A quoi sert France Brevets ?

Est-il bien utile de faire des brevets déposés par des PME une matière à contentieux internationaux? Par Fräntz Miccoli, fondateur de startups

Pendant que le gouvernement américain vient d'initier une lutte contre les "Patents Trolls"  - ces prédateurs de l'innovation qui achètent des brevets en grande quantité pour ensuite essayer de faire payer des contrevenants présumés - l'Etat français, lui, semble avoir opté pour la stratégie inverse. En créant France Brevets en 2010, le gouvernement Sarkozy a créé un "Patent Troll" en puissance. Si ce dernier ne s'est pas fait trop remarqué, il vient tout juste de montrer de quoi il était capable en lançant sa première action en justice contre LG et HTC.

 Du "Patent Pool" au "Patent Troll"

Officiellement, l'entité gouvernementale qu'est France Brevets affirme être un Patent Pool, c'est à dire une société dont l'objet vise à racheter des brevets et tenter de faire fructifier l'investissement au travers d'un régime de licences collectives de propriété intellectuelle. Du "Patent Pool" au "Patent Troll", la frontière est mince. S'agit-il de gagner de l'argent principalement en vendant une licence globale pour faciliter la vie des exploitants ? Ou bien s'agit-il d'aller chercher la petite bête un peu partout sur la planète, pour trouver des contrevenants suffisamment fortunés pour qu'un procès soit rentable ?

 100 millions d'euros de dotation

Créée en 2011, France Brevets s'est vu dotée de 100 millions d'euros, tout droit sortis de la poche des contribuables et des épargnants. La première étape de la création du "Patent Pool" fut de lui définir une stratégie: choisir quelques secteurs en vogue pour aller chercher des brevets dans des sociétés françaises. L'institution décrit quelques-uns de ses axes de travail : « mutualiser des brevets au sein de grappes de brevets cohérentes et concentrées sur des domaines de valorisation homogènes » et « explorer de nouvelles opportunités de valorisation de vos brevets ».

 Valoriser l'innovation ou intenter des procès

Derrière ces belles intentions, on se rend compte que malheureusement « valoriser l'innovation » signifie pour beaucoup, faire des procès à tour de bras pour essayer de faire payer ceux qui en ont les moyens:  les groupes LG et HTC semblent bien rentrer dans cette description de la cible parfaite. Si France Brevets a d'autres visées, l'opération est ratée en matière de communication, la voici déjà qualifiée un peu partout de « Patent Troll sponsorisé par l'Etat », entre autres par un sénateur américain de l'Utah, Curt Bramble.

Les actions récemment déclenchées à l'encontre de LG et HTC ne vont pas calmer les critiques. D'après le classement des sociétés les plus visées par les Patent Trolls du site Apple Insider, HTC et LG sont respectivement en septième et huitième position.

 Des brevets de PME transformés en contentieux internationaux

Si le brevet est principalement un moyen de protection pour la plupart des sociétés qui l'emploient, certains se demandent s'il n'est pas intéressant de casser cette logique d' « acte défensif » pour mieux valoriser l'innovation. Le gouvernement français, mais aussi certains homologues Taiwannais et Coréens, s'invitent donc avec entrain dans l'industrie du "patent trolling", jadis quasi typiquement américaine, en transformant les brevets des PME en objets de contentieux internationaux. Des contentieux sur lesquels on peut légitimement se poser des questions. Quel est le bien fondé et l'intérêt pour l'innovation de telles actions ? Ne s'agit-il pas là d'une simple forme de protectionnisme ? A-t-on à gagner à voir ces pratiques se généraliser ?

 Trouver des revenus à l'extérieur?

Les gouvernants ayant pris conscience des effets décrits par la courbe de Laffer - il sera désormais difficile d'augmenter les impôts au-delà du seuil actuel et de trouver de l'argent chez les contribuables français-, ne seraient-ils pas en train tout simplement d'essayer d'aller chercher des revenus à l'extérieur ? Les géants du smart-phone étant des sociétés généralement bien pourvues en bénéfices, la stratégie pourrait s'avérer payante sur le long terme.

 

Fräntz Miccoli est actuellement COO chez MyScienceWork, un réseau social et moteur de recherche pour la communauté scientifique. Startupper depuis plusieurs années, il a acquis une grande expérience en matière de propriété intellectuelle.

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