En finir avec notre passion normative

OPINION. Plus de 320.000 normes législatives et réglementaires (1) en vigueur, plus de 40 lois publiées par an (2), un coût de la charge administrative estimé à près de 4% du PIB soit 60 à 80 milliards d'euros (3) : la « crise de la norme » est toujours d'actualité en France. Par Dorothée Belle, Associée EY Consulting secteur public et Audrey Frut Gautier, Senior Manager EY Consulting secteur public
De gauche à droite, Dorothée Belle, Associée EY Consulting secteur public et Audrey Frut Gautier, Senior Manager EY Consulting secteur public
De gauche à droite, Dorothée Belle, Associée EY Consulting secteur public et Audrey Frut Gautier, Senior Manager EY Consulting secteur public (Crédits : DR)

Nombreuses sont les externalités négatives liées à l'excès de normes : relation complexe des usagers avec l'administration, renoncement aux droits, « impôt papier »... Poursuivant les efforts entrepris lors des mandats précédents, le dernier quinquennat a permis des avancées significatives :

  • lutte contre l'excès de normes, avec la réduction d'environ 70% (4) du nombre de circulaires, l'abrogation d'une cinquantaine de lois obsolètes, la montée en puissance et en qualité des études d'impacts des projets de loi, obligatoires depuis 2009
  • agilité administrative, avec la simplification des expérimentations, la consécration du droit à l'erreur, la déconcentration de 99% des décisions administratives individuelles concernant les agents...
  • simplification de l'accès aux services publics, au travers de la numérisation de 85% des démarches usuelles, du déploiement de VoxUsagers et ServicesPublics+ pour recueillir l'avis des usagers sur les démarches à simplifier...

La crise de la Covid a révélé la capacité de notre appareil administratif à imaginer des voies simplificatrices : dématérialisation et simplification des procédures, prolongations automatiques des droits, allègement des contrôles... précisément pour faciliter l'accès aux dispositifs d'aide publique et en garantir l'impact.

Fortement réclamée par les citoyens, la simplification s'avère être un formidable vecteur de notre démocratie : elle facilite l'accès aux dispositifs publics et démultiplie l'impact des politiques publiques.

Dix pistes pour simplifier la France des normes

Seule une mutation profonde de la manière de penser la régulation par la norme pourrait conduire au choc de simplification attendu.

Voici quelques axes de travail :

  • Agir sur le stock, en fixant un objectif de réduction nette de 10%, et créer une mission gouvernementale de simplification, rattachée au Premier ministre et de composition hybride (représentants de l'Etat, corps intermédiaires, société civile, universitaires ...) chargée de piloter la réalisation de cet objectif
  • Prévoir des mesures favorisant l'atteinte de cet objectif en réservant par exemple des créneaux prioritaires aux ministères « bons élèves » pour soumettre un projet de loi au Parlement
  • Maîtriser le flux en limitant notamment la sur-transposition du droit européen, tout en améliorant l'intelligibilité des textes normatifs
  • Agir massivement sur les domaines où les conséquences d'une réglementation excessive sont les plus problématiques : travail, construction et urbanisme, environnement, agriculture...
  • Dématérialiser 5.000 procédures administratives et automatiser 300 procédures internes par an, tout en allégeant les procédures de contrôle a priori
  • Faciliter l'accès des usagers aux dispositifs publics afin de limiter le renoncement aux droits (déploiement des guichets uniques, prolongations automatiques des droits...)
  • Accélérer le recours aux modes alternatifs de régulation tels que le « nudge » (« coup de pouce » en français), une modalité issue de l'économie comportementale qui se propose d'influencer nos attitudes
  • Mobiliser et sensibiliser l'ensemble des agents publics, en dédiant des personnels pour agir sur le sujet, mais aussi par des actions de formation
  • Mener des expérimentations locales ou sectorielles de simplification, notamment en associant la société civile
  • Renforcer les moyens d'évaluation par le Parlement des démarches de simplification

Vers une culture de l'équilibre

La norme est nécessaire autant que contraignante. Mesurée, elle protège souvent et accélère notre transition vers une société plus sobre et plus équilibrée. Excessive, elle génère des contraintes pénalisant notre pays et pesant sur notre vie quotidienne. Notre rapport à la norme doit évoluer et viser un équilibre rénové entre contrainte et liberté. Charge désormais à l'Etat de placer l'équilibre normatif au centre de ses ambitions de modernisation.

_______

(1) Etude du Conseil d'Etat « Mesurer l'inflation normative », mai 2018 ; donnée actualisée en mars 2021 par le SGG dans son rapport annuel « Indicateurs de suivi de l'activité normative » : 331 000 articles législatifs et réglementaires en vigueur
(2) Données fondées sur les années 2018 et suivantes ; pour les décrets, sont comptabilisés les décrets d'application des lois
et les décrets réglementaires ; source : rapport 2021 « Indicateurs de suivi de l'activité normative » du SGG
(3) Donnée OCDE, étude 2010 : Mieux légiférer en Europe
(4) Entre 2017 et 2019, données issues des indicateurs de suivi de l'activité normative, SGG ; choix d'exclure l'année 2020 en raison de la crise Covid ; réduction en stock et en flux.

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Commentaires 2
à écrit le 03/02/2022 à 17:09
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Oh, du blabla de consultants qui ont profité des normes, et qui désormais pensent savoir mieux que l'état ce qui est bon pour lui !

à écrit le 03/02/2022 à 10:13
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Les normes ne sont apparues que quand on est sortie d'un monde naturel a une préfabrication de nos vies!

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