Du plan France 2030 au plan « France Smart city »  : un modèle français est-il possible ?

OPINION. Le plan d'investissement « France 2030 » pour la France de demain présenté par le gouvernement rend indispensable un déploiement accéléré de la Smart city sur l'ensemble du territoire national. Néanmoins, aucun cadre n'est aujourd'hui prévu pour assurer un développement harmonieux dans lequel acteurs publics et privés pourraient tirer leur épingle du jeu et positionner la France en leader de la transition énergétique. Par Erwan Keryer, Associé KPMG France - Secteur Public
(Crédits : POOL)

Évacuons le superflu. Selon toute évidence, le terme Smart city ne fait plus recette. Les nombreux travaux de recherche ou rapports publiés démontrent à quel point il ne saurait rendre compte ni de la diversité, ni de la complexité du paysage des collectivités françaises. On lui préférera désormais une traduction plus littérale de « territoire intelligent » ou bien plus numérique de « territoire connecté ».

Sur le fond, le plan « France 2030 » dessine plusieurs ambitions, qui devront trouver une traduction et un ancrage local. Les stratégies de territoire intelligent ont précisément vocation à lui apporter une déclinaison opérationnelle couvrant l'ensemble des communes, qu'elles soient urbaines, périurbaines ou rurales. À titre d'exemple, ce grand programme d'investissement fait de la transition énergétique et de la résilience l'un de ses axes prioritaires. Ce sont aussi deux portes d'entrée privilégiées pour les collectivités investissant le champ du territoire intelligent. À la lumière de ces premiers constats, les planètes semblent alignées entre une vision de l'État et une déclinaison déjà engagée dans les territoires. Cependant, la forte variété, pour ne pas dire l'éclatement, des initiatives déployées rend complexe l'appropriation par d'autres territoires des expérimentations menées ici et là. Il semble aujourd'hui indispensable de penser un cadre de déploiement pour un modèle de territoire intelligent, au risque de faire prendre du retard non seulement aux collectivités, mais aussi à l'ensemble de la filière industrielle.

Le marché n'est pas mature et les conditions ne sont pas réunies pour un cadre homogène de déploiement des territoires intelligents en France.

La récente étude commandée par la Direction Générale des Entreprises, en partenariat avec plusieurs fédérations des télécoms (1), dont Infranum, tend à montrer que le marché des Territoires intelligents manque encore de maturité. Chacun expérimente de son côté et communique sur des résultats qui paraîtront souvent satisfaisants techniquement, sans que les usages soient pourtant au rendez-vous. Les grands projets transversaux aujourd'hui déployés semblent être trop complexes juridiquement, techniquement et même sur le plan managérial. Les industriels auditionnés évoquent l'arrivée à maturité de leurs technologies, mais la proposition de valeur de chacune d'entre elles ne semble pas évidente pour qu'une collectivité soit en mesure d'en privilégier l'une plutôt que l'autre. En outre, l'offre est éclatée, les technologies peu interopérables, l'intégration des différentes couches (des infras jusqu'aux services) trop inexistante pour rassurer les élus.

Quelle méthode pour guider collectivités et acteurs privés ?

Et si une partie de la solution consistait à créer une méthode pour accompagner les territoires dans leur transition numérique ? Au-delà d'un plan de développement, qui doit promouvoir avant tout un encadrement des pratiques, certains jalons peuvent d'ores et déjà être posés. En premier lieu, la technologie, même la plus séduisante, ne peut être une fin en soi : avant de céder au chant des sirènes, il faudra toujours s'interroger sur la capacité d'un outil (un capteur, une plateforme de données, des procédures dématérialisées...) à répondre à des besoins clairement identifiés autant que sur celle des équipes à l'intégrer à leur fonctionnement.  Il sera également indispensable de penser à une hybridation des services afin de ne pas exclure la partie de la population la moins connectée. En deuxième lieu, il est indispensable de construire une stratégie de territoire intelligent pas à pas, c'est-à-dire cas d'usage après cas d'usage.

Les approches globales ou transversales seront, sauf exception, vouées à l'échec. En revanche, acteurs de la filière numérique comme collectivités ont un intérêt commun à privilégier la mutualisation de leurs interventions, principale condition de réussite pour le passage à l'échelle des différentes expérimentations. Enfin, un territoire ne saurait être « intelligent » sans une montée en compétence dans la gestion et l'exploitation de la donnée : si celle-ci est bien l'or noir du XXIe siècle, les collectivités françaises peinent à savoir comment et où forer leurs puits. Pourtant, c'est bien une stratégie de la donnée structurée qui permettra de tirer tout le profit de ces nouveaux outils, en renforçant très largement les capacités de pilotage des services : dans une logique évaluative autant que de prospection.

Il n'existe pas de modèle français de territoire intelligent. En revanche, l'étude évoquée plus haut détaille le contenu de ce que pourrait être le cadre de la Smart city à la française : des initiatives au service du pilotage des politiques locales, une gouvernance ouverte qui s'appuie sur les contributions citoyennes, des principes d'interopérabilité, de sobriété numérique, de souveraineté des données, de cybersécurité et d'inclusion numérique, qui devront être des invariants de tout projet. Nul doute que ces principes ont désormais vocation à intégrer un plan national promouvant un modèle ouvert, transparent et durable de territoire intelligent.

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(1) KPMG France, co-auteur avec l'Alliance Datapublica de l'étude « De la smart city à la réalité des territoires connectés : l'émergence d'un modèle français ? »



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Commentaire 1
à écrit le 19/11/2021 à 16:35
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Bref, ajoutons du flou au flou et attendons un jour que nous disposions d'un véritable éclairage sur les intérêts de la filière. Le sujet est naïvement amené (ou alors pas tant que cela...) lorsqu'il est écrit que "le marché du territoire intellige...

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