Supprimer le cash pour juguler les récessions

L'existence de cash entre grande quantité, dans un contexte de taux d'intérêt très faibles, rend les politiques monétaires inopérantes. par Michel Santi*

Les espèces en circulation au sein du monde occidental empêchent son redressement économique. Elles sont en effet de l'ordre de 4.000 dollars en moyenne par habitant aux États-Unis et en Europe, le double au Japon. En outre, - chiffres très significatifs - 77% des espèces en circulation aux États-Unis sont des billets de 100 dollars, 53% des espèces en Europe sont des billets de 100 euros voire plus, sachant que 87% des espèces au Japon sont des billets de 10.000 yens. Tandis que règnent aujourd'hui les grosses coupures, alors que la masse des liquidités en circulation atteint des niveaux records, il devient impératif d'éradiquer le cash de nos sociétés.

Contraindre à la dépense du cash

La première motivation fait de nos jours l'objet de discussions parmi un petit cercle d'experts. En effet, dans un monde où les taux d'intérêts des banques centrales majeures (USA, Japon et Europe) sont au zéro absolu, la présence même des espèces rend plus ou mois caduque toute politique monétaire non conventionnelle consistant à rendre les taux négatifs. En effet, le citoyen opterait dès lors pour transformer progressivement ses dépôts bancaires en espèces afin d'éviter de payer à sa banque des taux négatifs. Du coup, la banque centrale est confrontée au plancher du taux zéro que la présence même du cash l'empêche de crever. L'absence d'espèces lui permettrait au contraire d'instaurer efficacement des taux négatifs qui seraient nécessairement répercutés aux clients des banques, lesquels - étant dans l'impossibilité de convertir leurs avoirs bancaires en cash - seraient dès lors motivés à dépenser au lieu de conserver des comptes bancaires coûteux... Autrement dit: la relance de la croissance par l'absence de cash.

Une taxe sur le compte bancaire et le risque de voir ses billets invalidés

La société serait donc en mesure de conjurer définitivement toute récession car il suffirait de rendre négatif le taux d'intérêt directeur afin de combattre le chômage ou le ralentissement de l'économie. Brad DeLong, économiste à Berkeley, n'a-t-il pas même suggéré de combiner un taux d'intérêt négatif à une loterie qui invaliderait à intervalles réguliers des numéros de série de billets de banque ? Dans un tel cas de figure, toute récession serait très rapidement jugulée par une relance de la consommation et de l'investissement de la part de citoyens qui seraient dès lors confrontés à deux choix : payer une taxe sur leur compte bancaire ou dépenser leurs espèces menacées d'être disqualifiées !

Faire rentrer dans le rang l'économie souterraine

Parallèlement, les espèces doivent être supprimées pour un deuxième motif, moins académique et également moins honorable. C'est évidemment l'ensemble de l'économie souterraine qui serait brusquement amenée à rentrer dans le rang, celle qui privilégie l'usage des grosses coupures, celle qui se soustrait à l'effort de solidarité nationale, tout comme celle qui verse dans la criminalité pure et simple.

L'élimination des espèces éradiquerait du même coup l'ensemble de cette délinquance en forçant tous ces usagers plus ou moins douteux à transiter par l'intermédiation bancaire, qui serait dès lors incontournable pour tout paiement. C'est la nation et la quasi totalité des citoyens qui en bénéficieraient car des recherches récentes ont ainsi estimé que certains pays comme la Grèce, l'Espagne, le Portugal et l'Italie verraient une appréciation de 25% de leurs P.I.B. respectifs! Le marché noir, et autres activités illégales nécessitant du cash, constituent effectivement jusqu'au quart de l'activité économique de certains pays de l'Union européenne. Leur suppression autoriserait donc la dette publique italienne de s'effondrer de 145 à 115%, ou la dette espagnole de 105 à 85%.

 Les espèces, pour se protéger des dictatures...

S'il est vrai que l'usage du cash autorise les individus à amoindrir l'emprise de leur État, s'il est incontestable que les espèces sont un instrument de liberté, ces arguments sont encore recevables de nos jours exclusivement dans les pays dont les citoyens tentent de se soustraire aux dictateurs et autres régimes autoritaires. De telles atteintes aux libertés publiques sont en revanche exclues au sein de nos vieilles démocraties. Nos États se doivent donc de soutenir leur population meurtrie par plusieurs années de crise en facilitant d'une part la tâche des banques centrales (par l'instauration effective de taux d'intérêt négatifs), et en améliorant d'autre part leur recettes fiscales en faisant émerger leur économie de l'ombre.

Si les espèces représentent assurément un avantage et un gage d'autonomie sous le joug d'un dictateur, elles permettent trop souvent de s'affranchir de son devoir de solidarité au sein de nos sociétés occidentales. Acceptons donc de sacrifier un petit peu de liberté au profit de la cohésion nationale, de l'intérêt public, et d'une croissance pérenne.

 Michel Santi est directeur financier et directeur des marchés financiers chez Cristal Capital S.A. à Genève. Il a conseillé plusieurs banques centrales, après avoir été trader sur les marchés financiers. Il est l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience" et "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique".

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Commentaires 36
à écrit le 08/10/2014 à 12:11
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Les banquiers et les financiers manipulent de la monnaie virtuelle et effectuent des transactions, avec cette même monnaie, qui n'a aucun actif en contrepartie. Que faites vous des monnaies non bancaires (bit coins, monnaies locales créées de toute...

à écrit le 07/10/2014 à 19:04
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Etant donné que l'on cherche à se défaire de la dictature des marchés et de la dictature de la société de consommation, il est urgent d'avoir des liquidités. En tous cas, j'en ai vraiment mare de voir des banques, qui ont provoqués le problème, se r...

à écrit le 07/10/2014 à 15:14
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aucin probleme pour ma part ! Je passe au bitcoin et je fais a un gros doigts a tous les truc avec le mot national dedans :)

à écrit le 07/10/2014 à 14:57
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Pourquoi pas? mais alors je voudrais une banque strictement nationalisée, donc nous appartenant à tous, dont les dirigeants seraient élus au suffrage universel pour éviter la corruption, tant j'exècre les dividendes que paient les banques privées à l...

à écrit le 07/10/2014 à 14:53
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TOUS LES GOUVERNEMENTS QUI LUTTENT CONTRE LE CASH ONT UNE TENDANCE TOTALITAIRE !!! Nos vieilles démocraties ne porteraient pas atteintes aux libertés publiques ??? Il n'y a qu'un communiste comme Mr Santi pour ne pas voir ces atteintes, toutes d'orig...

à écrit le 07/10/2014 à 12:29
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Je ne suis pas économiste mais ça me semble vraiment déconnant car clairement on entrerait en dictature.

à écrit le 07/10/2014 à 12:13
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je présume que ce comique a dû conseiller la Banque Centrale du Zimbabwe. En effet, si vous interdisaient la possession de cash, et pénalisaient les comptes bancaires, vous obligez les épargnants à tout dépenser, ce qui donnera rapidement : 1- le re...

à écrit le 07/10/2014 à 12:13
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je présume que ce comique a dû conseiller la Banque Centrale du Zimbabwe. En effet, si vous interdisaient la possession de cash, et pénalisaient les comptes bancaires, vous obligez les épargnants à tout dépenser, ce qui donnera rapidement : 1- le re...

à écrit le 07/10/2014 à 11:38
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Interdire le cash ? C'est l'entrée dans la dictature ! Toujours au nom du principe keynésien délirant qui voudrait que l'on créerait de la richesse en consommant ! Si ce dangereux personnage imposait ses idées folles, j'achèterait aussitôt de l'or...

le 07/10/2014 à 14:59
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et aussi en Amérique rooseveltienne, sous peine de mort, rien que ça!

à écrit le 07/10/2014 à 11:09
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Autre idée : plutôt que de le prêter quasi-gratuitement aux banques commerciales, que la BCE prête directement aux particuliers les sommes gigantesques qu'elle créé depuis 2008. Avec un taux d'intérêt à moins d'1%, la consommation, et donc la croi...

à écrit le 07/10/2014 à 7:26
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Mon boulot : fournir de l'info aux banques Cet article pouvait éventuellement m'intéreser pour le panorama de presse du jour, mais je ne le retiendrai pas... raison : L'ENORME ET SCANDALEUSE erraur figurant dans le sou-titre....Relisez-vous... ce qu...

à écrit le 06/10/2014 à 16:43
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Si un tel racket institutionnel était mis en place on sait qui il faudrait tancer en premier !

à écrit le 06/10/2014 à 16:30
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les partisans de l'economie du deficit ont successivement evoqué le remboursement de la dette par , l'hyper impot, le non remboursement et maintenant le vol. Ce genre de raisonnement de detresse psychologique se finit generalement pour l'individu ...

à écrit le 06/10/2014 à 14:19
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Je n'avais encore jamais lu des élucubrations pareilles ,! Tirage au sort de billets invalidés.... Mais sur quelle planète vit donc ce monsieur ? Ca doit faire des lustres qu il n' a pas mis le nez dehors.

à écrit le 06/10/2014 à 13:51
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Au moins une raison existe pour que ça ne se fasse jamais: la classe politique n'y trouve pas son compte tous bords confondus

à écrit le 06/10/2014 à 13:40
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Monsieur Santi. Certes, vous avez de bonnes idées. Vous êtes même presque de gauche de temps en temps, vous dire comme je vous estime. Le problème est qu'en synthétisant vos articles et les idées qui en ressortent, il m'apparait que vous vouliez le ...

à écrit le 06/10/2014 à 13:35
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Le problème principal de cette proposition -intéressante- c'est que le citoyen lambda risque de ne pas comprendre l'intérêt, et y voir plutôt une atteinte aux libertés. De quoi renforcer le sentiment de défiance dans le système, et faire migrer les t...

le 06/10/2014 à 13:46
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Et que dire de la GB dont la Livre fut attaquée par Soros. Ce pauvre dernier en devint milliardaire, pour le coup...

à écrit le 06/10/2014 à 13:32
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Encore un qui veut nous piquer nos derniers cents.S'il faut racler les fonds de tiroirs c'est qu'on est dans la merde et dans ce cas il faut commencer à aiguiser la guillotine

à écrit le 06/10/2014 à 13:27
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Baisser les prix sera plus intéressant que cette proposition complètement fantaisiste. Les gens vont acheter sans problème s'ils considèrent payer au prix acceptable. Le problème est en effet la surévaluation des biens.

à écrit le 06/10/2014 à 13:08
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Supprimer les économistes intéressés par autre chose que le bien commun serait plus utile.

à écrit le 06/10/2014 à 12:57
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Être payé en "monnaie de singe" va a l'encontre du: "être payé plus en travaillant plus"!

à écrit le 06/10/2014 à 12:40
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Comme si la démocratie et la liberté étaient définitivement acquises… Bien sur… Supprimons le cash parce qu'on est en démocratie. Et s'il y a dictature, on le réintroduira… Oh wait !

à écrit le 06/10/2014 à 12:10
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Il faut supprimer le cash pour supprimer le travail au noir ainsi qui les oublis de facturation (hotel, camping et autres....) !

à écrit le 06/10/2014 à 11:47
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L'idéal serait de confier l'intégralité de nos biens à l'état, qui pourrait ainsi ne plus emprunter sur les marchés, et conduire enfin sa politique de relance... Plus je lis M.Santi, plus je m'aperçoit de la sainteté de sa parole et de son jugement. ...

à écrit le 06/10/2014 à 11:41
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"De telles atteintes aux libertés publiques sont en revanche exclues au sein de nos vieilles démocraties" Et une fois que le mécanisme sera en place, qui empêchera ces atteintes (la vertu des politiciens, mouahaha).Par ailleurs, faire payer un nouve...

à écrit le 06/10/2014 à 10:59
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n'importe quoi pourquoi ne pas réinventer le goulag en plus allez en corée du Nord si ça vous amuse mais sans nous

à écrit le 06/10/2014 à 10:55
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L'idée est excellente. Profitons des nouvelles technologies pour couper l'herbe sous le pied des mafias et augmenter la part de la vraie économie, celle qui permet de lever des taxes sur une plus grande assiette. On pourra toujours se prémunir de...

le 06/10/2014 à 11:15
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Vous êtes un comique vous, ça fait longtemps que la mafia n'utilise plus de cash surtout pour les montants astronomiques puisqu'ils ont noyauté toutes les banques mondiales :) Le fait de supprimer le cash, ce qui est fait dans plusieurs états des EU,...

à écrit le 06/10/2014 à 10:52
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Vous croyez vraiment que ces espèces liquides représentent une cause importante de nos difficultés ? C'est une garantie essentielle pour nos libertés et contre la spoliation.

le 06/10/2014 à 11:00
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mais c'est la le probleme : comment appliquer un taux d'interet negatif ou prelever une partie des depots bancaires pour rembourser la dette si les gens gardent leur cash chez eux ?

le 06/10/2014 à 12:43
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Comment extorquer la population si elle a les moyens de résister à celle-ci ?

à écrit le 06/10/2014 à 10:48
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Voilà un article iconoclaste qui n'a aucun sens, le problème n'est pas tellement les actifs en monnaie en circulation M1 mais plutôt la M2 et la M3. Ensuite les monnaies nationales sont de plus en plus remplacées par le bitcoin, où l'état n'a aucune ...

le 06/10/2014 à 13:18
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Ensuite les monnaies nationales sont de plus en plus remplacées par le bitcoin" : là j'ai éclaté de rire ! XD

à écrit le 06/10/2014 à 10:31
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"entre grande quantité" gne oO ?

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