Après des émeutes qui ont vu la dégradation et la destruction de nombreux bâtiments publics, de mairies, de bibliothèques, d'écoles, la tentation serait grande, chez nombre de nos concitoyens et dirigeants politiques, de ne pas reconstruire rapidement. En effet, l'argent public n'aurait pas à financer les réparations de dégâts commis volontairement par une minorité d'irresponsables alors que, selon France Assureurs, les 11.300 sinistres pour le moment déclarés par des particuliers ou des professionnels devraient déjà coûter au moins 650 millions d'euros aux assureurs et que le MEDEF chiffre les dégâts pour les entreprises seules à un milliard d'euros.
Ne pas reconstruire serait aussi un moyen de faire assumer à tous les habitants d'un quartier les actes commis par certains d'entre eux, une sorte de sanction indirecte en somme. Pour autant, ces raisonnements ne règleront aucun problème. L'absolue nécessité est bien de reconstruire et cette reconstruction est urgente.
Sans reconstruction, ces quartiers s'enfonceront dans le délabrement
Cette reconstruction est impérative car elle montrera la force de la République qui ne plie jamais et qui rebâtira inlassablement. Elle est impérieuse car, sans elle, ces quartiers s'enfonceront dans le délabrement. En mars 1982, James Q. Wilson, professeur en sciences politiques, et George L. Kelling, criminologue, publiaient dans la revue américaine « The Atlantic » un article dont le titre est « Fenêtres brisées » et dans lequel ils développent la fameuse théorie du même nom.
En effet, citant des psychologues et des policiers, ils indiquent que si une fenêtre d'un immeuble est brisée et n'est pas réparée, toutes les autres fenêtres seront bientôt brisées elles aussi. Une fenêtre cassée non réparée serait le signal que personne ne s'en soucie et qu'ainsi en casser d'autres ne serait pas un problème. Ne pas reconstruire après ces violences urbaines encouragerait de nouvelles dégradations.
Cependant, la reconstruction du bâti n'est pas suffisante. Il faut reconstruire l'image même que projettent encore ces quartiers populaires dans lesquels ont majoritairement eu lieu ces attaques violentes. Pour cela, il faut agir sur l'habitat avec une offre de logements individuels et semi-collectifs de qualité. Oui, les politiques de rénovation urbaine ont été utiles, mais force est de constater qu'elles ne sont pas suffisantes et qu'il faut aller plus loin, plus vite.
Année après année, nous avons déresponsabilisé les parents
Il nous faut soutenir et accompagner les initiatives privées au premier rang desquelles nos commerces qui ont trop souffert de cette situation. Il nous faut continuer à reconstruire les services publics dans ces quartiers et autour dans le cadre d'une réflexion globale à l'échelle des villes. L'école, tout d'abord, doit permettre d'acquérir les fondamentaux lire-écrire-compter et transmettre les règles de vie en société. La sécurité, aussi, avec la réimplantation d'une police de proximité qui permettra de se parler, de mieux se connaître et de retrouver la confiance.
Il faut également reconstruire d'urgence l'autorité qui fait tant défaut à la société française. Comment des jeunes Français peuvent-ils s'en prendre avec une violence sans retenue à des policiers, des sapeurs-pompiers, des maires ? Année après année, nous avons déresponsabilisé les parents en leur faisant croire que l'éducation, toute l'éducation, de leurs enfants revenait à l'État, que l'Etat était protecteur, qu'il s'occupait de tout. Là aussi, il y a tant à faire pour reconstruire moralement et civiquement notre pays.
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