"Act for Nature" : les entreprises se mobilisent pour la biodiversité

Un « accord de Pékin » sur la biodiversité viendra-t-il en 2020 compléter l’accord de Paris sur le climat, comme deuxième pilier d’une stratégie de préservation de la biosphère ? Nous l’espérons vivement. Par Isabelle Autissier, Présidente du WWF-France, Bruno David, Président du Muséum national d’Histoire naturelle et Jean-Dominique Senard, Président d’Entreprises pour l’Environnement
(Crédits : Reuters)

Longtemps occultée par les débats sur la criticité des évolutions climatiques, la perte de biodiversité est enfin devenue un sujet d'attention, voire d'inquiétude, pour l'opinion comme pour les pouvoirs publics.

A cause du mode de développement socio-économique mondial actuel, des pans entiers de la biodiversité s'affaiblissent aujourd'hui sous nos yeux : la masse globale des vertébrés sauvages dans le monde s'est par exemple réduite de 58% dans les quarante dernières années[1]! En Europe, les populations d'oiseaux des campagnes ont chuté de 30% depuis 2000[2] etc. La biodiversité dans son intégralité est devenue « une espèce menacée »!... L'artificialisation rapide des sols dans le monde entier réduit rapidement les habitats de la faune sauvage, et d'autres causes comme la pollution ou la surexploitation sont aujourd'hui bien identifiées.

Or cette menace fait peser des risques sur l'humanité, car nous dépendons tous du bon fonctionnement des écosystèmes même s'il n'est pas facile d'anticiper d'où et quand de mauvaises surprises surviendront ! C'est un peu comme si l'on enlevait une poutre après l'autre à la Tour Eiffel ; il ne se passerait rien jusqu'à un certain stade mais, à un moment donné, non prévisible, la tour trop fragilisée s'effondrerait. Il en va de même pour les écosystèmes qui pourraient basculer vers des modes de fonctionnement beaucoup moins propices aux besoins de nos sociétés.

Il s'agit donc bien d'assurer l'avenir des services tirés de la nature. Ils sont nombreux, de la régulation du climat à la fourniture d'eau, de vivres, de matières premières ou de services plus immatériels, mais essentiels, comme le plaisir d'être entourés d'une nature accueillante. Si certains de ces services ont des alternatives artificielles, celles-ci sont souvent nettement plus coûteuses que les services gratuits qu'offre la nature et leur production pèse souvent aussi sur la biosphère, accélérant in fine sa dégradation.

Les Etats ont pris conscience des enjeux et de l'urgence. Nous espérons que la COP15, Conférence des Parties organisée sur la Diversité Biologique par la Chine en 2020, aboutira à un accord international sur un plan d'action concertée.

Des entreprises, initialement engagées au titre de leur responsabilité humaine et environnementale, ont également compris et intégré ces enjeux, mesurant tant les risques qui pèsent sur leurs modèles économiques à terme que les opportunités qu'elles peuvent y trouver.

Certaines ont d'ailleurs commencé, depuis longtemps, à imaginer et développer des solutions compatibles avec leurs modèles économiques, voire des transformations de ces modèles[3]. Elles sont prêtes aujourd'hui à changer d'échelle, comme elles l'ont fait sur le climat en préparation de l'Accord de Paris, et à promouvoir de nouvelles façons de produire plus favorables à la nature.

Certaines entreprises s'engagent ainsi dans la construction d'infrastructures écologiques, d'autres dans des pratiques agricoles bonnes pour la biodiversité comme pour le climat, d'autres recherchent des solutions fondées sur la nature pour produire tout en s'adaptant au changement climatique. Un usage plus dense de l'espace et la réintroduction de la nature dans les zones bâties sont par exemple des alternatives à l'artificialisation actuelle.

Tous ces exemples suggèrent des actions collectives de filières, de secteurs, des alliances privé-public, une mobilisation active à toutes les échelles : d'abord des entreprises mais aussi de leurs collaborateurs, partenaires, clients, fournisseurs, actionnaires, des scientifiques, de l'ensemble de la société en fait. Un dialogue entre acteurs sur les changements à inventer dans nos modes de développement et sur la gouvernance de l'usage de la nature peut s'ouvrir à tous les niveaux.

C'est donc avec le soutien d'institutions scientifiques, des principales associations de protection de la nature et des pouvoirs publics français que plusieurs entreprises - grandes et petites - préparent Act for Nature (act4nature[4]), engagement volontaire d'entreprises, collectif et individuel qui sera rendu public en juillet avec pour ambition de mobiliser sur cette question les parties prenantes en France puis à l'international, en prévision des grandes échéances de 2020.

Le futur de la nature est dans nos mains à tous, c'est maintenant que nous pouvons et voulons nous en saisir.

_____

[1] WWF 2017
[2] MNHN - Manifeste du Museum - quel futur sans nature ? 2017
[3] EpE : https://www.epe-asso.org/entreprises-et-biodiversite-gerer-les-impacts-sur-la-chaine-de-valeur-novembre-2016/
[4]
www.act4nature.com

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Commentaires 4
à écrit le 09/06/2018 à 8:28
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L'écologie, et la durabilité des systèmes, sont des sujets bien trop importants pour qu'ils soient laissés à des ultras plus préoccupés par la com. que par l'efficacité, ou qui souhaitent laver plus blanc que blanc sans expertise. Les personnes signa...

à écrit le 06/06/2018 à 19:01
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Quand on s’intéresse au devenir de la planète, de la biodiversité et de l’humanité, l’on doit aussi, me semble-t-il, réfléchir encore plus que les autres aux moyens que l’on utilise pour obtenir les fonds nécessaires pour agir. Or je tiens à signaler...

à écrit le 05/06/2018 à 11:22
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P.S: Parce qu'on sait que la biodiversité est détruite par l'agro-industrie, point. "Déclin de la biodiversité" http://www.environnement.ens.fr/etudiants/travaux-des-etudiants/nourrir-le-monde/limites-actuelles/degradation-des-ecosystemes/article...

à écrit le 05/06/2018 à 11:19
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Oui enfin bon, on nous parle sans arrêt de prise de conscience, de sentiment écologique, de préservation de la nature et on valide l'achat de MONSANTO par BAYER endettant ainsi cette dernière de 65 milliards lui imposant, ainsi qu'aux dirigeants poli...

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