Emmanuel Macron, prix Nobel de la paix ?

OPINION. Qu'est-ce qui peut intéresser Macron ? Il a pris le pouvoir après un coup d'éclat, sans troupe, mais mu par une énergie et une audace inégalables. Mais son règne s'achève bientôt. Par Nicolas-Jean Brehon, conseiller honoraire au Sénat.
(Crédits : DR)

Que faire quand on a tout eu, le pouvoir et les couvertures des magazines du monde entier qui le comparaient parfois à Bonaparte au pont d'Arcole ?

Rempiler pour un troisième mandat ?

La règle de la limitation des mandats, introduite en 2008 dans la constitution, peut être contournée. S'il démissionne six mois avant la fin du mandat, en laissant l'intérim au président du Sénat, il n'enchainerait pas vraiment et pourrait donc se porter candidat. La ficelle serait un peu grosse.

Ou alors un troisième mandat en 2032 ? Mais les prétendants sont déjà sur les rangs et Gabriel Attal, son dauphin, a ce qui manque à Macron : il écoute, comprend et répond aux attentes des Français.

Donner des conférences ?

Ses discours des grandes occasions sont toujours exceptionnels, mais même sans ses collaborateurs de haut vol qui les préparent à l'Élysée, il reste une machine intellectuelle hors pair. Avec en plus la maîtrise parfaite de l'anglais.

Sur internet on trouve quelques chiffres : Sarkozy, entre 100 et 150.000 euros la conférence ; Tony Blair, entre 2 et 300.00 ; Obama, entre 4 à 500.000 ; jusqu'à 600.000 pour Clinton. Il serait certainement dans la fourchette haute, ce qui permet d'envisager l'avenir dans un certain confort. Mais bon...

Rejoindre la banque Rothschild à un gros poste ?

Il est passé par ici (en début de carrière), il repassera par là. Les banques d'affaires lui doivent beaucoup. C'est grâce à Macron que les valeurs mobilières ont été sorties de l'assiette de l'ISF (impôt de solidarité sur la fortune). L'IFI (impôt sur la fortune immobilière) ne frappe plus que les propriétaires. On prétend que Fabius, fils d'antiquaire, avait écarté les objets d'art de l'assiette de l'ISF, mais Macron a été encore plus inégalitaire en faisant en sorte que les vraies grandes fortunes échappent à l'impôt. Le pantouflage dans le privé après de grosses responsabilités publiques, d'autres l'ont fait (Schroeder, Barroso...), mais la démocratie française ne s'en remettrait pas.

Viser un gros poste européen ?

Macron et l'Union européenne (UE). Son parcours est jalonné de repères de son engagement européen sans faille. Le discours de la Sorbonne - une initiative pour l'Europe - a marqué le début de sa première présidence en 2017. Sa lettre aux Européens - pour une renaissance européenne - est publiée à l'occasion des élections européennes de 2019. En lançant le concept d'une « souveraineté européenne », Macron marqua l'histoire des idées politiques. La question de la souveraineté a toujours été analysée sous l'angle national.

La construction européenne a entrainé un mouvement de dissolution de la souveraineté des États sans constitution d'une souveraineté de l'UE. Il est parfois question d'atteinte voire de transfert de la souveraineté nationale, mais sans que le bénéficiaire soit nommé explicitement. En nommant la souveraineté européenne, Macron fait plus qu'afficher une conviction. Il mène un combat idéologique. Il s'attaque à l'atome de la souveraineté. Après « la bombe Schuman » de 1951, expression évoquée lors de la création de la CECA (communauté européenne du charbon et de l'acier), le président français sortait la bombe à neutrons.

Voilà pour l'engagement. Le poste ? Avec l'élargissement annoncé aux ex pays des Balkans et à l'Ukraine, les institutions européennes ne pourront être gardées en l'état. Une révision des traités s'imposera, ne serait-ce que pour limiter le nombre de commissaires. Ce serait l'occasion de réfléchir à une fusion des postes de président de Commission et président du Conseil.

Un nouveau poste à la hauteur de l'ambition de l'homme assurément. S'il n'est pas certain qu'il serait intéressé par un tel poste, il est en revanche plus que probable que les pays partenaires, eux, ne voudraient pas de lui. Trop de personnalité, trop d'orgueil, trop d'arrogance -alors que la France brûle - mais aussi trop d'hésitations et de volte faces (sur les Balkans, sur la guerre en Ukraine...). Le poste européen semble compromis.

À défaut de poste, pourquoi ne pas finir en beauté ?

Cela fait plusieurs fois que le président français cherche à l'international un positionnement prudent et tente une médiation. Il écoute vraisemblablement mieux les parties en conflit que les Français eux-mêmes. C'est le « en même temps » appliqué aux crises et aux situations conflictuelles. Quelques exemples ? En 2019, la France retarde l'ouverture des négociations d'adhésion de la Macédoine à l'UE, en faisant part de ses doutes sur la capacité du pays à respecter les valeurs européennes (Macédonia/ mafiadonia résumait un député français) et en clamant la nécessité de prioriser l'intégration de préférence à l'élargissement de l'Union. L'UE adopte alors le concept de réversibilité des négociations, ce qui débloque la situation. En 2020, Macron se rend à Beyrouth dévasté par l'explosion de produits chimiques entreposés dans un port délabré par le manque d'entretien et la corruption. Son objectif : faire travailler ensemble chiites, sunnites et chrétiens à la reconstruction.

Un coup d'épée dans le sable, une ambition évidemment vouée à l'échec et qui le fut en effet. Cela se sait moins, mais le président français s'intéresse aussi beaucoup à l'Afrique. Il y fait de fréquentes tournées, y compris hors du traditionnel champ d'Afrique de l'Ouest, ne serait-ce que pour contrecarrer l'influence russe.

Ce qui n'empêche pas un sentiment anti français croissant. En 2022, la guerre en Ukraine marqua aussi la tentative du président français de jouer un rôle de médiation. Les appels téléphoniques à Poutine sont médiatisés. Jusqu'à irriter nos partenaires européens à commencer par la Pologne et les pays baltes. Dans la mécanique de l'Union, un pays ne peut faire cavalier seul. La France devra renoncer à cette place d'intercesseur et rentrera dans le rang.

Cette visite en Israël est un nouvel exemple de cette démarche. L'appui, entier, indiscutable, non négociable, de la France à Israël face à ce massacre inouï du 7 octobre, devait être complété par ne serait-ce qu'une évocation des « pressions, répressions et conditions de vie éprouvantes » des populations palestiniennes - les mots sont ceux de Médecins sans frontière -. Il ne s'agit pas de mettre les deux parties dos à dos. Éliminer des assassins fanatisés n'est pas égal à égorger des juifs parce qu'ils sont juifs. Mais les mots justes ont manqué et la France est en position d'accusée. Ce qu'il était convenu d'appeler la politique arabe de la France a été ruiné par le positionnement français.

La rue arabe en colère moleste les nationaux et les symboles français. Le temps de « la vengeance » - l'expression est de la BBC - doit passer aussi vite que possible et le ciblage doit être le plus précis possible pour éviter les bombardements aveugles qui ne font qu'entretenir le vivier de combattants. Macron se rend au Proche-Orient pour tenter une voie de désescalade et faire entendre une voix de raison. Même un simple petit pas serait un succès.

« Apprends qu'un homme ne vaut pas plus qu'un autre s'il ne fait plus qu'un autre » disait Cervantes.

Macron tente au moins. Réussira-t-il ? S'il y parvient, ce serait un accomplissement politique. S'il n'y parvient pas, ce serait une satisfaction d'avoir essayé. Agir dans l'épreuve. Tous les exemples des efforts présidentiels cités plus haut se sont soldés par un échec ou des demi-réussites. Il y a des succès plus éclatants. Et alors. Cela n'empêche pas d'essayer encore et encore.

Le prix Nobel de la paix récompense plus une démarche qu'un résultat. Au vu de la tragédie en cours, le choix de remettre le Nobel en 1994 à Yasser Arafat, Yitzhak Rabin et Shimon Peres, après la conclusion des accords d'Oslo, illustre la limite de la récompense. Barak Obama, autre récipiendaire, fut honoré pour son action en faveur de la diplomatie internationale alors que l'armée américaine menait des guerres en Irak et en Afghanistan.

Une douzaine de chefs d'État et de gouvernement ont été honorés alors qu'ils étaient en fonction en exercice. Ce prix serait une récompense qui a l'avantage d'être décerné hors de l'UE, en Norvège. C'est même, peut-être, un désir secret qu'il est inutile de raconter, mais que les proches comprennent. Et si, en définitive, le président Macron cherchait cette reconnaissance mondiale qu'il n'a plus guère en France.

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Commentaires 7
à écrit le 25/10/2023 à 13:07
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Article tendancieux! Sera invité au prochain voyage présidentiel! Embobiner les parties est l'atout le plus évident de M MACRON. FAire croire une chose en faisant le contraire et en agissant à un autre niveau est l'art de Mac Kinsey. Sa présence est ...

le 25/10/2023 à 13:41
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Ah ! ben oui ! ça s'rait tellement mieux que ces pays soient sous la coupe de dirigeants sub-Poutine... hein !

à écrit le 25/10/2023 à 12:18
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Quand tout est gangréné par l'argent, toute les histoires sont ridiculement risibles !

à écrit le 25/10/2023 à 11:12
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Comme SARKOZY en 2007, beau parleur et débatteur mais malheureusement son action s'arrête à un électorat qui ne lui suit plus même les siens. Donc qu'il dégage en 2027 sera une grande satisfaction car un fonctionnaire des finances qui n'a jamais été ...

à écrit le 25/10/2023 à 11:01
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"qui le comparaient parfois à Bonaparte au pont d'Arcole" Les courtisans ne sont que des courtisans leurs propos n'a que peu de valeur parce que sans cesses orientés vers leurs seuls intérêts. Ensuite prix nobel de la paix pourquoi pas mais après avo...

le 25/10/2023 à 13:45
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Si on cherche..., on trouve... ce qui s'est réellement passé ce jour là. Le story telling n'a pas commencé avec Trump/Poutine...

le 26/10/2023 à 9:15
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Heu... t'es sûr que ce que tu dis a un rapport avec ce que j'écris !?

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