Benalla Macron, "une affaire d’été"

Face à ce véritable casse-tête, Emmanuel Macron va devoir prendre une décision : soit endosser des décisions qui bousculent les équilibres; soit choisir de freiner sa gouvernance tel qu'il l'a conseillé nouvellement au risque de s'affaiblir politiquement. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 La Sorbonne, président de j c g a.
Jean Christophe Gallien, politologue-communicant et enseignant à l'Université de Paris la Sorbonne, Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals.
Jean Christophe Gallien, politologue-communicant et enseignant à l'Université de Paris la Sorbonne, Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals. (Crédits : Reuters)

Il ne s'agit pas d'une simple affaire de communication, pas encore d'une affaire d'Etat pour autant, mais l'affaire Benalla est déjà une affaire politique. Une affaire d'été !

L'affaire Benalla devenu le feuilleton de l'été

Eh oui, c'est l'été et pas n'importe lequel. Celui d'une victoire bleu blanc rouge à la Coupe du Monde de Football. Tout était réuni pour que malgré une vraie baisse de popularité Emmanuel Macron passe un été raisonnablement serein et festif. Un été normal. Même le début de ce qui est depuis devenu l'affaire Benalla semblait maîtrisable par l'effacement, l'éloignement du Président de l'arène médiatique. Magie de l'historique trêve estivale. Sauf que l'été a changé. Comme le reste. Impossible désormais de se cacher et d'attendre que "ça passe". La bête médiatique contemporaine comme nos appétits individuels exigent une nourriture permanente. Plus personne ne se débranche comme avant. Pas de déconnexion, encore moins de sevrage. Journalistes, observateurs, spectateurs, lecteurs, ... nous ne pouvons cesser de consommer les grandes ou petites pulsations du Monde. Nos écrans individualisés nous suivent partout, à la plage, à la montagne et tout le temps. Et les écrans ont besoin de contenu. Nous aussi, même quand l'info n'est pas une vraie actualité. Alors quand ça ressemble à une affaire, une vraie ... voici potentiellement le feuilleton de l'été ! A moins qu'une autre info, un autre événement, plus gros, plus violent, ... ne vienne la repousser dans l'obsolescence médiatique.

L'énorme travail en profondeur de La France Insoumise

C'est une affaire politique parce qu'il s'agit de la première vraie victoire politique d'un mouvement politique qui s'oppose à Emmanuel Macron et à La République en Marche. La France Insoumise a produit un gros travail en profondeur pour sourcer, structurer, diffuser et imposer ce qui avait échappé à beaucoup. Peut-être même au Président ! Au moment où personne ne s'y attendait, dans l'euphorie d'une victoire mondiale en bleu blanc rouge, au moment où nombreux célébraient ou enrageaient de cette baraka macronienne qui depuis l'affaire Fillon ne cesse d'accompagner le destin politique d'Emmanuel Macron, au moment où celui-ci pouvait légitimement baisser sa garde, la France Insoumise a cogné et frappe encore un Président presqu'au tapis. C'est comme si, pour quelques jours, le pouvoir avait changé de visages et de voix. Comme dans une convergence des luttes politiques, comme dans une seule et même opposition, La France Insoumise est rejointe par le Rassemblement National et Marine le Pen, puis Les Républicains et Laurent Wauquiez. Seuls les ex apparatchiks du PS ne trouvant pas le souffle nécessaire ni à l 'Assemblée, ni ailleurs.

Les enjeux de la conversation avec les Français

Emmanuel Macron va devoir revenir dans la conversation avec les Français. Il va surtout devoir choisir entre l'affirmation d'une gouvernance verticale, autoritaire, décomplexée, celle de nombreux leaders contemporains, assumer des choix ou décisions qui détonnent ou bousculent les équilibres mais qui participent, selon lui, de la réalisation rapide et durable de ses engagements pris auprès des français : plus de travail, plus d'argent, le dégraissage public, la baisse de la fiscalité ... Comme dans un "je fais ce pourquoi je suis là comme je choisis de le faire" et pour le reste ... Une posture qui séduit certains mais repousse aussi beaucoup, surtout si les résultats concrets ne viennent pas. Soit il choisit de tempérer sa gouvernance comme il l'a suggéré récemment. Il déclare clairement avoir été trompé par un de ses collaborateurs. Il le sanctionne. Il fait le ménage dans son cabinet et au delà, et, sans faire une Leonarda, il se requalifie en Président classique entre son épouvantail François Hollande et un Nicolas Sarkozy plus fréquentable à ses yeux. Au risque là aussi de décevoir, voire de s'affaiblir politiquement et géopolitiquement en se normalisant de trop. Dilemme complexe mais il doit décider vite.

Inquiétante fracture au sein du gouvernement

Au delà des enjeux de la conversation avec les français, cette affaire révèle des lignes de fractures inquiétante entre le Ministre de l'intérieur et ses troupes qui deviennent de fait une menace politique pour la suite de la Présidence Macron. Un an jour pour jour ou presque après avoir affirmé son autorité sur les armées, des décisions et une communication maladroites de l'Elysée et du Ministre de l'Intérieur, créent les conditions d'une potentielle nouvelle épreuve de force entre le Président et un corps constitué de la République. Des noms de policiers balancés dans l'arène parlementaire et médiatique, des explications dissonantes entre Beauvau et la Préfecture de Police, les silences de l'Elysée ... les policiers hommes et femmes pour beaucoup déjà en revendication d'une meilleure situation pourraient considérer qu'il s'agit de l'affaire de trop. Et ils ne sont pas des soldats. La police n'est pas la Grande Muette. Plus libre, plus bavarde, traversée par des sensibilités politiques et spirituelles diverses et puissantes, pas toujours proches de La république en Marche et de son leader, les effets à moyen terme pourraient être très lourds pour la suite du confort politique d'Emmanuel Macron et de ses amis. Affaire d'été ou affaire d'Etat ? Rendez-vous, comme l'année passée, sur les routes et les ondes du Tour de France pour en savoir plus.

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Par Jean Christophe Gallien 
Politologue et communicant
Président de j c g a 
Enseignant à l'Université de Paris la Sorbonne

Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

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Commentaires 20
à écrit le 28/07/2018 à 17:07
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cette affaire Benalla vient à point pour reléguer au second plan médiatique les résultats "minables" de la politique économique et fiscale mise en oeuvre par le Président Macron . la croissance recule fortement sur le premier semestre condamnant déf...

à écrit le 28/07/2018 à 0:59
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3h avant ses exploits à la contre escarpe Benalla a sévi près du jardin des plantes. Il a usurpé de l'identité d'un policier avec brassard, menacé d’arrêter des personnes sans raison apparente et leur a arraché de force leur téléphone portable pour ...

à écrit le 27/07/2018 à 11:02
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le monopole de l exemplarité .. de la moralité ne leur appartient plus aujourdhui ! sur fond des affaires .. mensonges ? mépris a l égard des français..

à écrit le 27/07/2018 à 7:23
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Micron est fichu pour le reste de son mandat. Melanchon a su argumenter tel le tribun. Beau travail. Meme si la vision de merluche est deplaisante a certains egards, faut reconnaitre qu'il a su profiter de l'aubaine. La politique est un panier de cr...

à écrit le 26/07/2018 à 21:38
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Pauvre politique. Cette affaire est un fait divers, grave certes, mais gonflé au soleil de l'été médiatique. Pendant que l'on parle de cela on ne parle pas d'autre chose. Prenons, au hasard, un fait autrement plus important pour la population: le dép...

à écrit le 26/07/2018 à 17:44
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Il doit être vexe Macron sans la boulette de Benalla ,il avait sa milice privée en fin d'année.Mais bon, comme disent aujourd'hui les députés LREM " il s'agit d'une tempête dans un verre d'eau".Le plus assurant dans cette histoire est de savoir que B...

le 27/07/2018 à 7:07
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Si on doit oublier et faire comme avant, les citoyens Français pense majoritairement que la réforme des 80km/h est plus une tempète dans un verre d'eau que cette affaire là... Ce qui est sûr c'est qu'on préfère tous revenir aux 90km/h que de voir Mac...

à écrit le 26/07/2018 à 16:57
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"A moins qu'une autre info, un autre événement, plus gros, plus violent, ... ne vienne la repousser dans l'obsolescence médiatique". Sinon, j'ai ça : Mounia Haddad, 29 ans, a été enlevée et séquestrée par sa famille, hostile à son projet de m...

à écrit le 26/07/2018 à 15:11
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Une simple piqûre de rappel de ceux qui l'on fait élire en "abattant" ses adversaires, le finançant sur un programme dicté par l'administration bruxelloise! Il doit se rendre compte qu'il peut être un fusible comme tout subalterne!

le 26/07/2018 à 19:58
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Vous mettez en cause la légitimité de l'élection de Mr Macron en tant que Président de la République alors que les français se sont prononcés en sa faveur, sur des lignes claires et l’intégration complète de la France dans cette Europe. Vous cherchez...

le 27/07/2018 à 11:41
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Le but de cette administration hors sol qu'est l'UE de Bruxelles est bien de créer un nouveau nationalisme non? La ligne claire de Mr Macron est le copier coller cet administration qui repose sur le dogme des traités non avalisé par les peuples euro...

le 27/07/2018 à 11:44
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Le but de cette administration hors sol qu'est l'UE de Bruxelles est bien de créer un nouveau nationalisme non? La ligne claire de Mr Macron est le copier coller de cet administration qui repose sur le dogme des traités non avalisés par les peuples ...

à écrit le 26/07/2018 à 14:51
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Quand la démagogie et le populisme prennent le pouvoir, on transforme le dérapage d'un individu en affaire d'Etat. Tout cela est ridicule surtout quand on voit les envolées lyriques de certains sur le fascisme et le déni de démocratie à des fins de m...

le 26/07/2018 à 15:13
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A votre avis pourquoi fait on des audits dans les entreprises?

à écrit le 26/07/2018 à 13:17
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Sacré gars ce Benalla, je n'ai aucune affinité mais ce genre de gars en impose. Dommage le coup est trop bien monté et il en prend plein la figure... Mais ce mec a la carure d'un Pasqua je pense qu'il ira très très loin et qu'on va le revoir. Bra...

le 26/07/2018 à 16:49
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"Dommage d'avoir tiré sur la République..." Une explication claire du sujet : https://www.youtube.com/watch?v=9ijFgJnTh1M

le 26/07/2018 à 18:24
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Oui je confirme très belle partie de Mélenchon et consors Mais bon ça reste une petite affaire d'été totalement stupide mais faîtes vous plaisir. il faut avoir le sens des proportions..; L'affaire Benella reste une jubilation pour se taper l'a...

le 27/07/2018 à 11:33
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rectifions, il a tiré sur la république en marche, pas sur la République Française. Ce qui a transformé ce "fait divers" en affaire d'état c'est la gestion calamiteuse par la présidence de la république. Si le 2 au matin, Benalla avait été conv...

à écrit le 26/07/2018 à 11:04
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On retiendra deux éléments qui pèseront lourd dans la suite de cette présidence marketing, l'amateurisme des dirigeants, et l'utilisation du mensonge à la fois par affirmation et par omission. Que la sortie se fasse par des rodomontades hystériques d...

à écrit le 26/07/2018 à 10:44
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"soit endosser des décisions qui bousculent les équilibres" A savoir se comporter comme Erdogan ? Ben c'est l'option qu'il a chosi donc, le déni de démocratie. Alors il est vrai qu'il n'en restait plus grand chose mais là c'est sa fin actée. ...

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