013 à 22:09
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Je voudrais attirer votre attention sur une incohérence sue l'isf 2013. Pour un patrimoine de 1 290 000, un contribuable paiera 0 euros d?isf 2013. Pour un patrimoine de Patrimoine de 1 390 000, un contribuable paiera 3005 euros d?isf2013. Pour l...

à écrit le 03/06/2013 à 18:37
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En effet, il n'y a pas que l'impôt progressif, il y a aussi les charges sociales progressives. En gros les prélèvements sur les travailleurs les plus faibles (pers+pat) leurs sont partiellement rendus sous forme de prestations sociales avec d'énormes...

à écrit le 03/06/2013 à 18:29
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"Une redistribution est aussi opérée par les services publics, car leur consommation, rapportée au revenu, décroît souvent avec le revenu" Les hauts revenus consommeraient-ils relativement moins de services publics? Peut-être sauf pour le principal :...

le 03/06/2013 à 18:41
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Il est aussi bien connu que les mieux éduqués consomment beaucoup plus de soins santé, de façon générale mais aussi dans les grands hôpitaux universitaires et de recherche.

le 04/06/2013 à 6:56
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Sauf que les haut revenus vont dans le privé !...

le 04/06/2013 à 10:49
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Assertion gratuite quant à la "surconsommation de services publics d'éducation coûteux par les hauts revenus" Ce qui est en revanche prouvé c'est que les enfants d'instituteurs et professeurs sont sur-représentés dans les formations élitistes à la fr...

à écrit le 03/06/2013 à 16:48
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piketty, c'est le gars qui est a l'origine de l'impot a 75% c'est ca? qu'il se rassure, afin de s'appauvrir et donc de rendre les gens egaux, les chefs d'entreprises francais downsizent a tour de bras ( selon l'adage francais ' a salaire egal, ne tra...

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