La gouvernance, levier majeur de performance durable face à la crise

La gouvernance des entreprises doit vivre sa révolution pour marcher désormais au rythme de la société, voire la devancer. C'est ainsi qu'elle deviendra un véritable levier de gestion des risques et des crises et qu'elle pourra répondre au double objectif de création de valeur durable et de respect du bien commun. Un texte collectif de Michel Nicolas (APIA), Caroline Ruellan (Cercle des Administrateurs), Floriane de Saint Pierre (Ethics & Boards), Dominique Gaillard (France Invest), Bénédicte de Hautefort (Hebdo des AG), Denis Terrien (IFA), Caroline de la Marnierre (Institut du capitalisme responsable).
(Crédits : John Schults)

La crise sanitaire qui a frappé de plein fouet les entreprises et a mis sous tension leur gouvernance. Les conseils d'administration se sont mobilisés aux côtés des directions générales pour prendre des décisions d'urgence, de protection des salariés, de préservation et de continuité d'activité. Les assemblées générales ont souvent été repoussées et se sont parfois tenues à huis clos.

Avant même la crise, les transformations induites par le défi climatique, le contexte géopolitique et les mutations technologiques imposaient à chaque entreprise de réexaminer sa stratégie. Aujourd'hui, avec la crise, les administrateurs et les dirigeants doivent faire face à l'accélération des tendances déjà à l'œuvre, qui les conduit à revoir structurellement leurs modes opératoires et leurs organisations.

Anticiper les risques à venir


Les équipes de direction sont au front, focalisées sur la survie de l'entreprise, mobilisées par la mise en place de nouveaux modes d'organisation, de production et de distribution. Les administrateurs quant à eux sont dans l'anticipation des risques à venir et veillent à renforcer la résilience de l'entreprise. Un travail collaboratif entre ces deux organes est un levier majeur de gestion de crise combinant anticipation et décision.

La loi PACTE avait préparé les conditions d'une gouvernance capable de créer de la valeur de façon durable dans un contexte de plus en plus incertain ; en particulier avec la raison d'être qui contribue à faire évoluer l'ADN d'une société, ou encore avec une meilleure prise en compte des parties prenantes internes ou externes dans les processus de décisions. Mais cette crise, qui est un révélateur autant qu'un accélérateur, conduit les conseils et la direction générale à se mobiliser davantage encore. Nous appelons les organisations à renforcer leur gouvernance et leur leadership à partir de trois leviers clefs.

Les trois leviers clefs


Définir une stratégie de création de valeur durable est un rôle qui incombe au conseil d'administration, comme le définit le Code du Commerce. Or, trop souvent, le conseil n'est consulté qu'en fin de processus pour valider la stratégie élaborée par la direction générale. Nous préconisons une implication plus en amont du conseil d'administration dans le cadre d'un processus collaboratif avec l'équipe de direction pour élaborer ensemble les grandes options stratégiques de l'entreprise. La crise a démontré la force d'un bon alignement des rôles entre le prisme de la survie à court terme et la projection sur le long terme. Concilier les enjeux environnementaux et sociétaux nécessite une approche prospective qui se confronte à la réalité. C'est la seule manière de garantir une contribution au bien commun dans le respect des intérêts des actionnaires, mais aussi des autres parties prenantes à l'entreprise.  

La question du partage de la valeur ne peut plus se limiter à valider l'affectation ou pas du résultat, la distribution de dividendes et les rémunérations proposées par la direction, avec parfois une vision comptable découplée de la création de valeur réelle. Le partage de la valeur, central pour la performance, la cohésion et l'image de l'entreprise, est un levier stratégique. Nous préconisons que le conseil soit actif et pleinement impliqué dans les arbitrages entre ces différents leviers en définissant une politique de partage de la valeur.

Enfin, le dialogue actionnarial doit être l'objet d'une attention soutenue pour en préserver sa qualité. L'expérience de la saison 2020 des AG est contrastée. Très peu de sociétés ont mis en place un dialogue de réelle qualité durant ces réunions à huis clos, car le bon équilibre entre l'usage des outils numériques et la participation directe n'est pas encore bien maîtrisé. L'assemblée générale est le lieu où tous les actionnaires, en particulier les minoritaires, doivent pouvoir faire valoir leur point de vue et exercer leurs prérogatives.  L'absence ou la limitation du dialogue direct présente le risque de faire germer des formes d'activisme allant à l'encontre des intérêts sociaux. Nous appelons les conseils d'administration à veiller aux conditions de ce dialogue actionnarial.

Dans un monde où l'incertitude est devenue la norme, la gouvernance doit évoluer au même rythme que la société pour devenir un véritable levier de gestion des risques et des crises. Les anticiper, c'est être capable de comprendre où va le monde. Les intégrer à la stratégie et l'organisation de l'entreprise, c'est garantir sa pérennité en répondant au double objectif de création de valeur durable et de respect du bien commun Ces trois propositions nous semblent de nature à y contribuer. Charge à tous les acteurs de l'entreprise, à leurs représentants et aux pouvoirs publics de s'en saisir. Les administratrices et administrateurs engagés y sont prêts.

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Commentaire 1
à écrit le 18/02/2021 à 11:36
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Vous demandez un impossible long terme a des entreprises qui doivent prouver leur utilité immédiatement! C'est vouloir se donner bonne conscience pour créer des rentes inutiles mais rémunératrices!

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