Choc de décentralisation : combien de temps devrons-nous attendre ?

OPINION. La recrudescence de l'épidémie de covid - dans l'hexagone et dans les outre-mer - et la menace d'une cinquième vague ravivent le souvenir des ratés dans la gestion des précédents pics épidémiques. Par Bertrand Pancher, Président du groupe Libertés et Territoires, Député de la Meuse ; Jean-Michel Clément, Député de la Vienne ; Jennifer de Temmerman, Députée du Nord ; Jean Lassalle, Député des Pyrénées-Atlantiques ; Paul-André Colombani député de Corse ; François-Michel Lambert, député de Gardanne ; Paul Molac, Député du Morbihan et Fréderique Dumas, députée des Hauts-de-Seine.
(Crédits : DR)

L'analyse de la gestion des deux crises majeures du quinquennat - la pandémie de Covid et la crise des gilets jaunes -, jette une lumière crue sur les dysfonctionnements de nos institutions. Toutes deux ont révélé les mêmes maux : la suradministration de notre pays et la concentration excessive de la prise de décision.

Au lendemain du grand débat national, le Président de la République avait pourtant semblé prendre la mesure du péril d'un pouvoir trop vertical et trop éloigné des réalités vécues par les Français.

En avril 2019, il appelait ainsi à « ouvrir un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire » et concentré sur les politiques de la vie quotidienne : le logement, le transport, la transition écologique.

Las, ce sursaut est resté sans lendemain. Pire, le Président a renoué avec son discours de 2017 dans lequel il renonçait à toute nouvelle « grande réforme des institutions ou des collectivités ». C'est ce même argument de la stabilité qui est mis en avant par le gouvernement pour justifier le manque d'ambition du projet de loi dit « 3DS » (pour différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification) essentiellement technique et dépourvu de vision.

Pour autant, l'état de notre démocratie, la rupture entre les citoyens et leurs représentants, le climat de défiance généralisé et la montée des discours populistes rendent, aujourd'hui, ce statu quo intenable. Notre édifice institutionnel a un impérieux besoin de lisibilité, de responsabilité. Cela passe inévitablement par un véritable choc de décentralisation et de participation. C'est une urgence démocratique.

Les précédents textes de décentralisation ont été incomplets. Certaines compétences (et les financement afférents) ont été transférées, mais jamais totalement, l'Etat rechignant toujours à les confier aux collectivités. Il en résulte trop souvent un enchevêtrement d'intervenants qui nuit à l'action publique.

Le projet de loi « 3DS » ne permettra même pas d'apporter davantage de clarté. Il ne prévoit aucun nouveau transfert de compétence ; pas plus qu'il n'aborde la question des collectivités ultramarines et de la réforme des statuts particuliers - comme celui de la Corse - vers davantage d'autonomie. Toutes nos propositions en ce sens, portées par voie d'amendement ont été systématiquement déclarées irrecevables.

3 exemples sont particulièrement éclairants. Ils concernent, les politiques de l'emploi, de la transition énergétique et de la santé.

Tout d'abord, comment comprendre que l'échelon régional exerce la compétence « développement économique » sans pour autant disposer de leviers d'action en matière de politique d'emploi.

L'Assemblée est revenue, en commission sur les timides avancées ajoutées au Sénat. Nous estimons que les politiques de l'emploi (et notamment Pole emploi) gagneraient à être adaptées à la bonne échelle. L'Etat ne garderait qu'un rôle de coordination et de rééquilibrage des inégalités économiques.

Second exemple : la rénovation énergétique. Comment imaginer que l'on puisse conduire cette politique, qui a des implications environnementale et sociale fortes, depuis Paris ? Nous croyons, là encore, que les enveloppes doivent être décentralisées. Il reviendrait à l'Etat de fixer des objectifs et de s'assurer de leur suivi.

Enfin, troisième exemple, les politiques de santé. Leur financement relève de la solidarité nationale ; mais la crise de la Covid-19 a démontré les lourdeurs et la suradministration du pilotage du système de santé, qui repose sur les ARS. Là encore, la majorité est revenue, à l'Assemblée, sur les améliorations apportées par le Sénat pour mieux associer les régions à ce pilotage. Pire, le texte prévoit aussi que les collectivités participent au financement des établissements de santé. C'est précisément l'inverse qu'il faudrait faire : réaffirmer le financement de la politique de santé, compétence nationale, et réintroduire de la proximité, avec les collectivités, dans la conduite territoriale de cette politique.

Les grandes associations d'élus locaux réunies en congrès ont demandé un nouvel élan de décentralisation avec de véritables transferts de compétences, de responsabilités et de financements. Un élan qui s'appuierait sur les principes de subsidiarité et d'autonomie financière des collectivités, qui faciliterait les expérimentations, mais aussi les adaptations législatives et règlementaires. Bref, un nouvel élan pour un nouveau pacte démocratique de proximité. Cet enjeu ne saurait être absent de la prochaine campagne présidentielle au risque d'aggraver les fractures territoriales qui minent la cohésion de notre pays.

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Commentaires 2
à écrit le 06/12/2021 à 19:00
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Que de naïveté dans les propos, seul celui qui possède les moyens financier peut intervenir! La décentralisation a toujours était celle des responsabilités avec centralisation des moyens! C'est ainsi que se construit l'UE de Bruxelles!

à écrit le 06/12/2021 à 18:59
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Que de naïveté dans les propos, seul celui qui possède les moyens financier peut intervenir! La décentralisation a toujours était celle des responsabilités avec centralisation des moyens!

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