COP15 : la filière alimentaire doit accentuer ses efforts pour réduire l’impact de l’agriculture sur la biodiversité

OPINION. A la veille de l'ouverture de la COP15, un collectif d'investisseurs alerte sur les effets dévastateurs de  l'élevage intensif sur la biodiversité notamment en matière de déforestation, de gestion des  nutriments et de conservation de l'eau douce. Aujourd'hui le système alimentaire mondial - et l'agriculture animale intensive - en particulier sont responsables d'un tiers des pertes mondiales de biodiversité. Par Maxime Boucher, Directeur principal de la recherche et engagements au sein du réseau collaboratif d’investisseurs Fairr.
(Crédits : PASCAL ROSSIGNOL)

Les enjeux majeurs de la COP15 Biodiversité résident notamment dans l'aboutissement d'un accord  sur la protection d'au moins 30% des océans, la réduction de deux tiers de la pollution due aux pesticides, la réduction de 50% de la pollution due aux engrais et la réduction de la pollution issue des  plastiques. Il est donc urgent que les entreprises agissent dès à présent en adaptant leurs activités avec un cadre et des objectifs.

Les déchets animaux, un risque majeur pour la biodiversité

Chaque année 70 milliards d'animaux transformés pour le système alimentaire mondial génèrent  environ 3,12 milliards de tonnes de déchets sous forme de fumier. Ces déchets dépassent les totaux  annuels de déchets humains, de déchets alimentaires, de déchets mis en décharge voire la quantité  de plastique produite dans le monde, et pourtant, ce risque pour la biodiversité est à peine reconnu.

Contrairement aux déchets humains, le fumier animal n'est généralement pas pris en charge par des  systèmes efficaces. En revanche, il subit différents niveaux de traitement et de compostage, puis est  épandu sur les champs de culture comme engrais. S'il est appliqué en quantités incorrectes ou dans  des conditions propices au lessivage (perte de nutriments végétaux dans l'eau), il peut polluer le sol, l'eau et l'air.

Les systèmes alimentaires sont responsables de la moitié de la perte de biodiversité en eau douce et  de fait les océans sont également touchés. Selon les recherches en cours, il y a un risque élevé  pour l'environnement et toutes les formes de vie. Même au sein de l'Union européenne, qui a introduit  une réglementation en la matière dans le cadre de sa directive sur les nitrates il y a plus de 30 ans, plus  d'un tiers des masses d'eau de surface ont été classées comme subissant une pression importante du  fait de "sources diffuses" de pollution par les nutriments. Le ruissellement des terres agricoles est la  principale source de pollution. Les flux excessifs de ces nutriments altèrent les écosystèmes d'eau douce, marins et terrestres en favorisant les plantes ou les algues à croissance rapide.

La perte de biodiversité constitue également un risque financier

D'après le Forum économique mondial, près de la moitié du PIB à l'échelle du globe est liée à  la biodiversité. Or bon nombre d'entreprises ne réalisent pas encore les conséquences des  dégradations qu'elles causent à la nature. La perte de biodiversité compromet la capacité de la nature  à fournir ce dont les Hommes et d'autres espèces ont besoin pour vivre, par exemple une eau de  qualité ou la pollinisation des cultures.

Comme le souligne le rapport Dasgupta, la perte de la biodiversité est en train de perturber l'économie mondiale, avec des conséquences directes telles qu'une plus grande volatilité des prix et l'incertitude de l'offre autour des biens et services que les écosystèmes fournissent. Les industries les plus vulnérables sont, sans surprise, celles qui dépendent fortement des systèmes naturels : à savoir la sylviculture, la pêche, l'aquaculture et l'agriculture.

Actuellement, plus des trois quarts des producteurs de protéines sont encore mal préparés à répondre aux exigences d'une trajectoire alignée sur une température de 1,5°C. Ils sont donc de plus en plus vulnérables aux risques financiers liés au climat. En particulier, les entreprises sous-déclarent les  émissions liées aux aspects les plus intensifs en émissions de leur activité - l'élevage, la production  agricole et le changement d'affectation des terres - qui contribuent à plus de 80% des émissions dans  toutes les catégories de protéines et à près de 99 % des émissions du bœuf.

Certaines entreprises investissent dans des projets ou des recherches visant à améliorer la santé des  sols et à réduire la perte de biodiversité dans l'agriculture fourragère. À l'heure actuelle, toutefois, seul  un petit nombre d'entre elles - 10 % des entreprises selon l'indice 2022 Coller FAIRR - participent à de  tels efforts.

De plus, de nombreuses entreprises ne parviennent toujours pas à gérer des risques spécifiques, tels  que la pénurie d'eau et la pollution des déchets, même à un niveau élémentaire, et seront de ce fait de plus en plus vulnérables aux risques liés au climat.

Heureusement, la pression pour le changement ne cesse de croître, y compris de la part d'investisseurs  financiers. La COP 15 doit permettre une accélération de la prise de conscience de la part des  entreprises.

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