Construisons enfin une véritable identité culturelle européenne

Qu'est-ce qu'être Européen, en ce 9 mai 2015 qui fête l'Europe, 70 ans après le conflit le plus effroyable qu'ait connu le Vieux continent ? Par Mario d'Angelo, Directeur scientifique du MS MECIC-Paris (Management des Entreprises Culturelles et Industries Créatives), Groupe ESC Dijon-Bourgogne

Être Européen, c'est acquérir une citoyenneté liée à l'un des 28 État-membres dont on a la nationalité et gagner par là des droits additionnels. En moyenne sur 2010-2014, 60 à 64% des habitants des 28 se considèrent comme citoyens européens . Mais, l'Union et son caractère supranational suscite toujours un sentiment ambigu chez les citoyens européens dont 35 à 39% seulement ont une image positive de l'UE.

Insuffisance de la politique culturelle européenne

La construction européenne a été le fait des élites et non de mouvements populaires de masse. L'identité en a été la faiblesse patente et chronique. Or l'histoire nous montre que l'identité a été la composante culturelle de la formation politique des États-nations comme des villes et des régions. L'Allemagne ne s'est pas faite par le Zollverein comme l'affirmait Bismark lui-même.

Toute communauté humaine a besoin d'imaginaire, de représentations et qu'un lien d'appartenance soit tissé avec chacun de ses membres. Les musées par exemple ont été des institutions productrices de sens dans la formation des nations. Pour l'Europe (multinationale) il faudra attendre 2016 pour que la Maison de l'histoire européenne, voulue par le Parlement européen, ouvre ses portes à Bruxelles.

L'insuffisance d'une politique culturelle visible, symbolique et efficace à l'échelle des 510 millions d'Européens et à l'ère des réseaux numériques, a souvent été dénoncée. Il est vrai que l'article 167 TFUE confère à l'UE une compétence (non exclusive) dans un cadre de subsidiarité qui limite sa capacité d'action.

En revanche, le 167 lui donne compétence pour valoriser à la fois « l'épanouissement des cultures des États-membres » et « l'héritage culturel commun ». Toutefois, l'action supranationale ne peut venir qu'en complément de celle des États-membres et favoriser leurs coopérations.

L'UE corsetée

Ainsi corsetée, il est difficile à l'UE d'agir directement pour le renforcement de l'identité culturelle européenne. La stratégie adoptée dans ses programmes vient en appui des niveaux nationaux, régionaux et locaux. Les principaux programmes sont orientés sur des projets, à durée limitée, ancrés dans des réseaux professionnels, mais avec peu de visibilité populaire et un impact symbolique faible. Une action réussie comme « Capitales européennes de la culture » a surtout permis aux villes partenaires concernées d'en endosser les bénéfices symboliques.

Enfin, les moyens mobilisés pour la culture paraissent faibles à l'échelle des 28. Le budget 2014-2020 du programme Europe créative (1,4 milliards d'euros pour 7 ans) est à peu près équivalent à ce qu'était le budget culturel des régions espagnoles pour la seule année 2011 (1,48 milliards d'euros) .

Le défi de la structuration du champ culturel européen

Pourtant, la construction d'une identité culturelle reste indispensable pour l'Europe, même à l'ère digitale. N'est-il pas étonnant que la seconde puissance économique au monde ne puisse aligner une offre de l'ampleur de Google Gallery pour valoriser son patrimoine culturel ?

Quant à ses industries culturelles et créatives, trois problèmes clés ont été relevés : 1) l'inexistence d'un marché intérieur européen et la faible circulation interne des produits et services des industries de contenus, facilitant ainsi la domination des marchés nationaux en Europe par les producteurs et médias américains ; 2) la menace technologique sur les filières traditionnelles (audiovisuel, livre, presse, etc.) ; 3) la limitation de l'expansion des entreprises créatives européennes (hors luxe) sur les marchés dynamiques d'Asie. En moyenne, moins de 15% du chiffre d'affaires se fait hors de l'UE .

L'édifice confédéral européen, doué d'une faible identité, trouvera-t-il le ciment nécessaire pour réaliser une union « cosmopolitique » ? C'est-à-dire qui ne gomme pas, au nom de l'intégration, les différences entre les peuples qui s'unissent ? Le ciment d'une telle « unité dans la diversité » est fondamentalement culturel.

Mais le niveau supranational, pour s'affirmer, aura besoin d'inscrire son action dans des institutions et des médias pérennes et reconnus, jouant un rôle de transmission de ses valeurs et bénéficiant d'une forte visibilité, aussi bien par les réseaux numériques que par des réseaux coopératifs de lieux culturels.

Dans cette logique, l'UE devient une autorité organisatrice structurant un champ stable d'acteurs culturels européens institutionnalisés. Dans le domaine très ciblé de la musique classique, ce qui n'était encore que la CEE avait commencé de le faire dès les années 1980 (orchestre de jeunes, orchestre de chambre, orchestre baroque). De telles actions peuvent être des initiatives bottom up et/ou des actions top down.

En tout cas, l'autorité organisatrice peut trouver diverses formes pour structurer le champ sur lequel elle intervient. Ainsi, au Royaume-Uni, l'État n'a jamais agi par des organismes culturels publics, mais reconnait et pérennise, par des chartes, les institutions culturelles au service de la nation . National ne veut pas dire étatique.

Mario d'Angelo, Directeur scientifique du MS MECIC-Paris (Management des Entreprises Culturelles et Industries Créatives), Groupe ESC Dijon-Bourgogne

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Commentaires 15
à écrit le 16/10/2015 à 10:14
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l'identité en France est bafouée par l'Etat!!que vont devenir ces syriens??français??pourquoi??car au fond l'Etat ne dit pas qu'il a un pays malade,plein de desoeuvrés, d'insensées et de femmes et hommes tres tres mal dans leur vie de tous les jours!...

à écrit le 21/05/2015 à 23:20
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L'article se termine un peu abruptement. Ce que je veux dire c'est que le Royaume Uni est un bon exemple de système où les institutions culturelles nationales (Covent Garden, British Film Institute, BBC, Arts Cuncil, Royal College of Arts...) sont so...

à écrit le 08/05/2015 à 0:34
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Je suis désolé, mais ce que vous écrivez n'a pas de sens, autre que la projection fantasmée d'une élite qui se croit au dessus des peuples qu'elle prétend "diriger". Je ne reprendrai que votre premier paragraphe. "Être Européen, c'est acquérir une ci...

le 09/05/2015 à 10:48
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Les "droits additionnels" européens (liés à la citoyenneté européenne) se rajoutent à ceux de la citoyenneté d'un pays membre de l'Union. Le plus basique d’entre eux est celui qui concerne les nationaux d’un Etat-membre qui résident dans un autre Eta...

le 15/05/2015 à 23:09
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C'est très rare. Merci pour la précision concernant les droits additionnels. Je croyais que vous entendiez par là ceux qui sont issus des instances de l'UE plutôt que des parlements locaux. Reste que, comme vous devez l'avoir fort bien compris, il ne...

à écrit le 07/05/2015 à 17:23
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Une culture émerge après des siècles d'histoire. Des technocrates ne vont pas inventer une culture dite "européenne". C'est grotesque. On voit arriver les demandes de budgets pour fonctionnaires en mal de "mission"...

le 09/05/2015 à 10:57
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L'Europe a des siècles d'histoire commune. La culture européenne n'a pas besoin d'être inventée, elle existe déjà. En revanche, elle a besoin d'être valorisée soit parce que des organisations culturelles déjà existantes ont aussi une vocation europ...

à écrit le 07/05/2015 à 16:55
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Monsieur Mario d'Angelo est une de ces eurotechnocrates qui se pare de vertus humanistes pour défendre en réalité son bout de gras. il oublie un facteur primordial qui explique l'échec de la culture européenne: la langue . si il n'y a pas de langue c...

le 09/05/2015 à 11:28
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Je vous rassure, je ne suis pas un eurotechnocrate. Mais par ma famille, je suis Français d'origine allemande et italienne. La langue est un sacré challenge : à 28 c'est bien plus costaud que lorsque les Suisses se sont regroupés avec 3 langues maj...

le 09/05/2015 à 11:28
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Je vous rassure, je ne suis pas un eurotechnocrate. Mais par ma famille, je suis Français d'origine allemande et italienne. La langue est un sacré challenge : à 28 c'est bien plus costaud que lorsque les Suisses se sont regroupés avec 3 langues maj...

à écrit le 07/05/2015 à 15:38
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Je crains que les identités culturelles ne crééent pas à coups de décisions technocratiques, de musées, de milliards, voire même d'article 167 TFUE. J'ai en fait l'impression que l'exaspération vis à vis de l'UE, voire détestation parfois, est telle...

le 09/05/2015 à 11:41
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Les identités ne se créent pas de toute pièce, vous avez mille fois raison ! L’identité culturelle européenne existe déjà ; elle a besoin d’être valorisée dans la longue durée. L'idée du cosmopolitisme est de Kant... Ce qui est commun doit être mis...

à écrit le 07/05/2015 à 15:10
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Vouloir construire une véritable identité européenne cela veut dire quoi? Es ce que les précédentes ont été décrété ou ont spontanément existé et évolué? Es ce que l'idée est venue du sommet ou de la base? L'Europe n'est pas l'union européenne et des...

le 10/05/2015 à 18:42
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Le titre est discutable ; j'aurai du énoncer « VALORISER L'IDENTITÉ CULTURELLE EUROPÉENNE ». Celle-ci n’a pas besoin d’être créée, elle existe et continue de se renforcer. L’unité dans la diversité est effectivement la voie affichée par les institu...

à écrit le 07/05/2015 à 13:54
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l' EUROPE c est chez moi !

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