Black Friday : l'image emblématique et pervers de l'hyperconsommation

OPINION. Après le rendez-vous manqué de la COP 26, la lutte contre les effets pervers de l'hyperconsommation sur notre modèle écologique et social est aussi à la portée de chaque citoyen. Par Jean-Paul Raillard, Président du Green Friday
(Crédits : BENOIT TESSIER)

Comment pouvons-nous ignorer l'impact environnemental de l'hyperconsommation dont le Black Friday est l'image emblématique, alors que l'urgence de la transition écologique se fait de plus en plus pressante comme le montre le dernier rapport du GIEC(1) ? Dans ces conditions, pour compléter les actions des États et des entreprises sur lesquelles pèsent de larges incertitudes après l'échec de la COP26, une partie de la réponse doit venir des consommateurs eux-mêmes nous dit le Président de l'association Green Friday qui en appelle à leur mobilisation immédiate.

Le dernier rapport du GIEC a confirmé de façon très claire qu'une menace directe pèse sur le fonctionnement et la survie de nos sociétés si nous n'arrivons pas à diminuer très rapidement et dans des proportions massives, l'émission des gaz à effet de serre.

Une des conclusions majeures de ce rapport, inscrite dans sa synthèse, est que « la limitation du réchauffement à +1,5°C à horizon 2100, soit le but affiché de l'accord de Paris, est impossible sans une réduction majeure et immédiate des émissions de GES, suivie par l'élimination nette de CO2 atmosphérique. »

Qu'observons-nous par rapport à cette menace existentielle ?

Beaucoup plus le business as usual qu'une modification radicale des politiques publiques ainsi que des stratégies des entreprises. Les inégalités sociales se creusent pendant que les dividendes versés par les sociétés du CAC 40 reviennent à leur plus haut niveau et que les achats de masques par les administrations se tournent toujours vers la Chine alors qu'une filière française performante s'est créée durant la pandémie.

Paradoxalement, nous ne regardons plus ailleurs pour reprendre une expression célèbre ; la prise de conscience des dangers qui nous guettent progresse. Les discours ont changé, les programmes électoraux également dans la plupart des partis ; les jeunes générations interpellent les décideurs politiques et les comportements des consommateurs commencent à bouger comme le montrent le développement rapide du marché des produits de seconde main et celui des produits et services locaux.

Mais, malgré cette prise de conscience et ces signes encourageants, la dictature du court terme est toujours là. Les politiques publiques comme les stratégies des entreprises ont beaucoup de mal à penser le long terme et à s'adapter pour mettre au centre de leurs actions l'intérêt fondamental des citoyens qu'ils soient consommateurs ou électeurs. Les piètres résultats de la dernière COP 26 sont là pour nous le rappeler.

La récente hausse des prix de l'énergie est caricaturale à ce propos. Alors qu'elle montre qu'il faudrait plus que jamais accélérer les investissements dans les énergies renouvelables et dans l'efficacité énergétique, le charbon brûle de nouveau à plein régime en Europe dans les centrales thermiques.

En parallèle, la pandémie a encore creusé les inégalités sociales et mis en lumière les faibles rémunérations et les conditions de travail difficiles de personnes exerçant des métiers dits de « second rang » mais en fait de première nécessité : personnels d'assistance et de santé, livreurs, métiers de la restauration, collecteurs de déchets, etc.

C'est dans ce contexte incertain et anxiogène d'urgences sociales et environnementales étroitement liées que les sirènes d'un nouveau Black Friday recommencent à focaliser toutes les attentions des médias et des directions commerciales avec son cortège de conséquences désastreuses - destruction des ressources, hyperconsommation, gaspillage, fausses réductions - qui ont été très largement démontrées depuis plusieurs années.

À l'heure où se mettent en place les mesures prévues par la loi contre le gaspillage et pour l'économie circulaire de 2020 ainsi que celles issues de la loi Climat et résilience de 2021 qui vont dans la bonne direction malgré leurs insuffisances, cette grande « fête » de la consommation a encore moins de sens que les années précédentes.

Face à cela, le collectif du Green Friday lance sa cinquième campagne depuis 2017 pour démontrer que des solutions sont possibles, qu'elles sont efficaces et mobilisables rapidement. Nous pensons que les citoyens sont prêts à s'emparer des moyens d'action que nous proposons et à devenir des acteurs conscients d'une consommation choisie, aux conséquences assumées.

La promotion d'une consommation plus respectueuse de l'environnement et des êtres humains passe par l'allongement de la durée de vie des produits autour de la durabilité, du réemploi et de la réparation, l'achat de produits porteurs d'une vraie qualité d'usage mais aussi d'une empreinte sociale et environnementale au-delà de la simple satisfaction tirée de leur consommation. Elle passe aussi par la préférence pour des produits issus de fabrications locales ou du commerce équitable ou encore par le partage de l'utilisation de ces produits.

Le Green Friday est plus qu'un événement ponctuel, c'est aussi un mouvement qui inscrit dans la durée, la sensibilisation des citoyens à la consommation responsable. Sans chercher à culpabiliser les consommateurs, le Green Friday les invite à se questionner sur leurs modes de consommation ainsi qu'à se responsabiliser, en faisant appel à leur libre arbitre d'acteurs-consommateurs.

Pour sa cinquième édition du 26 novembre 2021, le Green Friday offrira autour des associations et des entreprises toujours plus nombreuses qui y adhèrent, une programmation d'opérations ouvertes au plus grand nombre et accessibles soit sur sites auprès des adhérents soit sur les réseaux sociaux. Parmi ces opérations, des coups de cœur réguliers sur des initiatives remarquables, une mise à disposition de vidéos illustrant des actions de lutte contre le gaspillage autour de la réparation, du zéro déchet, de l'économie de la fonctionnalité, des animations dans les magasins autour de la transition écologique, un appartement témoin composé de meubles et d'appareils de réemploi, etc.

Les entreprises adhérentes s'engagent à ne pas réaliser de promotions sur les prix des produits et services le jour du Black Friday et à reverser 10% de leur chiffre d'affaires de cette journée à quatre associations qui luttent contre le dérèglement climatique et les fractures sociales et avalisées par l'association Green Friday Ces sommes, loin d'être négligeables pour les entreprises qui les versent, marquent leur volonté d'engagement et la prise de conscience de leur responsabilité sociétale.

Aucun des leviers à notre disposition ne doit être négligé et c'est par un front le plus large possible associant une vraie pluralité des acteurs, entreprises, associations, mouvement de consommateurs que l'on changera véritablement et durablement les choses.

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(1) Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a publié le 9 août 2021 le premier volet de son sixième rapport d'évaluation : https://www.ipcc.ch/languages-2/francais/

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