« Ces Français qui ne veulent plus travailler » sont surtout des métiers terrains

OPINION. L'ouverture de la saison estivale 2022 a été marquée par une véritable pénurie de recrutement parmi les métiers terrains, hautement recherchés au moment des vacances d'été, pour faire face à l'afflux touristiques. Bon nombre d'établissements, qu'il s'agisse de la restauration, du retail ou encore des officines, ont été handicapés voire paralysés par le manque de personnel. Par Olivier Severyns, Fondateur et CEO de Snapshift
(Crédits : DR)

Depuis le mois de mai, pas un jour ne s'est écoulé sans qu'un nouveau gérant ou patron ne partage son désarroi et sa difficulté à recruter. Malgré les prises de parole répétitives et les diverses tentatives pour créer de l'attractivité, des milliers de postes saisonniers sont restés vacants un peu partout en France.

Alors que tout laissait à penser que la saison estivale cette année serait, pour la première fois depuis deux ans, synonyme d'activité économique forte, de tourisme de masse et de recettes similaires à celles des saisons antérieures à la crise du Covid-19, il semblerait que le spectre de la grande démission a fini par réellement frapper l'Hexagone.

Si le phénomène a été décortiqué et analysé Outre Atlantique pour tenter de comprendre la source du mal et les raisons qui attisent ce fléau, en France les travailleurs et salariés ont surtout été pointés du doigt. Jugés tour à tour d'idéalistes, d'hédonistes, de profiteurs ou de pantouflards, la plupart des voix qui se sont élevées ont souvent affirmé que les Français ne voulaient plus travailler.

Tandis que la saison touche à sa fin et que la problématique du recrutement de masse est momentanément derrière nous, il est grand temps de tirer quelques enseignements et de réfléchir à des solutions pérennes. La désillusion des salariés, appartenant majoritairement à des équipes terrains, est bel et bien réelle. Or celles et ceux qui ne croient plus à ce qu'on leur propose pourraient continuer de se désengager et devenir plus nombreux. Les difficultés à trouver de la main d'œuvre vont alors perdurer et s'intensifier.

En tant que patrons et managers, il est grand temps de prendre la mesure de cette vague d'absentéisme et de nous interroger sur les conditions de travail proposées. Aujourd'hui il n'y a pas de remise en question réelle de ce que nous offrons aux équipes terrain, or trop souvent les habitudes restent inflexibles et les méthodes inchangées.

Selon une étude publiée le 22 juin par la Dares, Direction statistique du ministère du Travail, 71% des entreprises ont actuellement des difficultés à recruter mais seulement 15% des employeurs estiment que cette pénurie est liée aux conditions de travail proposées. Le milieu de l'hôtellerie-restauration est finalement le secteur le plus conscient du phénomène, les employeurs sont 24% à reconnaître que leur problème de recrutement provient des conditions de travail.

Ces chiffres montrent à quel point le fossé entre employeur et équipe terrain se creuse et dans quelle mesure nous avons besoin d'une prise de conscience généralisée.

Si le manque de profils qualifiés et le niveau de salaire sont des freins véritablement existants, nous devons être une plus large majorité à affirmer que le problème vient aussi des conditions de travail, qui ne sont parfois plus acceptables et doivent être reconsidérées.

La désertification de certains secteurs est liée au manque de considération et à une sous valorisation permanente. Force est de constater que des méthodes de travail âgées de plus de 20 ans existent encore, tandis que les perspectives d'évolution et les innovations sont trop souvent absentes de l'équation.

En tant qu'ancien opérationnel de la restauration, auparavant gérant de 5 établissements, j'ai moi-même été confronté à la difficulté de conserver des équipes ainsi qu'aux limites d'un système et d'un fonctionnement papier-crayon. Nous parlons sans cesse de nouvelles technologies, de progrès, d'innovation, plus récemment de Métavers, alors que certaines professions n'ont toujours pas accès à un ordinateur et à des outils digitaux dignes de ce nom.

La revalorisation de certains métiers et l'attractivité de secteurs entiers passeront obligatoirement par une mise à jour des méthodes et des outils. Ces métiers terrain sont les grands oubliés de la transformation digitale. Alors qu'ils représentent 80% de la main-d'œuvre mondiale, seuls 1% des investissements en technologie les concernent !

Aujourd'hui ces travailleurs sont totalement déconnectés de tout écosystème digital dans leur quotidien professionnel, ce qui crée un sentiment d'exclusion. Revaloriser ces métiers passera aussi par l'inclusivité digitale et par la nouvelle expérience que l'employeur sera en capacité de proposer.

Il existe déjà des solutions tangibles qui donneront de nouveau aux salariés l'envie de faire partie d'une équipe, de recréer un sentiment d'appartenance et d'améliorer les conditions de travail.

Ce nouveau quotidien s'illustre par la modulation du temps de travail avec des plannings mieux gérés et plus de visibilité, qui permettent de trouver un équilibre positif entre vie professionnelle et vie privée. Pour regagner la confiance des équipes, une meilleure prise en compte des heures supplémentaires est également une évolution nécessaire et facile à imaginer dans le cadre d'un dispositif numérique efficace.

Enfin mettre en place des outils digitaux c'est aussi réduire les marges d'erreurs humaines pour une gestion de paie, RH et administrative plus fluide qui, in fine améliore considérablement les relations et la communication en interne.

Oui les métiers terrain ont aussi besoin du digital pour exercer correctement et c'est une erreur dans ce monde post-Covid de penser que ces secteurs doivent rester inchangés. Leurs conditions de travail, dépourvues de toute technologie et de toute amélioration en termes d'innovation, seront un fléau à long terme si nous n'investissons pas davantage en faveur de ceux qui représentent 80% de la main d'œuvre mondiale.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 9
à écrit le 26/09/2022 à 20:33
Signaler
Qui dit travail saisonnier dit: être logé correctement par l'employeur être payé correctement et notamment les heures supplémentaires ou tardives avec les majorations prévues par la loi être traité correctement au travail et ce que beaucoup d'em...

à écrit le 16/09/2022 à 12:32
Signaler
Les gens ne veulent plus travailler pour le smic. Passer 7 ou 8 heures par jour à travailler sous des cadences infernales (parce qu'aujourd'hui les cadences sont devenues infernales -notamment sur les open spaces-), les gens ne veulent plus de ça. Su...

à écrit le 05/09/2022 à 11:13
Signaler
Bonjour, J'ai un exemple interessant, c'était il y a un peu plus de 10 ans , donc en Bretagne sans pb de chômage, l'abattoir peinait à recruter des techniciens de maintenance, salaire moyen de l'époque 2200 ,,€ 13 mois, et sans technicien une usine ...

à écrit le 02/09/2022 à 21:25
Signaler
Et si simplement le fait d'avoir été éjecté comme un vieux mégot pendant la covid alors que les salariés attendaient plus de leur entreprise? Dans leur tête sans doute ils se disent: Patrons je vous rend votre mépris ! Sinon dans la culture chrétie...

le 05/09/2022 à 10:18
Signaler
Il y a plein de PME/TPE qui cherchent du monde et paient plus que très bien. Par ailleurs, si vous dites "on veut bien travailler mais pas pour un patron pourri", créez votre boîte - vous serez votre propre patron de rêve. La vérité est toute...

à écrit le 02/09/2022 à 16:31
Signaler
Bonjour, Parlons de conditions de travail, exemple : la récolte du raisin, travail saisonnier, dans des conditions difficiles, ( pliée en deux) souvent avec une cadence insupportables ( même pas le temps d'aller au toilettes) , au froids le matin (5...

à écrit le 02/09/2022 à 15:31
Signaler
Cette fable du français fainéant est insupportable. Que ceux qui ne cessent de le dire aillent donc bosser dans les conditions pourries et avec les salaires misérables imposés par ces patrons qui pleurnichent ne pas parvenir à recruter. Ceux qui...

le 12/02/2023 à 12:37
Signaler
C’est juste faux. Je connais plusieurs entreprises qui recrutent sur des métiers techniques de terrain. Le salaire est bien et les conditions ok mais les postulants préfèrent aller dans de grands groupes .

à écrit le 02/09/2022 à 12:02
Signaler
Le problème, c'est que l'on transfère "le risque" de l'entreprise au salarié! Il n'y a plus de confiance!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.