Commerce : l'Europe doit se préparer face au nouveau monde de Trump

Face au rejet du multilatéralisme par le nouveau président américain, l'Europe doit préparer sa réponse stratégique en restant ferme sur ses intérêts et ses principes. A la fois face aux Etats-Unis et en cherchant de nouveaux partenaires et une gouvernance plus solide pour faire face à un monde en transition. Par Guntramm Wolff, Bruegel

Les États-Unis d'Amérique et l'Europe sont bien plus que des alliés. Ils entretiennent un partenariat dans différents domaines depuis longue date. Et l'évolution des relations entre les deux régions revêt une importance fondamentale pour l'économie mondiale. Toutefois, cette étroite coopération est mise à l'épreuve depuis l'entrée en fonction de la nouvelle administration américaine. Pour l'Union européenne, cette transition offre une bonne occasion de reconsidérer son orientation géoéconomique.

Il ne faut pas oublier que l'UE enregistre son plus important commerce bilatéral avec les États-Unis d'Amérique, également le premier partenaire d'investissement de l'Union. L'UE exporte pour plus de 600 milliards USD de produits et services aux États-Unis d'Amérique, et ses importations de produits de ce dernier pays dépassent les 550 milliards USD. Les investissements bilatéraux entre les deux régions sont également colossaux, équivalant à plus de deux mille milliards USD. Nombre d'entreprises européennes sont présentes aux États-Unis d'Amérique, avec des points de vente, mais aussi des sites de production sur le sol américain. Et les sociétés américaines font de même en Europe.

Réagir face à Trump

Cependant, des différences commencent à se dessiner. Jusqu'à l'arrivée de l'administration actuelle, les États-Unis d'Amérique étaient en faveur du système de commerce multilatéral et de l'intégration européenne. Le pays offrait également une garantie de sécurité à l'Europe. Désormais, le nouveau gouvernement américain semble vouloir remplacer le commerce multilatéral par une approche bilatérale, dans l'espoir de réduire des déficits commerciaux, mais surtout de protéger le secteur manufacturier des États-Unis d'Amérique. En ce qui concerne la politique environnementale, l'engagement des États-Unis d'Amérique en faveur de l'Accord de Paris est aujourd'hui remis en question. Sur le sujet de la défense, l'influence de l'OTAN paraît moins certaine que jamais. En outre, M. Trump a ouvertement remis en cause la valeur de l'intégration européenne.

La nouvelle position des États-Unis d'Amérique, bien que toujours confuse sur bien des points, a entraîné incertitude et stress dans les sphères de pouvoir de l'Europe. Alors comment l'UE peut-elle réagir au mieux face à cette situation ?

L'Europe a profité du multilatéralisme

Le commerce est bénéfique pour l'Europe. La politique économique de l'UE est relativement libérale. L'intensité des échanges commerciaux, mesurée en rapportant le montant des exportations au PIB, est bien plus importante en Europe (44 %) qu'en Chine (22 %) ou aux États-Unis d'Amérique (13 %). À l'instar de nombreuses autres économies ouvertes, l'UE a considérablement tiré profit du système multilatéral. Désormais, l'Europe doit se préparer à défendre le modèle multilatéral, comme j'en ai récemment discuté avec mes collègues Maria Demertzis et André Sapir. Ce système basé sur des règles et centré autour de l'Organisation mondiale du commerce permet à tous les acteurs de faire des échanges commerciaux entre eux avec des normes élevées et comparables. Le protectionnisme diminuerait la croissance en UE et dans le monde, mais pourrait aussi entraîner une baisse des normes et une concurrence déloyale.

 Réponse stratégique

L'Europe doit préparer sa réponse stratégique au cas où les États-Unis d'Amérique rejetteraient ouvertement le système multilatéral pour passer à une approche protectionniste. Tout d'abord, l'UE doit coopérer avec ses partenaires du monde entier pour défendre l'OMC ainsi que les traités multilatéraux comme l'Accord de Paris. Par exemple, si le Président Trump venait à agir selon ses déclarations sur Tweeter et imposait une taxe sur les importations du Mexique, l'UE pourrait s'associer avec le Japon pour défendre les droits des Mexicains et préserver les investissements étrangers dans le pays.

 Étroites relations avec la Chine

Deuxièmement, l'UE doit décupler ses efforts visant à établir d'étroites relations économiques avec la Chine et d'autres partenaires du globe. Un objectif évident serait d'achever les négociations en cours concernant un traité d'investissement bilatéral avec la Chine. Néanmoins, cela ne signifie pas que l'UE doit sacrifier ses principes. L'Union devrait mettre l'accent sur la résolution des litiges publics plutôt que privés, mais aussi sur la réciprocité des investissements. Ce n'est qu'à l'issue d'un accord sur un traité d'investissement EU-Chine que les deux partenaires pourront entamer les négociations sur un accord de commerce bilatéral. L'objectif de l'accord EU-Chine devrait reposer sur l'amélioration de l'accès au marché et l'établissement de normes élevées pour l'environnement, la gouvernance d'entreprise, la sécurité des consommateurs et les droits des travailleurs. Tout traité qui entraînerait une dégradation des normes en UE ne jouerait pas en faveur de l'Europe et devrait être rejeté.

 Mais il est également important d'avancer avec d'autres pays comme le Japon, Singapour et le bloc Mercosur. Et tout accord bilatéral devrait être établi de manière à pouvoir, in fine, être intégré dans un cadre multilatéral.

 Troisièmement, la gouvernance commerciale de l'UE doit être repensée et les déséquilibres internes corrigés, afin d'optimiser la crédibilité extérieure de l'Union. Le renforcement du modèle social européen permettrait de prévenir les tentations protectionnistes.

 Enfin, l'UE devrait mettre en place des outils pouvant être déployés de manière bilatérale contre les États-Unis d'Amérique. Ces outils pourraient prendre la forme de mesures antisubventions compatibles avec l'OMC ou encore, éventuellement, d'amendements dans les règles d'imposition. D'un point de vue général, l'UE devrait rester ferme sur ses intérêts et ses principes, en évitant toute escalade inutile. L'enjeu est de taille pour l'Europe et le monde, mais en adoptant la bonne stratégie, l'Union pourrait en sortir grandie.

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Commentaire 1
à écrit le 24/03/2017 à 9:56
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Merci beaucoup, la situation de l'UE est telle que c'est aux discours de ses partisans que nous ne pouvons que conclure à sa mort prochaine, pourtant ça fait un moment qu'elle agonise mais comme c'est elle qu'à l'oseille tout le monde fait semblant d...

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