CAC 40  : les 4 tendances nouvelles des AG 2017

Les entreprises montrent qu'elles ont saisi les vertus - et la nécessité - de développer des liens réguliers et équilibrés avec leurs parties prenantes et d'intégrer toutes leurs dimensions - économique, environnementale, sociale, éthique, financière. Par Caroline de La Marnierre, DG de l'Institut du Capitalisme responsable, présidente fondatrice de Capitalcom.
Caroline de La Marnierre, DG de l'Institut du Capitalisme responsable, présidente fondatrice de Capitalcom.

Vous souvenez-vous des Assemblées Générales 2016 ? La saison fût mouvementée : scandale sur la rémunération des dirigeants, vote du Brexit... Cette année, le contexte économique et politique était houleux et particulièrement volatil, en France et à l'international, mais le bal des AG du CAC 40 2017 nous a présenté de jolies danses. Déjà, pour la première fois depuis 5 ans, les actionnaires ont tous bénéficié de dividendes. Il n'en reste pas moins que la prudence reste de mise pour les entreprises comme pour les actionnaires. Si le début de la saison des AG a été particulièrement calme - voire marqué par une forme d'attentisme - les élections en France semblent avoir rassuré les entreprises et les investisseurs sur les perspectives économiques et sociales du pays. 4 grandes tendances se dessinent clairement !

La révolution après la crise

Les entreprises sont passées par plusieurs phases successives ces 10 dernières années : crise, évolution, transformation... elles parlent maintenant de « révolution » ! Le monde « post-crise » pousse les entreprises à réviser leur business model plus en profondeur que jamais. La révolution - ce mot très fort - revêt des réalités différentes : digitale chez AccorHotels ou Sodexo, énergétique chez Engie, de la mobilité chez Valeo... Il y a urgence à changer, et en profondeur. Pour réussir, les entreprises devront faire converger toutes les énergies. Près de 1 sur 2 (47%) a valorisé son programme d'attraction et de gestion des talents, un vrai sujet face à des aspirations très différentes pour les générations Y et des millennials.

Près de dix ans après la crise des subprimes, les entreprises du CAC 40 affichent un nouveau visage. Certaines ont changé de dimension par des fusions ou acquisitions - Air Liquide avec Airgas, Essilor et Luxottica ou encore Danone et Whitewave ; d'autres ont profité de l'AG pour présenter leur nouveau plan stratégique comme Société Générale ou Atos. Les modèles changent et s'ouvrent plus largement sur leur écosystème. Les entreprises renforçent leur agilité, se « synchronisent » avec la société civile ; question de survie.

On note également des efforts notables en matière d'information sur l'anticipation et la gestion des risques. Ce sujet vu comme anxiogène et traité plutôt timidement les années précédentes, a fait l'objet de plus de transparence et de pédagogie cette année. Bouygues par exemple a présenté sa cartographie des risques. Les actionnaires, de leur côté, ont posé 27% de questions relatives à la stratégie et les perspectives, soit 6 points de plus qu'en 2016.

Integrated Thinking pour piloter dans l'incertitude

L'integrated thinking, que l'on sent monter en puissance d'années en années sur le plan international résonne désormais presque partout, d'une manière ou d'une autre. Les entreprises montrent qu'elles ont saisi les vertus - et la nécessité - de développer des liens réguliers et équilibrés avec leurs parties prenantes et d'intégrer toutes leurs dimensions - économique, environnementale, sociale, éthique, financière. A titre d'exemple, 18 % des entreprises du CAC 40 ont remis ou présenté un rapport intégré lors de leur AG, contre 6 % en 2016. 1 entreprise sur 4 a parlé de son analyse de matérialité et de dialogue avec les parties prenantes et 2 fois plus d'entreprises que l'an dernier ont valorisé ce dernier point.

Autre signe très positif, tout juste un an et demi après la COP 21, l'article 173 et l'Accord de Paris sur le climat, plus de la moitié des entreprises du CAC 40 (55%) a traité des sujets climatiques. L'intégration de la RSE dans les présentations - non pas forcément le mot, mais bien les réalités qu'il revêt - constitue un point de progression majeur. La RSE n'est plus traitée à part. Elle s'inscrit désormais de plus en plus dans les discours sur la stratégie, les métiers et les résultats financiers. Enfin !

L'activisme actionnarial, assez virulent les dernières années, a mûri, avec des entreprises qui, plus ouvertes et mieux préparées, laissent place à des échanges plus construits. Les ONG se sont manifestées principalement dans les AG bancaires sur les sujets de politiques d'investissement en faveur du climat, mais globalement les entreprises se montrent à l'écoute des préoccupations de la société civile.

Vote sur les rémunérations : 1er acte pour Sapin II La loi Sapin II a joué son 1er acte cette année, mettant sous les projecteurs le sujet des rémunérations des grands patrons. Les entreprises ont ainsi redoublé de pédagogie et de rigueur dans la présentation, et toutes les résolutions Say on Pay ont été validées pour le CAC 40. Bien, mais est-ce suffisant ? 25,4% des résolutions Say on Pay ont été votées en dessous de 80%, soit 9 points de plus qu'en 2016 ; 23 sociétés sur 40 ont vu leur score « ex post » - pour valider les salaires des dirigeants sur la base de l'exercice précédent - reculer par rapport à l'an dernier ! Les actionnaires désormais veillent avec attention à la cohérence entre les rémunérations des dirigeants et, d'une part, la performance de l'entreprise, et, d'autre part, une politique de rémunération juste et lisible. Il est intéressant de noter que le mécanisme de la loi semble parfaitement été intégré par les investisseurs.

Administrateur.rice.s sur le terrain !

Enfin, alors que les dernières règlementations (loi Florange, loi Sapin II) renforcent le pouvoir des actionnaires, les entreprises ont eu à cœur d'expliquer le rôle et les missions du conseil d'administration. Les compétences des administrateur·rice·s sont exposées, challengées ; les entreprises cherchent à démontrer le lien avec la stratégie de l'entreprise. Les conseils ainsi apparaissent plus opérationnels, proche du terrain et donc des clients. Ils sont également plus internationaux. Autre bonne nouvelle : le seuil de la loi Copé-Zimmermann a été dépassé, avec 41,5% de femmes dans les conseils !

Où sont les actionnaires ?

Les actionnaires étaient 865 à participer à ce grand rendez-vous annuel avec leur entreprise. C'est 43% de moins qu'il y a douze ans... cela s'explique par la baisse structurelle du nombre d'actionnaires individuels en France (6,5 millions de français en 2008 - 3,3 millions en 2016), refroidis par les crises économiques et financières successives, l'instabilité et la pression fiscales et un affaiblissement de leur culture financière. La proportion du nombre d'actionnaires se rendant en AG reste à peu près stable. Les entreprises laissent plus de place aux débats et favorisent les nouvelles technologies pour renforcer le dialogue actionnarial... à suivre.

Presque 10 ans après la crise, alors que le populisme et le capitalisme irresponsable menacent le système, les entreprises se mobilisent pour relever le défi et endosser leur rôle d'acteur du changement. Avec leurs parties prenantes. Avec nous.

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Par Caroline de La Marnierre
Directrice générale de l'Institut du Capitalisme Responsable.
Présidente fondatrice de Capitalcom, émettrice du "Bilan des AG" du CAC 40 depuis 2005.

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