Le doux poison de l'énergie, en apparence abondante et bon marché

OPINION. A l'occasion de la 11e édition du Printemps de l'économie que soutient la Tribune et qui se tiendra du 5 au 7 avril 2023 au CESE sur le thème « Action ! l'heure de l'engagement », nous publions des tribunes sur les thèmes de l'événement qui réunit des lycéens et le monde économique et académique. Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Économie à Inseec Grande École, Directeur Valorisation de la recherche à Omnes Education, Membre du Conseil scientifique du Printemps de l'économie, analyse les défis qui nous attendent pour sortir de la crise énergétique.
Philippe Mabille
(Crédits : DR)

La consommation d'énergie primaire n'a eu de cesse d'augmenter depuis la première révolution industrielle. Et ce en dépit de la hausse des prix de l'énergie et de toutes les innovations en matière d'efficacité énergétique ! La consommation énergétique mondiale suit même une pente croissante spectaculaire depuis les années 1950, avec certes quelques épisodes ponctuels de repli, chocs pétroliers et crise sanitaire mondiale en tête.

À titre d'illustration : en 1960, la consommation mondiale d'énergie s'établissait à 41 814 TWh quand, en 2021, nous avons consommé l'équivalent de 176 431 TWh. Bref, en l'espace de 60 ans, nos besoins en énergie ont été multiplié par plus de 4. C'est vertigineux ! Et d'autant plus inquiétant que les énergies fossiles restent très largement dominantes avec, en 2021, le charbon, le pétrole et le gaz naturel pesant collectivement 77% de la consommation. Ce ratio était rigoureusement identique en 2000, preuve de notre dépendance aux énergies fossiles.

Bien évidemment, certains pays tels les États-Unis ou la Chine, en raison de l'importance de leur population ou de la densité de leur tissu industriel, sont de gros consommateurs en énergie. Mais, il reste délicat de désigner des responsables à cette augmentation, tant la fragmentation mondiale des chaînes de valeur a pour effet de délocaliser la production, et les besoins énergétiques associés, à l'autre bout du monde. Il est plus facile de faire refluer sa consommation énergétique (et de verdir son mix énergétique) quand on fait fabriquer l'essentiel de ses biens de consommation loin de ses frontières. Mais la responsabilité du donneur d'ordre, quoi qu'on en pense, demeure !

Inutile de s'attarder sur l'aspect écologique de ce problème : on connaît l'impact désastreux de ces énergies sur le climat et l'environnement. Il faut aussi comprendre que ces énergies sont en quantité limitée. Même si de nouveaux gisements sont découverts, ou que nous nous autorisons de nouvelles techniques extractives, le coût de production de ces énergies est inévitablement amené à augmenter. Ce qui, à demande constante, entrainera une hausse structurelle des prix. Or, nous constatons en ce moment-même combien une inflation énergétique (découlant du conflit russo-ukrainien) déstabilise nos économies, et impacte le pouvoir d'achat des plus précaires.

À l'évidence, de toutes nos addictions, celle à l'énergie est la plus dure. L'énergie est la base nécessaire à toute activité de transformation de la matière, et donc de production de nos biens et nos services de consommation. Et c'est bien parce que l'énergie est à la base de la croissance économique et, par extension, de la stabilité de nos sociétés et institutions, que nous avons la fâcheuse tendance à « empiler » les sources d'énergie, plutôt que de substituer des énergies plus vertueuses sur le plan environnemental à des énergies qui le sont moins. L'exploitation à grande échelle du pétrole à partir du début du XXe siècle n'a pas réduit la consommation de charbon. Idem pour l'exploitation du gaz naturel ou du nucléaire.

Aujourd'hui, nous misons énormément sur le « verdissement » de notre mix énergétique ou sur des innovations en matière d'efficacité énergétique, ou de captation du CO2. Mais la question de la réduction de notre consommation ne se pose pour ainsi dire jamais. Et il n'y a pas de raison que cela change quand on constate les trajectoires, très intensives en énergie, de réindustrialisation et de numérisation de nos économies.

Philippe Mabille

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Commentaire 1
à écrit le 05/04/2023 à 21:30
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L'homme est surtout à accro à la paresse notamment intellectuelle au regard de l'explosion démographique que subie la planète depuis plusieurs décennies.

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