Candidats à l'exil fiscal, attention !

Il peut être tentant de se déclarer non résident fiscal en France, pour échapper à la taxation hexagonale. Mais les moyens de contrôle du fisc, jusqu'à la mise sur écoute, se renforcent. Par Jérôme Commerçon, associé, et Xavier Colard, avocat, cabinet Scotto & Associés
Xavier Colard et Jérôme Commerçon

Alors que, selon les statistiques mêmes de l'administration fiscale, les départs des contribuables français à l'étranger se sont accélérés chaque année depuis 2011, en se multipliant par trois en cinq ans, le résultat de la prochaine élection présidentielle pourrait être synonyme d'un nouvel exode fiscal si les espoirs de relance économique et de stabilité fiscale ne sont pas satisfaits.

Dans ce contexte, les États tels que la Suisse, la Belgique ou le Royaume-Uni restent plébiscités par les Français qui décident de quitter la France. De nouvelles destinations apparaissent néanmoins dans la concurrence fiscale que se livrent les États souhaitant attirer les talents et le capital. Le Portugal, Singapour ou, plus récemment, l'Italie, qui vient de mettre en place un système incitatif pour les nouveaux résidents fiscaux italiens relativement similaire au régime anglais des « non-domiciled », sont par exemple venus compléter l'offre proposée aux Français candidats au départ.

Un départ peut toutefois présenter un caractère artificiel du fait de la conservation de liens étroits avec la France, généralement sous forme d'une présence régulière et de la conservation d'un patrimoine immobilier ou financier conséquent.

Risques réels

Les risques sont réels et peuvent être lourds de conséquences. Ainsi, lorsque l'administration est en mesure de démontrer la fictivité du transfert de résidence fiscale à l'étranger du fait de la conservation de liens étroits avec la France, de nature à permettre la reconnaissance de la qualité de résident fiscal en France au regard du droit interne (critères visés à l'article 4 B du Code général des impôts) et des conventions fiscales internationales, elle peut sanctionner les contribuables concernés par d'importants redressements assortis de pénalités pour manquement délibéré (80% de majoration), voire de poursuites pénales pour fraude fiscale par domiciliation fictive (article 1741 du Code général des impôts).

La règle, gravée dans l'imaginaire collectif, de présence inférieure à 183 jours sur le territoire français, se révèle souvent insuffisante pour échapper à ces sanctions lorsque l'existence d'un lieu d'habitation en France est avérée. Les moyens mis à disposition de l'administration pour contrôler ces situations ont été considérablement renforcés et s'apparentent de plus en plus aux méthodes policières et d'instruction utilisées dans le cadre d'infractions pénales graves.

Téléphone portable sur écoute

Une décision rendue par le Tribunal de grande instance de Paris le 2 janvier 2017 (TGIA Paris n°14/15353) illustre particulièrement les méthodes utilisées par l'administration fiscale, notamment depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 décembre 2013 relative à la répression de la grande délinquance financière et fiscale votée à la suite de l'affaire Cahuzac. Cette décision, qui confirme la reconnaissance de la résidence fiscale française d'une contribuable prétendument résidente Suisse, apporte une lumière particulière sur l'utilisation par l'administration fiscale des outils dont elle dispose dans la recherche des départs fictifs. Il ressort notamment de cette décision que le téléphone portable de la contribuable avait été placé sur écoute et que les enquêteurs ont pu retracer, grâce aux opérateurs téléphoniques et l'audition de la fille de la contribuable, la localisation de l'ensemble des appels. De façon plus classique, les comptes bancaires français avaient été épluchés pour démontrer la réalisation de nombreuses dépenses sur le territoire français.

"Aviseurs" rétribués

En outre, afin de faciliter la lutte contre la fraude fiscale internationale, le législateur a récemment introduit deux nouveaux outils supplémentaires pour aider l'administration fiscale dans l'accomplissement de sa mission. Dans des situations particulières, telle qu'une délocalisation fictive du domicile des contribuables, les informations fournies par un « aviseur » fiscal peuvent désormais être rétribuées (article 109 de la loi de finances pour 2017). L'administration fiscale peut également convoquer et auditionner elle-même à présent, de façon identique aux services de justice et de police, tout témoin de fraude fiscale internationale (article 19 de la loi de finances rectificative pour 2016).

Si leur démarche s'inscrit dans une véritable volonté de transfert de leur domicile fiscal à l'étranger, les contribuables souhaitant quitter le territoire doivent ainsi impérativement préparer leur projet avec attention pour que leur lieu de résidence ne puisse pas être ultérieurement remis en cause par l'administration fiscale en considération de liens qui peuvent être maintenus avec la France, en particulier lorsque les enjeux fiscaux sont élevés.

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Commentaires 2
à écrit le 12/05/2017 à 19:54
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Article très interessant ! Mais est-il vmt correct ? La décision citée n'est pas du TA mais du TGI : les auteurs connaissent-ils la différence ? La loi du 7 décembre 2013 ?? Je ne la connais pas, ne serait-ce pas celle du 6 décembre ?

à écrit le 12/05/2017 à 19:52
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Article très interessant ! Mais est-il vmt correct ? La décision citée n'est pas du TA mais du TGI : les auteurs connaissent-ils la différence ?

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