Troika 1 - Syriza 1

En envoyant un message de fermeté au gouvernement grec, ses bailleurs de fonds ont contraint Syriza à revenir sur ses promesses. La trahison des électeurs grecs est finalement un événement heureux pour l'avenir économique du pays. par Marc Guyot et Radu Vranceanu, professeurs à l'Essec

Dans le match de la démagogie contre la réforme, les populistes de Syriza avaient marqué le premier but en s'emparant du pouvoir en Grèce. Les partisans de la réforme structurelle viennent d'égaliser. En effet Syriza vient d'endosser l'essentiel de l'esprit et de la lettre de la réforme structurelle, équilibre budgétaire et croissance tirée par la compétitivité via la privatisation et la fléxibilisation du marché du travail.

La stratégie de Syriza était basée sur la version pays du « too-big-to-fail » qui a causé tous les abus des grandes banques d'investissement avant la Grande Récession. Selon cette thèse, la Grèce ne peut faire faillite et sortir de l'Euro sans infliger un risque systémique inacceptable pour le reste de l'Europe qui se retrouve obligé de valider les demandes de Syriza d'annulation de la dette, de nouvelles aides inconditionnelles et de déséquilibre budgétaire. On retrouve ainsi l'aléa de moralité standard de toute organisation qui, sachant qu'elle sera sauvée à la fin, prend des risques inconsidérés et force la main aux régulateurs pour transférer ses excès budgétaires sur les autres parties prenantes.

Un message clair de fermeté

La Troïka des bailleurs de fonds (Commission Européenne, FMI, BCE) et particulièrement la BCE l'ont parfaitement compris et ont bien traité les menaces de Syriza comme un aléa moral. S'ils avaient accédé aux demandes de Syriza pour mettre la Zone Euro à l'abri d'une possible crise majeure, ils auraient validé ce scénario de prise d'otages, qui inspire toutes les partis populistes en Europe, notamment Podemos en Espagne ou les frondeurs socialistes et le Front National en France.

En refusant de négocier avec Syriza, ils envoient un clair message de fermeté : « On ne négocie pas avec les populistes ». Ceux-ci, n'ayant pas d'autres plans que de distribuer à leurs électeurs l'argent des autres savent parfaitement que leurs solutions de politique économique seraient absolument incapables de procurer à la Grèce de la croissance de la richesse et de l'emploi de façon soutenable. Leur chantage n'ayant pas fonctionné, ils ont relâché l'otage. Syriza ne menace plus d'une faillite de la Grèce et d'entraîner l'Europe dans le gouffre. Au contraire, ils demandent une extension du programme d'aide et s'engagent à exécuter toutes les réformes commencées par leurs prédécesseurs et qu'ils dénoncent depuis des années. Il va être intéressant d'observer comment ces rhéteurs artificieux vont faire passer la pilule à leurs électeurs floués. Le plus probable est bien sûr qu'ils disent qu'ils vont tenir leurs promesses (annulation de la hausse de la TVA, de la réforme des retraites, du licenciement de 10.000 fonctionnaires et augmentation de 50% du salaire minimum) mais échelonnées sur plusieurs années, pas dans des semaines.

Un événement heureux pour l'avenir de la Grèce

Cette trahison de ses électeurs par Syriza est un évènement heureux pour l'avenir économique de la Grèce. Mieux vaut une longue diète et un redécollage durable sur des bases assainies que le suicide économique collectif anticipé par un grand nombre de grecs, comme l'indique la vingtaine de milliards d'euros retirée des dépôts dans les banques grecques ces dernières semaines. En revanche, ce premier mois de gouvernement de Syriza a déjà endommagé l'économie du pays en matière d'accès du gouvernement grec et des firmes grecques au marché des capitaux et d'affaiblissement du secteur bancaire.

L'action contraignante de l'Europe

Dans ce scénario l'Europe est bien restée centrée sur le rôle de moteur de la réforme comme nous l'exposions dans ces colonnes l'année dernière lors des élections au parlement européen. La seule possibilité pour ceux des peuples européens qui rejettent le libéralisme, car ils le redoutent, est d'y accéder, malgré eux, par l'action contraignante de l'Europe.

Grâce aux plans de restructurations imposés par la Commission Européenne, les pays en crise du Sud de l'Europe, dont la Grèce, ont bien entamé la réparation de leurs faiblesses structurelles, le redressement de leur compétitivité et le retour à la croissance et à des finances publiques saines.

Un rôle fondamental d'impulsion libérale

Dans ces pays, tout comme dans d'autres comme la France ou la Belgique, la réforme structurelle libérale est très peu populaire et peu de dirigeants politiques ont le courage de l'entreprendre. L'exemple grec vient de montrer que lorsqu'ils ont ce courage, ils prennent le risque d'être remplacés par des partis populistes comme Syriza. L'Union Européenne a donc ce rôle fondamental d'impulsion libérale. Le prix à payer est qu'elle assume le mauvais rôle à la place des gouvernants, dans les pays rétifs au libéralisme, en leur servant de bouc émissaire pour faire passer les réformes nécessaires. Cependant, le seul espoir pour ces pays rétifs de renouer avec la croissance et d'enfin réduire le chômage est la poursuite du traitement libéral via l'action de la Commission Européenne.

C'est de cette Union Européenne dont les peuples d'Europe ont besoin et elle n'a pas failli à sa mission dans la négociation avec Syriza. Cependant, le match continue. Le populisme vient seulement de perdre une manche. Il boîte un peu en Grèce mais il est toujours en pleine forme dans le reste de l'Europe.

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Commentaires 13
à écrit le 02/03/2015 à 11:59
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L'action contraignante de l'Europe. Vive la démocratie dirigée et la pensée unique

à écrit le 01/03/2015 à 1:13
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Ce n'est pas un article économique, c'est un prêche religieux.

à écrit le 28/02/2015 à 16:01
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Je ne comprends pas bien pourquoi Syriza ne veut pas sortir de l'euro et diriger la Grèce en complète indépendance. Leur problème est interne : faire payer l'église, les armateurs et les oligarques. Ils n'ont pas besoin de l'UE pour le faire. Rester ...

à écrit le 28/02/2015 à 9:19
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Je ne connais pas bien la situation économique de la Grèce, mais il me semble qu'elle n'est pas très favorable; si on essayait de mettre en place une réforme fiscale permettant de basculer la fiscalité du travail sur la fiscalité énergétique, à titre...

le 28/02/2015 à 9:41
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Cela correspondrait à l'application de la note n°6 du CAE. Qu'en pensent nos deux rédacteurs?

à écrit le 27/02/2015 à 16:31
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Parce que ces "penseurs" trouvent que l'ultra libéralisme est un succès ? Cela ne vaut pas mieux que le communisme et autres machins en isme. Sont-ils si infatuer, qu'ils sont incapables de trouver une autre voie, qui elle serait bénéfique aux popula...

à écrit le 27/02/2015 à 16:07
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Bravo pour cet article loin de la bien-pensance de gauche sI appreciee a La Tribune.

le 01/03/2015 à 1:15
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La mal-pensance de droite, c'est quand-même mieux !

à écrit le 27/02/2015 à 16:06
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Les chiens de garde veillent au grain !

à écrit le 27/02/2015 à 15:58
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Une soupe idéologique néo-libérale consternante, tout est mélangé, les arguments sont fallacieux voir absents, et réhabilite l'ordo-libéralisme qui plombe pourtant le continent depuis maintenant presque deux décennies (mettre sur le même plan les fro...

à écrit le 27/02/2015 à 15:54
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La mise en place d'une sortie de la zone ne se construit pas a "la va-vite", le temps gagné permet de voir toute les options afin de repartir de plus belle!

à écrit le 27/02/2015 à 15:41
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"Cette trahison de ses électeurs par Syriza est un évènement heureux pour l'avenir économique de la Grèce". C'est clair que trahir son peuple c'est parfois excellent pour les performances boursières et les statistiques économiques ,et c'est bien le ...

le 01/03/2015 à 1:16
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Ne dites pas que c'est mal de trahir les citoyens, c'est populiste.

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