Construction-logement : de l'euphorie à la crise

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, de l'euphorie à la crise dans la construction et le logement.
(Crédits : Reuters)

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Crise ou pas crise de la construction ? A priori, pour trancher rien de plus simple : un coup d'œil sur les mises en chantier de logements et les permis de construire pour anticiper l'avenir doit suffire à se forger une solide première opinion.

Chiffres et ressentis des professionnels ne concordent pas

C'est parfaitement clair, les chiffres ne sont pas bons. L'un comme l'autre sont en baisse depuis deux ans maintenant. Et ce ne sont pas les derniers soubresauts qui modifient l'analyse. Les niveaux sont en outre très médiocres dès lors que l'on allonge l'historique. Avec environ 408 000 logements sorties de terre l'année dernière, le déficit de construction est de 30 000 unités par rapport au dernier pic de 2017 (plus de 7%) et de 86 000 vis-à-vis de celui de 2006 (plus de 17%).

Le diagnostic s'affine en intégrant la construction neuve de bâtiments non résidentiels, hors surfaces agricoles et entrepôts qui génèrent beaucoup de mètres carrés mais finalement assez peu d'activité pour les entreprises du bâtiment. La tendance est moins prononcée que dans le logement, le niveau d'activité est stable à bas niveau et très loin des sommets d'avant la grande récession. L'image renvoyée est donc celle d'une construction neuve globalement en recul.

Côté, entretien-amélioration, ce n'est pas là que se fait le cycle du bâtiment. C'est un marché relativement inerte avec très peu de volatilité : que ce soit au plus fort de l'accélération peu avant la grande récession ou au plus fort de la crise, le volume des travaux a évolué dans un couloir étroit compris entre +3 et -3% l'an ces 15 dernières années. Et la tendance actuelle est proche de 1%. Idem pour l'entretien-amélioration en provenance de la composante non résidentielle.

Le problème c'est que ces données qui vont dans le sens d'un secteur du bâtiment en délicatesse ne cadrent pas du tout avec le ressenti de la profession, notamment tel qu'il est mesuré par le climat des affaires. À 111, l'indice est nettement au-dessus de sa moyenne de long terme, ne montrant quasiment aucun signe de faiblesse depuis 2 ans et se situe à 7 points seulement de son pic de l'été 2007, période durant laquelle les mises en chantier battaient leur plein sur les deux compartiments de marché (résidentiel et non résidentiel). Quant au solde d'opinion sur l'activité passée, après un trou d'air fin 2018, il s'est inscrit depuis sur une pente ascendante et n'est pas si éloigné que cela de ses derniers sommets.

Trois facteurs brouillent les chiffres

C'est donc la confusion dans les chiffres de la construction. Cela peut venir d'un mauvais thermomètre indiquant une mauvaise température. Cette hypothèse n'est pas à exclure, par exemple une erreur sur le chiffrage des mises en chantier. Il faut se souvenir qu'à la suite d'une réforme du mode de calcul des mises en chantier de logements en janvier 2015, 180 000 unités ont été rajoutées aux mises en chantier officielles entre 2012 et 2014 et 346 000 au total entre 2000 et 2014, soit quasiment une année pleine de construction. Ces corrections de données n'ont pas été effectuées dans le non résidentiel et une révision à venir pourrait être opérée. Si elle est du même acabit, le diagnostic sur l'ampleur du décrochage dans le neuf serait à revoir.

La deuxième hypothèse est liée au voile monétaire. Si les volumes des travaux sont sur le fil du rasoir, l'activité en valeur est en hausse et surplombe depuis longtemps ses pics de 2007-2008. En augmentation de 7% l'année dernière, elle est à un sommet historique. Le solde d'opinions sur l'évolution à venir des prix montre bien le retour des effets prix. Non pas que les marges explosent, mais que ce soit les coûts des matériaux où les salaires, la tendance est à la hausse et se retrouvent dans les prix.

Enfin dernier élément à prendre en compte : les contraintes sur l'offre. Proche de 92%, le taux d'utilisation des capacités de production se situe nettement au-dessus de sa moyenne de long terme. Dans le même temps, faute de personnel essentiellement, près d'un entrepreneur sur deux signale toujours des goulots de production, une part bien plus élevée que la moyenne de longue période.

Bilan, les retards se sont accumulés et les entrepreneurs ont de l'activité en réserve. D'où ce sentiment de douce euphorie et de déphasage entre les mises en chantier et l'activité réelle. Mais attention, même si le diagnostic sur le non résidentiel neuf est à prendre avec précaution, il y a un indicateur qui doit inquiéter : le stock de logements restant à mettre en chantier. Il est en chute libre depuis début 2018, signe que les réserves s'épuisent vite et que les indicateurs devraient se mettre en cohérence. Résultat, la vraie tendance du bâtiment en 2020 est à une franche décélération de l'activité.

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Commentaires 4
à écrit le 23/02/2020 à 23:09
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Un meilleur cadrage des loyers et des secteurs et des valeurs immobilières permettrait d’enrayer cette crise de la construction. Réévaluer les prix : Un logement à rénover ( non isolé )et ancien : baisse du prix et du loyer Un logement neuf est à ...

à écrit le 19/02/2020 à 11:25
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A force de taxer l'immobilier de rapport et à trop favoriser les locataires, il vaut mieux se tourner vers d'autres investissements plus rentables et surtout plus disponible.

à écrit le 19/02/2020 à 10:05
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ca gfait 50 ans que le secteur est en crise, et qu'il faut acheter son logement a n'importe quel prix ' vu que c'est maintenant ou jamais' bon, apres y a les constructions de logements dans les villes tendues qui vont plus que tres bien, et le reste...

à écrit le 19/02/2020 à 9:53
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La construction c'est comme tout le reste, si l'on charge une barque avec des grosses pierres, elle finit par couler à la surprises des crétins responsables de la surcharge.

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