Conférence ministérielle de l'OMC à Abu Dhabi  : la dernière chance pour sauver l'OMC ?

OPINION. Le 26 février s'ouvrira à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, la 13e Conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC). Cet événement organisé tous les deux ans réunit les ministres du Commerce des 164 Membres de l'OMC. On y décide notamment de l'accession de nouveaux Membres (cette année les Comores et Timor-Leste) et des termes des accords qui régissent au plan multilatéral le commerce mondial. Par Richard Ouellet, Antoine Comont, Carla Gomez et Van Anh Ly (*)
(Crédits : DENIS BALIBOUSE)

La conférence de cette année est particulièrement critique et plusieurs observateurs considèrent la conférence d'Abu Dhabi comme celle de la dernière chance pour une organisation qui traverse une grave crise institutionnelle et qui doit refaire la preuve de sa nécessité dans un monde où l'heure n'est pas à l'ouverture des frontières.

Des efforts pour relancer l'OMC

Les négociations commerciales multilatérales qui doivent mener à l'adoption de nouveaux accords commerciaux n'ont livré que des résultats faméliques depuis un peu plus de 20 ans. Le Programme de Doha pour le développement, lancé en 2001, n'a accouché jusqu'ici que d'accords aux termes mous portant sur des enjeux secondaires comme la facilitation des échanges et les subventions aux pêcheries. Rien pour satisfaire un grand nombre de pays en développement qui attendent toujours de goûter les fruits du libre-échange qui devraient gonfler leurs PIB et relever les niveaux de vie de leurs populations.

Au-delà des difficultés que l'OMC rencontre pour obtenir des engagements commerciaux concrets, elle fait face à une crise institutionnelle majeure. Depuis décembre 2019, l'Organe d'appel de l'Organe de règlement des différends (qui est chargé d'entendre les différends relatifs au droit de l'OMC qui surviennent entre deux ou plusieurs de ses Membres) est paralysé. Les États-Unis nourrissent plusieurs reproches à l'endroit de l'Organe d'appel et sont à l'origine d'un blocage dans le processus de nomination de ses membres qui n'ont donc été ni reconduits ni remplacés. Même si un arrangement provisoire a pour objectif de pallier le blocage de l'Organe d'appel, des discussions sur une réforme complète des procédures de règlement des différends ont été lancées. De premiers résultats sont attendus à Abu Dhabi, mais la sortie de crise pour l'Organe d'appel semble encore lointaine.

Des accords commerciaux peu fructueux

La Directrice générale de l'OMC Mme Okonjo-Iweala (première femme et première Africaine à occuper ce poste) mesure parfaitement les défis qui se posent à son organisation. Elle a fait savoir aux États Membres qu'elle ne compte pas repartir d'Abu Dhabi sans des résultats de négociation substantiels et une déclaration ministérielle qui imprime une relance à l'OMC. Déjà, il y a deux ans, lors de la 12e Conférence ministérielle, elle avait forcé la main aux grandes nations commerçantes et mis à l'ordre du jour des préoccupations non marchandes qui ne sont pas au cœur de la mission traditionnelle de l'OMC telles que l'insécurité alimentaire, la préparation aux pandémies futures, les nouveaux défis sanitaires et le développement durable.

Parmi les enjeux où l'on peut espérer des avancées lors de la 13e Conférence, mentionnons le commerce électronique, les subventions aux pêcheries, la pollution plastique, les subventions aux énergies fossiles, la circulation des vaccins et l'investissement dans les pays en développement.

Dans un monde de plus en plus fragmenté, dans le contexte d'un certain délitement de l'ordre juridique international, à l'heure des tentations du repli sur soi et du protectionnisme, l'OMC reste l'un des rares forums à vocation universelle auxquels la vaste majorité des gouvernements s'empressent de participer et où l'on puisse s'attaquer aux grands défis globaux avec une certaine efficacité. Les résultats de la 13e Conférence ministérielle de l'OMC seront un très puissant indicateur des possibilités de relancer l'OMC et de la volonté et de la capacité des grandes puissances économiques à collaborer en cette période difficile.

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(*) Richard Ouellet est professeur de droit international économique à l'Université Laval. Les quatre auteurs sont tous des chercheurs membres de la Chaire de recherche sur les nouveaux enjeux de la mondialisation économique de l'université Laval. Ils seront à Abu Dhabi du 26 février au 3 mars et assisteront à titre d'observateurs à la 13e Conférence ministérielle de l'OMC.

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Commentaire 1
à écrit le 23/02/2024 à 10:05
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"Les politiques grecs ne reconnaissent d'autre force que celle de la vertu. Ceux d'aujourd'hui ne vous parlent que de manufactures, de commerce, de finances, de richesses et de luxe même." Montesquieu

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