"Culturellement compatibles", nouvelle grille de lecture du recrutement

OPINION. Depuis que le marché de l'emploi a retrouvé ses taux records d'avant pandémie, un vent de panique  souffle un peu partout chez les recruteurs. On ne sait plus quoi faire pour attirer les candidats. Par Didier Pitelet, Président et fondateur La Maison Henoch Consulting.

Selon le BIT, le taux de chômage des cadres en septembre se situait à 3,7% contre 7,6% pour la  population active. Au premier trimestre 2022, ces chiffres devraient passer en dessous des 3% et des 7% ; en clair entre pénurie et rareté des Talents, les entreprises sont fortement pénalisées par cette  situation, certaines sont même « en panne » par faute de candidats.

« L'Absurdie du recrutement »

Face à une telle situation, nous entrons durablement dans « l'absurdie du recrutement » en l'occurrence, mettre en œuvre tout ce que les candidats exigent et ce, souvent au détriment de la  culture de l'entreprise. Le principal est d'embaucher, le reste on verra plus tard...

En baissant la garde sur ses critères culturels d'embauche, l'entreprise non seulement se met en danger à terme mais pénalise fortement son identité employeur en agissant comme tout le monde. L'embauche, quel que soit le poste, est bien sur une question de compétences mais aussi et surtout un sujet de culture et de "soft skills".

A court terme, n'importe quel candidat peut, dans l'absolu, assumer une mission en fonction de ces compétences, c'est le ROI du court terme, en revanche la fidélisation d'une personne et la bonne intégration relèvent avant tout de compatibilité culturelle.

Une entreprise, c'est une communauté/tribu mue par des rites propres ; de fait, foncièrement elle n'est pas faite pour tout le monde et doit l'assumer, même en période de pénurie. Une personne  recrutée dont les valeurs ne sont pas alignées sur celles de l'entreprise, tôt ou tard, son état d'esprit  deviendra un problème culturel !

La majorité des causes de départs est liée à un problème de management et/ou de culture, ne  l'oublions pas. Certes la ou les missions seront pourvues mais les tiraillements d'équipes, les blocages dus à des postures, les tensions nées d'un manque d'adhésion auront un coût humain et financier  important.

Même si les candidats ont des exigences et que la guerre des Talents est forte, l'entreprise ne doit ni se renier, ni travestir sa culture. Bien au-delà des jours de télétravail et autres avantages, ce qu'elle a offrir de plus important c'est de loin sa raison d'être.

À force d'entendre « les candidats veulent ci, veulent ça », on oublie ce que l'entreprise a d'exclusif à proposer.

De sa raison d'être naît en effet l'envie d'en être !

Chaque entreprise doit être une aventure humaine pour chaque collaborateur. Un recrutement ne  peut se résumer à « des bras » à intégrer tant il s'agit d'accueillir une personne qui va partager le  style de vie de l'entreprise.

Aux critères purement techniques, les candidats et en particulier les jeunes Talents de la génération Z ont des attentes très différentes de celles des décennies précédentes. Même si cela revient à « enfoncer » une porte ouverte, il est important de rappeler qu'un jeune de 2021 n'a en effet plus  grand chose à voir avec un jeune des années 80/90... Les mutations sociologiques qui, loin d'être une vue de l'esprit, s'accélèrent à un rythme inédit sous la pression du digital en particulier mais aussi d'une conscience sociétale portée par des notions intimes et qualitatives qui poussent une majorité de Talents à ne pas vouloir « perdre leur vie à la gagner ».

Nombre d'entre eux, face au manque d'engagement humain de beaucoup d'entreprises, consomment des employeurs. Picorer le marché  du travail est même un sport pour certains en particulier dans le high tech. Les mercenaires de  l'emploi se développent dans certaines niches professionnelles. Ils sont dans un posture kleenex qu'il faut savoir utiliser en cas de besoins ponctuels « à la tâche » ; ils ne feront jamais des collaborateurs  vertueux.

Les recruteurs sont les premiers militants de la Raison d'être de leur entreprise

Plutôt que de chercher à séduire à tout prix « en servant la soupe aux candidats », chaque Recruteur  doit assumer d'être un militant de la raison d'être de son entreprise ; à ce titre, il défend l'identité, le maillot de son entreprise et surtout il sait « les vendre » pour en faire de vrais critères d'attractivité.

Faire tribu c'est jouer collectif et non individuel. Les opérationnels en manque de collaborateurs et  de cvs doivent « pousser comme un seul homme » derrière les recruteurs pour faire de la bataille de  l'emploi une bataille collective. L'exemplarité du management dans le traitement des candidatures - certains CV restent sans réponses pendant 10/15 jours encore aujourd'hui - mais aussi dans leur implication est capitale.

La bataille de l'emploi est un enjeu collectif qui ne repose pas uniquement sur les DRH ; chaque  manager est responsable aussi de la performance RH de son entreprise.

Qualité de vie au travail et softkill, deux leviers de performance employeur

La QVT (Qualité de vie au travail) est depuis une vingtaine d'année un sujet central en termes  d'attractivité ; après la pandémie et une forme de recentrage sur des valeurs existentielles fortes, elle prend aujourd'hui une dimension encore plus stratégique pour attirer des candidats. A poste et  salaire égale, elle fait la différence. Aux grandes solutions globales telles l'agencement du bureau, les  salles de sport, c'est la capacité de l'entreprise à individualiser ses accompagnements de vie. La prise en compte de l'individu dans sa globalité va développer de nouveaux services bien au-delà du cercle  strictement professionnel comme par exemple l'aide aux salariés aidant d'un proche. Être reconnu  comme un bon employeur ne revient plus à afficher un catalogue de bonnes actions mais bien à  personnaliser ses réponses en qualité de vie au travail... et au-delà.

Les soft kills où les qualités intrinsèques à chaque personne sont la clé des recrutements réussis.  Cette affirmation de bon sens est un défi pour les recruteurs qui doivent désormais mesurer  l'adéquation entre ce qui constitue la personne et la culture de l'entreprise. Après des décennies de  stricte observance des données objectives, en particulier les qualifications, il va falloir oser  individualiser les critères de choix. En clair, avant de recruter des compétences, prendre conscience  et assumer que l'on recrute avant tout un Humain avec ses forces et faiblesses, ses envies et ses  doutes... Pour assumer une non-discrimination, il est important d'élever la grille culturelle de  l'entreprise en grille de lecture des soft kills et de repenser nombres de process de recrutement. Une  personne, à la bonne place au bon moment et avec la bonne équipe relève d'une alchimie exclusive à  chaque employeur. Toute la noblesse du recrutement.

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