Comment on vous manipule avec les chiffres : la preuve par 3

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, comment on vous manipule avec les chiffres
Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi./ DR

Trois exemples récents tirés des médias où les chiffres mis en scène peuvent conduire à des erreurs d'interprétations. Le premier c'est celui de l'inflation. Forte hausse des prix en mars : +0,7%, selon un hebdomadaire. Rien à redire, c'est vrai la hausse des prix à la consommation ressort bien à +0,7% c'est même la première donnée du tableau de l'INSEE. Au moment où la France flirte avec la déflation et les risques qui lui sont liés, c'est assurément une bonne nouvelle. A ce détail près, ce chiffre ne veut pas dire grand-chose faute d'être corrigé des variations saisonnières. Or les prix évoluent au gré des saisons. Comme chaque année à la sortie des soldes d'hiver, les prix augmentent en mars. Rien de plus normal. Et chaque année à la même date, on aura l'impression que « ça monte » ou au début des soldes que « cela baisse ».

Ce qui importe, c'est de savoir si c'est plus ou moins que d'habitude, c'est-à-dire évaluer la tendance sous-jacente en procédant à une correction des valeurs saisonnières. L'INSEE fait ce travail à la deuxième ligne du tableau, « ensemble CVS ». Et comme par enchantement, la hausse des prix a complètement disparu ou presque et le diagnostic change.

Le décrochage de la France

Catastrophe, la France serait tombée de la 6e à la 9e place dans de l'économie mondiale selon le classement du FMI repris par un grand quotidien... et je vais même plus loin c'est en fait la 10e position qui nous échoit si j'intègre l'Indonésie, le Fonds monétaire international ne s'occupant que des plus grandes économies régionales dans la première version de son rapport. Une preuve de plus, s'il en fallait, de notre décrochage.

Aucune malhonnêteté dans le classement publié. Mais pour nous, qui luttons habituellement avec le Royaume-Uni pour la 5e place, le coup est rude. Ce qui aurait dû mettre la puce à l'oreille, c'est la place de la Chine, devant les États-Unis, et aussi celle du trio russe, brésilien, indonésien qui devance le Royaume-Uni et la France.

En fait, le diable se cache dans les détails et dans ce cas dans les astérisques. Pour le coup, celui-là renvoie à la parité de pouvoir d'achat. Un indicateur qui prend en compte le coût de la vie de chaque pays pour en calculer la richesse. Par exemple, avec un dollar, on ne peut pas acheter autant de choses en France qu'en Chine. Une fois ajusté en fonction de son pouvoir d'achat, le PIB d'un pays où la vie est chère est donc diminué tandis que celui d'un pays où la vie est plus abordable est augmenté. C'est bien pour comparer les niveaux de vie, en revanche c'est un indicateur discutable pour mesurer la puissance d'une économie.

La vraie puissance, c'est la capacité à vendre ses produits à prix élevés dans un contexte concurrentiel, ce n'est pas valoriser, par exemple, une automobile allemande aux prix pratiqués par une entreprise chinoise. En effectuant simplement le classement au cours des devises sur le marché des changes, la France est bien dans le top 6. Et c'est sa place. De la même qu'elle est dixième en PPA, et qu'elle tient ce rang depuis longtemps

. L'écueil de l'échelle du temps

« L'incapacité du secteur privé » à créer des emplois est problématique », titrait un grand quotidien. Et de citer une étude, montrant qu'entre la mi-2013 et la mi-2015, la France avait beaucoup moins créé d'emplois dans le privé (57.000) que l'Espagne (651.000), l'Allemagne (482.000), et même l'Italie (288.000). Charges sociales trop importantes, obésité et complexité du Code du travail, profusion des normes sont mises en avant, à juste titre, pour expliquer ces écarts. Mais avant d'établir un diagnostic définitif, il est bon de rappeler que si les pays du Sud font mieux, c'est qu'ils ont d'abord massivement détruit des emplois pendant la récession. Malgré son bilan étincelant depuis 2014, l'emploi en Espagne reste inférieur de près de 3 millions à son niveau d'avant crise et de 1 million  en Italie. En France, il est en hausse de 193.000 ! C'est moins bien que l'Allemagne certes, mais voilà de quoi relativiser un peu avant de se faire traiter de cancre sans oublier ce que disait Churchill : « je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées ».

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaires 5
à écrit le 20/05/2016 à 15:13
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Bonjour, A quand ce type d'analyse (très importante et très pertinente) dans le cadre de l'information boursière qui, bien que reconnue comme défaillante par par les cinq voire six derniers présidents de l'AMF (excusez du peu) et des autorités compt...

à écrit le 20/05/2016 à 13:33
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"LE LANGAGE DES CHIFFRES A CECI DE COMMUN AVEC LE LANGAGE DES FLEURS QU'ON PEUT LUI FAIRE DIRE N'IMPORTE QUOI". MICHEL AUDIARD

à écrit le 20/05/2016 à 10:48
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Suite.Et comme ils assimilent le temps libéré par l'usage de l'énergie comme du chomage, ils ne sont pas capables de trouver une solution. Pauvre France!

à écrit le 20/05/2016 à 10:43
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Les économistes n'y connaissent rien en économie. Ils oublient le role de l'énergie. Et aussi le travail pour ne parler que de capital. Le travail sans énergie nous ramène au temps de Cro-Magnon.

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