Climat, démographie, numérique : comment assurer ces transitions majeures  ?

OPINION. Les transitions sont-elles inassurables ? Sujet majeur de la COP qui s'est tenue le mois dernier, c'est aussi un motif de préoccupation pour l'ONU qui vient de classer l'inassurabilité comme l'une de six menaces majeures pour l'humanité. Par Gilles Bénéplanc (*), directeur général du groupe de courtage Adelaïde et Benjamin Verlingue (*), futur président du groupe Adelaïde
Gilles Bénéplanc et Benjamin Verlingue
Gilles Bénéplanc et Benjamin Verlingue (Crédits : DR)

La France, comme les pays européens, doit mener de front trois transitions vitales qui vont conditionner sa prospérité économique et la qualité de vie de ses habitants : la transition climatique, la transition démographique et la transition numérique.

Mener à bien ces transformations suppose une volonté politique forte, un engagement de tous les acteurs économiques et des capacités de financement considérables. Sur ce dernier point, la gestion des risques et leur couverture par l'assurance ont leur rôle à jouer puisqu'en réduisant la volatilité du futur, ils contribuent à réduire également les besoins de financement.

Pourtant, en y regardant de près, ces trois transitions majeures représentent autant de défis pour les marchés de l'assurance et de la réassurance.

Le réchauffement climatique s'accompagne d'événements naturels de plus en plus fréquents et de plus en plus coûteux de telle sorte que, partout, les systèmes de couverture, comme celui des catastrophes naturelles en France, s'essoufflent. Dans le même temps, certains secteurs économiques qui concourent positivement à la transition énergétique rencontrent de réelles difficultés pour s'assurer ; c'est le cas par exemple du traitement des déchets pour produire de l'énergie, des entreprises de transport public ou encore de l'industrie alimentaire.

La transition démographique et le vieillissement de la population qui l'accompagne, mettent sous pression l'ensemble des branches des assurances de personnes : santé, prévoyance, retraite et peut-être un jour dépendance.

Dans un monde numérisé, l'assurance contre la cybercriminalité est amenée à prendre une place centrale, mais force est de constater que si les couvertures proposées ont progressé, elles sont encore considérées comme incomplètes par les clients et quoiqu'il en soit insuffisamment diffusées.

Le mur de l'inassurabilité

Face à l'ampleur de ces défis, l'inassurabilité, considérée par l'ONU comme l'une des six grandes menaces pour l'humanité, n'est pas une option.

L'histoire de l'assurance s'est justement écrite en accompagnant les transitions économiques et sociétales. Commerce maritime, perte d'exploitation, événements naturels, garantie financière ou risques politiques sont autant d'exemples de risques nouveaux et difficiles que les assureurs ont su maîtriser et mutualiser. Après le temps de la prise de conscience, doit venir celui de l'engagement de tous les acteurs du marché qui, d'un point de vue pratique, doit s'appuyer sur les fondamentaux de la gestion des risques et de leur couverture.

Le premier pilier, celui de la connaissance technique des risques et de leur prévention, est un savoir-faire reconnu des acteurs de l'assurance et de la réassurance. Les investissements dans ce domaine doivent être intensifiés : modélisations des scénarios d'événements climatiques, études sur les impacts de la transition démographique comme celles que propose la chaire « Transitions démographique transitions économiques » (TDTE), réponses aux attaques de logiciels malveillants.

L'assurance consiste à gérer les risques par leur mutualisation. Repousser les limites de l'assurabilité suppose de sophistiquer les techniques assurantielles dans deux domaines principaux : l'évaluation et la couverture d'événements non indépendants, le déploiement de véhicules de portage des risques innovants (assurance, réassurance, captive, « cat bond »).

Enfin, et seulement lorsque les marchés auront fait tout leur travail, la mise en place de partenariats entre le marché et la puissance publique pourra être nécessaire pour solidifier et pérenniser les dispositifs.

Les défis sont de taille. Seul un engagement fort des assureurs sur leur cœur de métier renforcera leur légitimité et l'authenticité de leur démarche ESG. De manière plus prosaïque, contribuer à ces transitions majeures renforce leur raison d'être et garantit leurs revenus futurs.

----

(*) Gilles Bénéplanc est membre de l'Institut des actuaires français et professeur à l'Université de Paris Dauphine et au CNAM. Gilles Bénéplanc a également publié "La gestion des risques en période de turbulences", coécrit avec le professeur Jean-Charles Rochet et "Le Manuel d'Assurance" co-écrit avec Arthur Charpentier et Patrick Thourot.

Benjamin Verlingue est membre du board du réseau international WBN (Worldwide Broker Network). Il est également membre du Club ETI Bretagne, et a intégré le Classement Choiseul 2023 qui met en lumière les jeunes dirigeants Français les plus prometteurs.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 15/01/2024 à 11:13
Signaler
"qui vient de classer l'inassurabilité comme l'une de six menaces majeures pour l'humanité" Dès qu'il faut dépenser du fric pour l'humanité les financiers sont fauchés mais par contre pour nous dicter comment nous devons vivre ils sont là et bien là....

le 16/01/2024 à 10:08
Signaler
Le monde, ou tout au moins une partie du monde, a commencé à s'écrouler quand les banquiers et dans une certaine mesure les assureurs ont pris le pouvoir.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.