Croissance et perspectives globales de la finance islamique

OPINION. Dans un environnement financier mondial confronté à de nombreux défis, la finance islamique se distingue par son engagement envers certains principes moraux et sa croissance continue passant de 462 milliards de dollars d’actifs en 2006 à plus de 3.250 milliards. Par Ezzedine Ghlamallah, chercheur en finance, consultant et cofondateur de SAAFI.
(Crédits : DR)

La finance islamique recouvre l'ensemble des transactions et produits financiers conformes à l'éthique musulmane et repose sur cinq piliers. Trois interdictions principales et deux principes structurants. Parmi les interdictions, on trouve celle de l'intérêt ainsi que celle de l'exclusion de certains secteurs d'investissement jugés nocifs pour la vie humaine tels que le tabac, l'alcool, la pornographie et les jeux d'argent et enfin celle de la prohibition de la spéculation hasardeuse et de la réalisation d'investissements aléatoires et incertains.

Concernant les principes, le premier concerne l'adossement exclusif à l'économie réelle et tangible au travers du partage équitable des risques et des responsabilités alors que le second concerne l'obligation de redistribution des richesses au travers de la pratique de la charité. Le système financier mondial actuel doit faire face à de nombreux défis pour l'économie mondiale contemporaine, tels que l'éradication de la pauvreté, l'accès à une eau salubre, l'éducation, la préservation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique. Le 11 novembre 2015 lors d'une conférence sur la finance islamique, Christine Lagarde, alors directrice générale du Fonds Monétaire International (FMI), déclarait :

«  La finance islamique peut en principe devenir un facteur de stabilité financière, car le partage du risque réduit le ratio d'endettement et les échanges sont adossés à des actifs tangibles donc entièrement garantis  ».

La jeune industrie de la finance islamique, dont les débuts remontent au début des années 1960, poursuit sa croissance, et ce bien que les effets d'apprentissage et de prise de conscience de la population prennent du temps. Personne n'avait anticipé cette croissance de plus de 603% en 16 ans, avec des actifs qui sont passés de 462 milliards de dollars en 2006 à plus de 3.250 milliards de dollars en 2022.

De nos jours, 47 pays ont élaboré des réglementations spécifiques sur la finance islamique destinées à favoriser le développement des 1679 institutions financières islamiques que compte ce secteur mondialisé. Par exemple, la France dispose désormais d'un régime fiscal adapté pour les opérations de finance islamique depuis leur publication le 24 août 2010 au Bulletin Officiel des Impôts.

Dans ce contexte, la Commission des services financiers islamiques (IFSB) basée à Kuala Lumpur, vient de publier son rapport annuel consacré à la stabilité financière du secteur financier islamique.

Un secteur de 3 .250 milliards de dollars dominé par le secteur bancaire islamique

Il ressort du rapport que la valeur totale du secteur de l'industrie financière islamique a encore augmenté pour s'établir à 3 .250 milliards de dollars en 2022. Le secteur bancaire islamique avec 2 249,2 d'actifs représente 69,3% du secteur alors que le segment du marché des sukuk représente 25,6% du secteur avec 829,7 milliards de dollars d'encours.

Le marché des sukuk

Les sukuk (pluriel de sakk, ancêtre du mot « chèque ») sont des certificats d'investissements qui confèrent à leurs détenteurs une part des profits générés par les actifs financés. Le Marché Financier Islamique International (IIFM) a indiqué dans son rapport annuel 2023 qu'en 2022, le marché des sukuk est resté solide avec un total de 182,7 milliards de dollars d'émissions dans le monde qu'il s'agisse d'émissions opérées par des États ou des entreprises. Le marché des sukuk est encore assez concentré dans une poignée de marchés clés tels que la Malaisie, l'Indonésie, les pays du Conseil de coopération du Golfe et la Turquie. À noter que cette tendance évolue progressivement vers de nouvelles économies émergentes ou occidentales à l'instar du Royaume-Uni ayant émis en 2021 son second sukuk souverain d'un montant de 500 millions de Livres sterling.

Le marché des fonds islamiques

Le secteur des fonds islamiques a enregistré une très forte croissance de 34% pour atteindre 1903 fonds et 238 milliards de dollars d'actifs sous gestion en 2021. Le secteur est assez concentré avec seulement trois pays — la Malaisie (580 fonds), l'Arabie saoudite (219 fonds) et l'Iran (200 fonds), qui représentent 81% du marché mondial. D'après les dernières données disponibles, la croissance en 2021 a été soutenue par le lancement de 223 fonds islamiques dans différentes parties du monde y compris en Occident où l'on trouve 145 fonds islamiques au Luxembourg, 73 au Royaume-Uni et 20 aux États-Unis.

L'essor de l'assurance islamique takaful

On estime à 335 le nombre d'institutions takaful, y compris les fenêtres retakaful (réassurance islamique) et takaful d'opérateurs conventionnels offrant leurs produits au moins 47 pays, principalement dans les régions du Golfe, du Moyen-Orient, d'Afrique du Nord et de l'Asie du Sud-Est. Dans ces zones, la majorité des gouvernements ont élaboré des réglementations spécifiques au takaful. Les contributions totales ont augmenté en moyenne de 17%, estimées à 73 milliards de dollars en 2021 par ICD-REFINITIV.

Le dynamisme de la formation en finance islamique

Il existe dans le monde 880 programmes de formation en finance islamique et à ce jour plus de 3.500 papiers de recherches académiques ont été publiés sur cette thématique. À ce sujet, M. Kader Merbouh, Directeur de l'Exécutive MBA finance islamique de Financia Business School à Paris affirme que :

«  L'essor et la croissance de la finance islamique dans le monde et plus particulièrement en Europe et en Afrique francophone ont entraîné une forte demande pour des formations qualifiantes de qualité d'accompagner des professionnels du secteur et des étudiants à la recherche d'éthique professionnelle.  »

Ce dynamisme de la formation en finance islamique témoigne de la vitalité d'un secteur qui d'après ICD-REFINITIV, a le potentiel de croître de manière significative et devrait atteindre 5900 milliards de dollars à la fin de 2026.

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Commentaires 2
à écrit le 09/02/2024 à 20:38
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Article certes intéressant pour un novice mais qui n'apporte rien de nouveau a la réflexion.Ce sont les analyses voires poncifs habituels sur le sujet... Certes la FI est guidée par des principes éthiques mais l objectif in fine est la rentabilité e...

à écrit le 09/02/2024 à 17:55
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Comme quoi, on se fie bien plus volontiers à un cadre règlementaire immuable qu'à un consensus artificiel !

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