Crise agricole : et si on arrêtait de faire croire au consommateur qu’il a le pouvoir ?

OPINION. Nous devons nous réjouir de la multiplication des démarches et labels visant à mieux rémunérer les agriculteurs, cela va dans le bon sens. Mais nous devons nous accorder sur la méthode et cesser la surenchère de promesses marketing et les coups de communication qui encouragent les Français à rester soit dans l'inaction par confusion ou méfiance, soit à favoriser des initiatives peu scrupuleuses, auto-déclarées et infondées par méconnaissance ou naïveté. Par Ludovic Brindejonc, directeur d’Agri-Éthique.
(Crédits : DR)

Le phénomène de la "jungle des labels" n'est pas nouveau. Mais cette course effrénée à la communication qui met en lumière des démarches non abouties pour vendre pose problème (1). Certaines promesses ou logos affichés sur les produits sont de terribles indicateurs qui mériteraient d'être régulés en ce qu'ils désinforment le consommateur en ne délivrant volontairement qu'une partie du message. Ceci n'est pas acceptable quand se structurent des labels dont la raison d'être est justement de porter un propos qui valorise des pratiques agricoles et une juste rémunération des agriculteurs.
D'autres tiers ont aussi structuré des systèmes de notation, là encore gare aux raccourcis ! À vouloir trop vulgariser, le consommateur est induit en erreur. Une couleur, une lettre ou un chiffre ne sont pas des critères de notation suffisamment fiables en ce qu'ils sont simplistes et certainement pas exhaustifs sur tous les périmètres comme le volet économique, éthique ou écologique.

Dans cette profusion d'initiatives et cette bataille de communication, il faut absolument dire la vérité au consommateur, en toute transparence et expliquer les fondamentaux du terrain et des producteurs. Dans un contexte caractérisé par l'inflation, les promesses de prix bas ont mis à la marge un certain nombre de produits en rayon. Par conséquent, nous comptons sur le distributeur pour valoriser les produits éthiques et son rôle, en ce sens, est stratégique. La communication couplée au merchandising est une façon d'attirer l'attention du consommateur et de créer sa préférence.

D'autant qu'il faut bien repositionner le consommateur en ce qu'il est : un néophyte. Il n'est pas un agronome de métier ce qui explique qu'il ne dispose pas de toute la connaissance nécessaire, même si certains vont jusqu'à lui faire croire qu'il détient le pouvoir de décision et pourrait influencer la manière de produire demain. C'est faux ! Le consommateur n'a pas les compétences techniques pour définir un cahier des charges. N'oublions jamais que c'est l'agriculteur qui détient la matière première et la connaissance de sa science. Exigeons donc de redonner la parole aux producteurs et arrêtons de faire croire au consommateur que c'est lui qui va définir le prix juste. Car en réalité, il ne faut pas écouter le consommateur, il faut le rassurer, lui expliquer et sans détour les contraintes et les difficultés du métier d'agriculteur pour qu'il puisse faire ses choix sans culpabiliser (2).

Ne soyons pas dupes de tous les ressorts de marketing et de la communication, interrogeons-les. Révisons-les ! L'objectif n'est pas d'influencer ou d'infantiliser le consommateur mais bel et bien de lui apprendre à faire les bons choix de consommation, selon ses convictions. Coconstruisons le modèle économique des filières agro-alimentaires de demain et n'imposons pas un modèle aux agriculteurs comme nous pourrions encore le faire avec les cahiers des charges. Trouvons le juste équilibre entre la demande du consommateur et les contraintes des agriculteurs. Et dirigeons-nous vers les seuls labels qui devraient exister : ceux qui protègent réellement les agriculteurs, qui ne prennent pas de marge, mais leur en garantissent une !

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(1) Rapports d'information « Information du consommateur : privilégier la qualité à la profusion » - Senat.fr - Rapport d'information n° 742 (2021- 2022), déposé le 29 juin 2022 (Cf II. Les manquements en matière d'information sont encore nombreux, ce qui décrédibilise les informations fiables et fragilise la bonne information du consommateur les informations facultatives jouent encore trop souvent avec les limites de la légalité pour des raisons marketing.)

(2) Rapports d'information « Vers une alimentation durable : Un enjeu sanitaire, social, territorial et environnemental majeur pour la France - Senat.fr - Rapport d'information n° 476 (2019-2020), déposé le 28 mai 2020 : « La montée des préoccupations citoyennes et éthiques est un autre axe important des redéfinitions contemporaines du bien manger. De plus en plus de consommateurs affirment leur intérêt pour des produits qui prennent en compte les impacts écologiques, le bien-être animal, mais aussi l'impact socioéconomique (juste rémunération des agriculteurs, respect des règles sociales ou encore impact sur le développement des territoires).

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Commentaires 2
à écrit le 08/02/2024 à 9:24
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Merci beaucoup et cette chute des ventes des produits bios parce que les gens ont moins d'argent en est une preuve éloquente.

à écrit le 07/02/2024 à 16:42
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"nous comptons sur le distributeur" faut quand même pas rêver un commerçant ( le distributeur) vend ce qui lui rapporte le plus .Quant aux agriculteurs ils ne vivent pas sur une ile déserte mais dans un environnement où les institutions agricoles ; c...

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