Bienvenue à la COP55... en 2050

CHRONIQUE. Nous sommes en 2050. La COP se réunit pour la 55e fois, mais désormais pour des motifs bien différents. Le réchauffement n'a pas pu être freiné. La transition énergétique n'a jamais pu être achevée. Par Karl Eychenne, chercheur chez Oblomov & Bartleby
(Crédits : DR)

Il y a une forme de fascination à nous regarder sombrer. La lenteur de la chute, peut-être, engourdit-elle nos sens. À moins qu'il ne s'agisse que d'acrasie, notre prétention à vouloir le bien, mais à faire le mal. Le pouvoir hypnotique de l'abime est tout de même troublant.

Finalement Anaxagore avait tout faux : « Au commencement était le chaos, puis vint l'intelligence qui débrouilla le tout ». Plutôt l'inverse.

Désormais, il n'est plus complètement irréaliste de supposer que l'impensable finisse par se produire : l'échec climatique.

D'ailleurs, même la fiction semble aujourd'hui débordée par le réel. C'est l'histoire d'une planète pantelante. Elle ère, elle divague, elle grimace, elle agace. Notre point de vue de Sirius comprend l'inquiétude, mais pas l'hystérie suscitée.

« De quel droit la planète que nous foulons bride-t-elle nos ardeurs ? Il est temps de biffer un à un nos accords passés », controuveur de vérités vraies.

Nous sommes en 2050. Le GIEC n'existe plus. Ses membres ont tous démissionné, fatigués de passer pour des amuseurs à la moutarde. Le scénario pessimiste du GIEC communiqué durant les années 2000 est finalement devenu le scénario central. Rappelons les termes employés alors par les experts.

« La coopération internationale s'effondre à mesure que s'installent des gouvernements nationalistes. La croissance économique et le progrès social prennent du retard.

Dans les pays les plus défavorisés, la natalité reste élevée, et la population mondiale est de 12 milliards à la fin du siècle. Les émissions de CO2 continuent d'augmenter également et font monter la température de 3,6°C en moyenne par rapport à l'ère préindustrielle.

Les épisodes de sécheresse et d'inondations s'aggravent considérablement, la banquise arctique disparaît l'été, et les vagues de chaleur qui ne survenaient qu'une fois tous les 50 ans se produisent 40 fois plus souvent. »

 Nous sommes en 2050, les jeux sont faits

Mais les dés n'étaient-ils pas pipés dès le départ ? L'idée même que les décideurs auraient pu se mettre d'accord parait aujourd'hui bien sympathique. Déjà, le défi intimidait même les plus ambitieux. Et pour cause, parmi les 4 solutions potentielles qui étaient susceptibles de réduire les émissions de CO2, 3 étaient déjà hors-jeu. Il y avait la réduction de la population, impossible ; la réduction du PIB par habitant, impensable ; la réduction de la consommation d'énergie pour produire ce PIB, infaisable. Ne restait alors que la transition énergétique consistant à réduire la contribution des ressources fossiles dans la consommation d'énergie. Sujet tabou pour les uns, inaudible pour les autres.

 La transition énergétique semblait pourtant la seule piste. On n'imaginait pas qu'elle ne soit pas mise en œuvre. Mais il y a une nuance entre ce qui relève de l'aléthique (ce qui ne peut pas ne pas être) et ce qui relève de la pratique (ce qui se produit dans la vraie vie). Ainsi, la transition énergétique n'a jamais su imposer son évidence aux décideurs. Nous voilà en 2050, et charbon, gaz, pétrole, sont encore à l'œuvre dans nos turbines. La COP 55 ressemble à un catafalque réunissant les derniers épistates qui acceptent de venir encore à la grand-messe. Les autres sont allés voir là-bas si j'y suis.

« More esprit, autrefois amoureux de la lutte
L'espoir, dont l'éperon attisait ton ardeur,
Ne veut plus t'enfourcher ! Couche toi sans pudeur,
Vieux cheval dont le pied à chaque obstacle butte »

Baudelaire

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 01/12/2023 à 11:22
Signaler
Bravo pour cet article magistral, enfin, quelqu'un qui dit la vérité à propos du réchauffement climatique. Un peu d'honnêteté intellectuelle ne fait pas de mal. Car oui, il est évident que le pire scénario climatique se réalisera, car personne ne se ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.