Kerviel, symbole d'une communication dévoyée

Qui est vraiment Jérôme Kerviel : un illisible innocent ? Médiatique coupable ? Victime incomprise ? Du syndrome de l'innocent-condamné à l'effet paradoxal de la crise médiatique. Par Florian Silnicki, expert en communication de crise

A trop vouloir mettre en scène l'innocence de Jérôme Kerviel, ses communicants l'ont transformé en un parfait manipulateur aux yeux de la presse et en un parfait coupable aux yeux de l'opinion.
 Ses spindoctors ont réussi à mobiliser les médias, c'est vrai. Mais ils n'auront pour autant pas réussi à faire l'essentiel : faire adopter par les médias un « spin » favorable à Jérôme Kerviel. Jamais, ils ne réussiront à faire des médias un bouclier utile pour l'image ou la réputation de Jérôme Kerviel. Pire, ils perdront en un week-end une partie de l'opinion publique qui leur était acquise par l'overdose médiatique qu'ils lui ont imposé.

Le symbole d'une communication efficace parce que dévoyée

Lui qui pendant toute la phase  judiciaire a affirmé qu'il accepterait sa peine est venu expliquer à l'opinion qu'il n'est plus sûr de vouloir répondre à la convocation de la police.

Lui qui pendant toute la phase de sa "marche" a expliqué vouloir retrouver les valeurs de son enfance, a publiquement tenté de mettre en place un chantage public au Chef de l'Etat.

Jérôme Kerviel est le symbole d'une communication inefficace parce que dévoyée. Elle n'aura cessé de vouloir lui faire jouer des rôles au lieu de tenter à faire sens. Coupable naïf, innocent incompris, victime expiatoire puis repenti croyant, jamais ses communicants ne se fixeront sur une posture. Sans doute parce que jamais ils n'en trouveront une efficace. Ils finiront pas médiatiser cet homme en oubliant leur rôle essentiel: influencer les médias.


Quelle légitimité?

L'affaire démontre bien que pour ses communicants, communiquer c'était bien évidemment diffuser de l'information pour construire la posture de Jérôme Kerviel. Mais en le poussant à dire aux Français ce qu'il convient d'adorer et ce qu'il convient d'abhorrer, ils ont commis une faute en ne réfléchissant plus à la légitimité qui était la sienne pour ce faire.

Ses communicants savaient par ailleurs que communiquer, c'est scénariser et théâtraliser des informations et ils ont eu raison. Sauf qu'en saturant la communication autour de cette affaire tout en faisant évoluer les revendications de Jérôme Kerviel et sans objectif clairement fixé, ils ne lui ont pas permis d'être lisible et donc crédible aux yeux de l'opinion publique.

Adopter un positionnement identifié... comme au théâtre

Pour être efficace dans une communication de crise sous contrainte judiciaire, il fallait adopter un positionnement identifié comme dans un théâtre où le public doit rapidement comprendre quel est le rôle de chacun des acteurs de la pièce. Ce ne fut pas le cas en l'espèce.

Une stratégie de communication de crise est nécessairement régie par des règles précises. Les communicants de Jérôme Kerviel les ont simplement toutes dévoyées. Elles sont pourtant de bon sens. L'une d'elles consiste à ne pas ni surthéatraliser ni mépriser les événements qui surviennent. Les communicants de Jérôme Kerviel ont fait les deux que ce soit à l'égard de la marche, de la décision de justice ou de la convocation de police.

Un antimanuel de communication de crise, un tableau saisissant de notre époque

L'affaire Kerviel est désormais un antimanuel de l'art de la communication de crise. Elle est aussi un tableau saisissant de notre époque. Notre environnement médiatique est en effet à l'affût de la plus petite des aspérités de chacun d'entre nous. Les exigences de l'opinion publique sont de plus en plus strictes. L'indifférence et l'arrogance ne sont plus acceptables. C'est pour ne pas l'avoir mesuré que l'innocence médiatique de Jérôme Kerviel a fini par disparaître derrière une stratégie de communication improvisée et surjouée faisant naitre une crise médiatique que ses communicants ne cesseront d'alimenter sans jamais tenter de prendre le recul qui s'impose sur le temps médiatique afin d'en reprendre le contrôle. Ces derniers jours, Jérôme Kerviel a fini par voir son innocence médiatique compromise.

 

Une crise grave au détriment du client Kerviel

Les communicants de Jérôme Kerviel auraient pourtant dû immédiatement comprendre que leur mise en scène recelait potentiellement en elle tous les germes d'une crise grave au détriment des intérêts de leur client. Cela ne les a pas empêcher de le pousser à interpeller le président de la République, ne tirant aucune leçon de ce qu'il sera désormais convenu d'appeler le syndrome Léonarda, affaire dont on sait qu'elle a particulièrement échaudé le Président François Hollande. Comment n'en avoir tiré aucune leçon?

Refuser la décision judiciaire définitive: une preuve d'arrogance

Le refus d'admettre la décision judiciaire devenue définitive comme cette interpellation du Président de la République le font apparaître arrogant... l'un des traits de l'attitude du parfait coupable.  L'enchaînement de ses demandes, l'instabilité de ses revendications, le manque de transparence sur ses objectifs ont transformé une marche de pélerinage médiatisable de façon intéressante en une crise aux impacts non maîtrisés et aux coups de comm dont la ficelle est trop grosse pour être suffisamment efficace. Rien de tout cela n'est apparu suffisamment naturel pour impacter positivement l'opinion.

La réalité est que Jérôme Kerviel a été victime du syndrome de l'innocent-condamné. Le problème pour lui est qu'aujourd'hui, cette communication non maitrisée lui a fait non seulement fait perdre son procès devant les tribunaux (la Société Générale a eu juridiquement raison), mais lui a fait perdre son image (Jérôme Kerviel a médiatiquement tort), parce que le mépris affiché et assumé à l'égard des principes de la communication de crise aboutissent souvent à une catastrophe.

Apparu comme provocateur

A trop jouer la communication, Jérôme Kerviel est apparu provocateur. A trop jouer, ses spin doctors l'ont rendu inaudible. A trop mettre en scène son rôle de repenti, il n'a pas réussi à l'endosser. Il paye désormais au prix fort son mépris du respect des codes d'une stratégie de communication de crise.

L'accumulation d'erreurs qui ont pu apparaître isolées ont fragilisé l'édifice tout entier de sa riposte médiatique. Ces erreurs ont pénalisé finalement l'ensemble d'une stratégie qui a déjà toujours peiné à le faire apparaître victime. C'est en voulant redorer son blason que ses communicants se sont dévoyés. Le problème de Jérôme Kerviel est sans doute simple : il ne maitrise plus rien.
Ses communicants non plus manifestement. Ni image ni messages.
Et quand il s'agit de la liberté d'un homme, c'est particulièrement regrettable.

Jérôme Kerviel est devenu un innocent-condamné tyran médiatique incompris, qu'il prenne garde à ne pas devenir aux yeux de l'opinion publique un condamné-coupable politisé qui lasse.

Une nouvelle étape

Une nouvelle étape s'ouvre. Depuis sa prison, ses communicants ont entre les mains le début d'une nouvelle histoire qu'il reste à écrire. Celle d'une réhabilitation d'un homme qui a fait sa peine et payer sa dette à la société. Ses communicants peuvent évidemment désormais miser sur la notoriété ainsi maladroitement acquise par Jérôme Kerviel, prisonnier Français le plus célèbre du monde, pour entamer une nouvelle phase de riposte médiatique. Espérons pour lui, qu'elle soit enfin la bonne.

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Commentaires 30
à écrit le 23/05/2014 à 15:08
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Nous serons tous jugés au dernier jour. Que ceux qui se croient en apparence à l'abri s'en souviennent.

à écrit le 23/05/2014 à 15:00
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La souffrance n'est pas seulement dans la croix mais dans le crucifié. Que J. KERVIEL trouve et reçoive la force, qui vient d'en haut par l'esprit dans le coeur.

à écrit le 22/05/2014 à 3:21
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La sg lui met sur le dos les pertes après avoir dissimulé elle-même, les taux de ses transactions.De plus,ses responsables hièrachiques,comme autres professionnels pour garder leurs place,se taisent,voir l'accusent.Sa demande d'être témoin assisté n...

à écrit le 20/05/2014 à 8:15
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«Ce qui est en haut c'est comme ce qui est en bas !»...A Employeur farfelu et joueur, Employé farfelu et joueur...Changez tous les deux de métier!

à écrit le 20/05/2014 à 2:12
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Monsieur Florian Silnicki, Permettez moi de vous interpeller : Si sa communication était si mauvaise, la votre n'aurai pas lieux d'être si ? Alors se pose la question,pourquoi en tant qu"expert en communication de crise, vous vous en prenez à vo...

à écrit le 20/05/2014 à 0:28
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LaTribune, attention à l'impartialité. J'ai toujours lu les articles avec beaucoup d'attention, mais cela ne mérite pas d'être sur votre site. Je suis déçus du manque de perspective.

à écrit le 19/05/2014 à 21:46
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Haha ! non mais sans blague combien est-tu paye petit - journaliste - pour écrire de pareilles absurdités.! C'est d'un homme qu'il s'agit, et ce n'est pas un criminel, je suis heureux pour Jerome Kerviel que plein de gens viennent a son aide face a c...

à écrit le 19/05/2014 à 21:18
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Si il y a bien une erreur de com, c'est celle du juge qui l'a condamné a une amende colossale le fait u'il soit le seul sur le banc des accusés ! cela me rapelle l'affaire du sang contaminé ou Michel Garetta a été déclaré ''tous coupables" par je ne ...

à écrit le 19/05/2014 à 20:18
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La justice injuste ne condamne pas un ministre détournant son argent du fisc mais condamne Kerviel qui n'a pour faute que l'incompétence de ses supérieurs qui n'ont pas fait la tache pour laquelle ils sont rétribués, la justice en toute affaire ne s'...

à écrit le 19/05/2014 à 19:59
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Article avec un partis pris évident par un journaliste inconnu a 2 balles. La SG a payé combien pour cet article bidon ?

à écrit le 19/05/2014 à 19:51
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je bosse dans une agence bancaire en retail et la surveillance y est omni présente ! si on s'écarte quelquefois de la ligne c'est avec le consentement des supérieurs. Alors JK "s'amuse" avec 4 milliards sans que les supérieurs ne le savent ? C'est v...

le 19/05/2014 à 22:16
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Merci Banquier En quatre ligne on a tout compris, pas la peine de suivre dix annees de procedure judiciaire pour comprendre ou sont les vrais coupables de la Societe Generale.

le 19/05/2014 à 23:28
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Depuis le début de cette affaire je suis convaincu que la Banque savait et qu'elle a laissé faire parce que Kerviel à un moment lui a rapporté beaucoup d'argent...Puis ça c'est gâté et le bouc-émissaire était tout trouvé.

à écrit le 19/05/2014 à 19:47
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Encore un communicant pourrissant inutilement des débats d'opinions via des stratégies académiques à la con ! La communication est une arnaque ! Communiquer au sens médiatique aujourd'hui, ce n'est pas "parler honnêtement" dire les "choses simplement...

à écrit le 19/05/2014 à 19:37
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Pourquoi publier ces textes dites-vous, Vous estimez que la société générale et Salie par La faute de la tribune. C'est la faute a la société générale qui c'est salie elle-même. Nous sommes à l'heure d'Internet et vous ne pourrez empêcher les publi...

à écrit le 19/05/2014 à 19:13
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Soutenons Jérôme Kerviel. Gorgio a raison, Pour aller plus loin je dirais que les agences de communication à la solde de la générale sont également le coupables. Elles cherchent à détruire l'image de Jérôme Kerviel Ceci pour masquer l'incapacité de...

à écrit le 19/05/2014 à 18:58
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pourquoi publier ce texte et ts les commentaires ? La Société Générale salie !!!!!! Bravo LA TRIBUNE.

à écrit le 19/05/2014 à 18:44
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5 milliards d'amende, et 3 ans de prison… Il va etre difficile de trouver un boulot en sortant! Le juge qui à signé une peine pareille devrait aller lui meme en prison, tant il est clair que ses vrais patrons sont à la SG, pas au ministere… La dissi...

à écrit le 19/05/2014 à 18:41
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Affaire Kerviel, rappel des faits, flash-back C'était en février 2008, six années ont déjà passe La Société Générale se prend les pieds dans la com Cible unique de la banque : le trader fou et solitaire Bouton décrit un « escroc », « fraude...

à écrit le 19/05/2014 à 18:07
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Mon article sur Facebook Un article type des médias a la botte de la finance! Quand les journaux veulent assurer la communication au profit de la finance. Cet article du journal La Tribune cherche a faire croire que Kerviel est seul coupa...

à écrit le 19/05/2014 à 18:06
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Un article type des médias a la botte de la finance! Quand les journaux veulent assurer la communication au profit de la finance. Cet article du journal La Tribune cherche a faire croire que Kerviel est seul coupable. Or a lire tous les forums...

à écrit le 19/05/2014 à 17:53
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Pas eu le... goût de lire cette prose jusqu'au bout; au bout de 3 lignes, on a compris "c'eût été MOI (F. S.), cela se serait passé d'une autre (meilleure) manière". Ce que les français pense de JK n'a aucune importance; ce que les français ont appr...

à écrit le 19/05/2014 à 16:20
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Il a bien joué son coup, ça a bien marché, même les politiques, le gouvernement et Hollande s'y sont laissé prendre > bravo !

à écrit le 19/05/2014 à 16:10
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il aurait pu s' en sortir autrement en causant pro.. moi jérome le trader de la sg qui a faillit ( ! ) planter la banque et la finance mondiale avant l'heure, j' vais vous expliquer comment... ou moi jérome repenti capitaliste vous appele à voter kar...

le 20/05/2014 à 0:50
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Cela manque sérieusement d'argument, par contre on voit bien la fermeture d'esprit et le jugement hâtif. Si un jour on vous juge de cette manière rappelez vous comment vous aviez juge Jerome Kerviel, a bon entendeur salut.

à écrit le 19/05/2014 à 15:54
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Qui est Florian Silnicki ? Est-il un expert en communication de crise qui veut se faire sa pub ou qui sert son banquier préféré et généreux ? Le citoyen normalement constitué, avec juste un peu de bons sens a comprit l'inoubliable et l’ineffaçable ...

le 19/05/2014 à 16:30
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Des facheux, des indélicats il en existe partout, depuis tout temps, et cela pour jusqu' à la fin des temps.. l' homme est ainsi fait.. malin, roublard.. la poste est elle responsable du facteur qui chourave ? en partie oui.. mais le délinquant c' e...

à écrit le 19/05/2014 à 15:48
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Combien? Jeune et déjà adepte de compromission. Bonne carrière à vous

à écrit le 19/05/2014 à 15:34
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Mais la question est surtout qui paie ces incompetents?

le 29/07/2014 à 14:43
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Il faut le libérer avec un bracelet électronique. Mais lui laisser un PC avec un accès à internet total!!!

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