Pourquoi investir dans des petites valeurs "socialement responsables"

L'investissement socialement responsable peut passer aussi par de petites valeurs, qui répondent à ses critères. Par Léa Dunand-Chatellet, responsable de la recherche ESG de Sycomore AM

La diversification d'un portefeuille de convictions ISR (Investissement socialement responsable)  doit désormais passer par une place majeure accordée aux petites et moyennes capitalisations. Moins suivies par les agences de notation spécialisées et les brokers, elles ne bénéficient pas aujourd'hui de la place qu'elles méritent au sein des fonds d'investissement responsables, trop souvent "benchmarkés."

 Pourquoi cette absence ?

Précisément, la couverture des valeurs dont la capitalisation est inférieure à un milliard d'euros est quasiment inexistante (six analystes en moyenne entre 500 millions et un milliard) et elle reste plus généralement très limitée en dessous de trois milliards d'euros (neuf analystes entre un et trois milliards). Aussi dépourvus d'informations pertinentes sur ces segments de la cote et ne disposant pas de ressources de recherche interne, les gérants de fonds ISR ont tendance à les délaisser, pour se concentrer sur les valeurs phares qui bénéficient de publications d'analystes financiers et extra-financiers approfondies.

  Des entreprises qui n'ont pas démérité

Pourtant, les entreprises de taille intermédiaire sont loin de démériter. Bien au contraire, nous pouvons affirmer que leurs pratiques en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) sont désormais bien au niveau de celles des plus grandes sociétés. Mais sans doute n'ont-elles pas encore été suffisamment attentives à le faire savoir.

Les reportings ESG étaient jusqu'à maintenant encore trop souvent l'apanage des grands groupes, qui savent livrer ainsi aux analystes et aux investisseurs des données qui répondent à leurs attentes. Cependant ce handicap est en passe d'être comblé, sous l'heureuse influence des dispositions de la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 (et précisément de l'article 225). Un rapport extra-financier doit en effet être intégré au rapport financier, et donc soumis à audit, depuis le rapport annuel publié en 2013 au titre de l'année 2012.

Il oblige ainsi toutes les sociétés cotées à formaliser une communication standardisée sur leurs politiques en matière sociale et environnementale (les questions de gouvernance sont déjà traitées dans le rapport financier). Cette normalisation facilitera les comparaisons et permettra naturellement de constater que les petites et moyennes capitalisations n'ont pas à rougir de leurs pratiques. Elle permettra aussi de distinguer plus facilement les meilleurs élèves.

 Considérer les petites valeurs comme les grandes

Ces constats doivent d'ailleurs en toute logique imposer une grille d'analyse commune à toutes les entreprises quelle que soit leur taille. Autant il est très judicieux d'adapter les critères ESG au secteur de l'entreprise analysée car les enjeux peuvent être différents selon les métiers exercés, autant au sein d'un même secteur, petits et grands acteurs doivent être traités sur un pied d'égalité. Il est primordial de se montrer aussi exigeant sur la mise en œuvre de politiques sociale, environnementale et de gouvernance de qualité avec les entreprises qui ne figurent pas parmi les poids lourds de la cote, de les soumettre aux mêmes questions, aux mêmes critères.

C'est même cette exigence qui permettra de mettre en valeur leurs très bonnes performances dans ce domaine. De bonnes performances qui peuvent en partie s'expliquer par le caractère éminemment stratégique de l'enjeu de réputation pour les sociétés les moins importantes, en pleine phase de développement, dont l'activité peut reposer sur une poignée de collaborateurs. Dans ce contexte, leur capacité à attirer et fidéliser les talents est en effet cruciale et pour ce faire elles doivent se montrer irréprochables.

 Éviter les bulles sur certains secteurs

La construction d'un portefeuille de petites et moyennes valeurs leaders en matière de responsabilité sociale et environnementale ne doit surtout pas se restreindre à mettre en œuvre une approche thématique ou sectorielle. Privilégier exclusivement des startups qui bénéficient d'un positionnement porteur sur une activité en vogue est souvent dangereux comme en témoigne l'histoire boursiere (bulles sur certains secteurs). L'analyse extra financière doit ainsi nécessairement être complétée par une analyse financière intégrant notamment des critères de valorisation.

 Jouer la diversification: 450 valeurs entre 250 millions et un milliard

Le très large vivier des petites et moyennes capitalisations européennes permet au contraire de constituer une sélection de titres diversifiée, sans biais pays, ni biais sectoriel (l'univers des valeurs européennes comprises entre un et trois milliards d'euros de capitalisation compte 250 titres et il atteint près de 450 titres entre 250 millions et un milliard).

Cette évolution favorable intervient dans une période d'intérêt renouvelé pour le segment des entreprises de taille intermédiaire, qui se manifeste par la conjonction de plusieurs initiatives notables en France : la création par Euronext d'un nouveau marché dédié (EnterNext), une multiplication des appels d'offres centrés sur ces entreprises par de grands investisseurs institutionnels français et le lancement du PEA PME. Une conjoncture porteuse qui s'est d'ailleurs concrétisée aussi par une superformance boursière : en France, si le CAC40 a progressé de 18% en 2013, l'indice CAC Mid & Small a pour sa part bondi de près de 27%.

 

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