Emmanuel Macron, Président girondin ?

Après sa première Conférence nationale des territoires, en juillet, qui visait à bâtir un "pacte de confiance" entre les pouvoirs locaux et l'État, Emmanuel Macron voit les régions claquer la porte de la concertation pour protester contre une nouvelle baisse des dotations. Plus que le manque à gagner financier, bien réel, c'est le reniement de la parole donnée par l'Etat qui a provoqué la colère des barons locaux. Par Steven Zunz, président de Domaines Publics.

Près de quarante ans après la première grande loi de décentralisation ayant donné naissance aux régions, la France reste toujours à la recherche d'une organisation territoriale qui allie autonomie politique, fonctionnement démocratique et soutenabilité financière. Les réformes se sont accélérées depuis le début des années 2000 (Acte II et III de la décentralisation) sans toutefois parvenir à dessiner une vue d'ensemble et à repenser le système de manière pérenne. Emmanuel Macron, élu sur la promesse d'une révolution politique, a promis le 4 juillet dernier un « pacte girondin » devant le Parlement réuni en Congrès, du nom de ce courant politique qui rêvait d'une France construite autour et non contre ses territoires et ses identités. Ce rêve va-t-il enfin se réaliser ? Les débuts du nouveau Président laissent pour le moins dubitatifs.

Les élus locaux dubitatifs face au "pacte de confiance"

Dès le 17 juillet, Emmanuel Macron réunissait la première Conférence nationale des territoires dont « l'objectif est de bâtir un "pacte de confiance" entre les pouvoirs locaux et l'État, sur la base d'une organisation souple et intelligente ». Las, seulement quelques mois après, les régions ont déjà claqué la porte de la concertation pour protester contre une nouvelle baisse des dotations, et le pacte de confiance a déjà du plomb d'en l'aile. Plus que le manque à gagner financier, bien réel, c'est le reniement de la parole donnée par l'Etat qui a provoqué la colère des barons locaux.

Cette première dispute illustre bien l'impasse dans laquelle la relation financière entre le pouvoir central et les collectivités s'est enferrée. Démunies du pouvoir de lever leurs propres impôts, mis à part le cas des communes, les collectivités en sont réduites à vivre des subsides de l'Etat qui peut donc à tout moment décider de les asphyxier. Dans le même temps, celles-ci se doivent de participer à l'effort de redressement des comptes, d'autant plus que leurs dépenses, notamment en matière de masse salariale, ont fortement augmenté ces dernières années.

Taxe d'habitation : un des rares leviers fiscaux des communes

A cet égard, la réforme de la taxe d'habitation qui se prépare, qui la verra disparaître pour 80 % des Français, n'est pas une bonne nouvelle, car elle est l'un des rares leviers permettant aux communes de mener une politique fiscale autonome et d'en rendre compte devant leur population.

Cette question est cruciale. Les collectivités territoriales doivent disposer des financements adéquats leurs permettant de mener à bien leurs missions sans être réduites à de simples « guichets à subvention ». Dans le même temps, elles doivent être responsabilisées et assumer la gestion de cette argent devant leurs électeurs. Or, sans une dose minimale d'autonomie fiscale, cette mécanique de base de la responsabilité démocratique ne peut se mettre en place, et les collectivités ne pourront sortir de leur statut de « nains politiques ». Emmanuel Macron a suggéré lors de son discours qu' « une part d'impôt national pourrait être attribuée aux communes », c'est effectivement indispensable pour mener à bien la révolution girondine qu'il appelle de ses vœux.

Entraves à l'exercice du jugement démocratique des électeurs

A la problématique financière s'additionne celle de l'organisation territoriale proprement dite. La multiplication des échelons, au-delà du coût, nuit à la lisibilité des compétences et donc à l'exercice par les électeurs de leur jugement démocratique. Le Grand Paris en est l'illustration archétypale. Tout le monde s'accorde à dire que l'architecture actuelle de la région capitale laisse à désirer, empilant pas moins de cinq échelons (commune, territoire, métropole, département, région) dont les compétences se chevauchent allègrement.

Pour autant, si une clarification est là aussi nécessaire la méthode choisie semble encore être celle de l'unilatéralisme. Ce n'est que récemment, dans la presse, qu'on a découvert qu'une suppression des départements était au programme, sans que les populations et les élus concernés n'aient encore eu voix au chapitre. Dans le même temps, quoi que puissent être les arrière-pensées d'un tel rapprochement, la volonté de fusion des Hauts-de-Seine et des Yvelines est combattue par le gouvernement malgré les mots d'Emmanuel Macron lui- même: « les territoires en réalité savent mieux l'organisation qui est la plus pertinente pour eux ». En cela, le gouvernement est fidèle à la politique qui a été mise en œuvre jusqu'ici, où l'Etat a remodelé à sa guise la carte de France au mépris des aspirations locales. Le récent redécoupage des régions en est le plus parfait exemple.

"Big-bang" territorial

Si Emmanuel Macron veut véritablement se montrer girondin, c'est donc sur ces deux aspects qu'il doit agir : parvenir à rationaliser l'organisation territoriale de la France en respectant les aspirations locales, tout en mettant les élus locaux face à leurs responsabilités en leur donnant enfin de véritables marges de manœuvre financières. Provoquer ce « big-bang » territorial ne sera pas chose aisée, mais c'est la voie que le jeune Président doit suivre s'il veut rendre justice à ses lointains prédécesseurs.

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Commentaire 1
à écrit le 31/10/2017 à 14:47
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Le but semble d'affaiblir les pouvoirs locaux qui dépendent moins de l'argent des mégas riches que les politiciens nationaux et sont donc moins obéissant à l'oligarchie au doigt et à l'oeil. Les pouvoirs locaux sont plus influencés par les PME tr...

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