Enseigner l'économie, un enjeu de citoyenneté !

« La méconnaissance en économie est une menace pour la démocratie » a dit Michel Rocard. C'est pour cela que Pierre-Pascal Boulanger, professeur de Sciences économiques et sociales au Lycée Turgot, a voulu lancer à Paris le Printemps de l'économie, qui se tiendra du 20 au 23 mars avec pour thème « 20 défis pour la France », à un mois du premier tour de l'élection présidentielle.
Pierre-Pascal Boulanger, Fondateur du Printemps de l'Economie.

On connaît les vifs débats sur l'enseignement de l'économie à l'université et les polémiques sur les programmes de Sciences économiques et sociales au lycée. Pour faire court, le premier débat reflète une opposition entre économistes dits orthodoxes et hétérodoxes sur les questions du pluralisme, de l'interdisciplinarité, la place du réel dans un enseignement qui serait trop fondé sur la modélisation et la prééminence des mathématiques.

Le second débat, quant à lui, reflète une opposition entre les professeurs de SES, qui se défendent des critiques des milieux entrepreneuriaux, et leurs représentants. Pour ces derniers, les professeurs seraient trop « macro » et critique du marché, pas assez « micro » et culture d'entreprise. Michel Pébereau, invité des Économiques de Turgot, disait en 2012 que la seule science économique est la microéconomie.

Ces débats sont souvent intéressants, mais ne sont pas exempts d'un certain manichéisme à la française. En ce qui concerne l'enseignement de l'économie dans le secondaire, il est souvent faussé par les représentations mutuelles de deux mondes qui s'ignorent. On peut noter cependant quelques évolutions : de plus en plus de professeurs vont faire un stage en entreprise. Sans doute serait-il salutaire que des chefs d'entreprise aillent également faire un stage auprès d'une équipe d'un établissement scolaire. Quant au débat sur l'enseignement de l'économie à l'université, je renvoie aux nombreux écrits de personnalités reconnues.

Des clés de compréhension à chacun

Pour importants qu'ils soient, ces débats ne portent pas sur l'essentiel : ils illustrent la difficulté de trouver un consensus sur le contenu d'un enseignement, mais un enseignement qui a le mérite d'exister. Le débat primordial est autre : en cette période où plane la menace de l'abstention, en ces temps de montée des populismes, qui jouent sur la méconnaissance en économie et surfent sur la colère et l'exaspération qui, seules, agrègent un électorat hétérogène, il est urgent de donner à tout citoyen une culture économique qui lui permettrait de comprendre les grands enjeux d'un monde en mutation, et de nourrir ses choix lors d'échéances électorales majeures. Dans un monde où les politiques s'emparent de questions économiques souvent d'une grande technicité, oui, il est impératif de donner des clés de compréhension à chacun, même si en économie la vulgarisation est un art difficile. Certes, 64 % d'une génération quittent l'école avec, en poche, un symbole national : le baccalauréat, premier diplôme universitaire. Cela n'a pas empêché l'importante abstention des jeunes au premier tour des présidentielles de 2002 ou aux européennes de 2014.

Lors de ces dernières, 71 % des lycéens et des étudiants se sont abstenus contre 58 % pour l'ensemble des votants (sondage Opinion Way du 25 mai 2014). Cette forte abstention a ainsi contribué à stimuler les scores du Front National. Le parti d'extrême droite a surtout séduit, parmi les votants, 43 % des ouvriers, 37 % d'un niveau inférieur au Bac et

30 % des moins de 35 ans, soit bien plus que son score national (25 %). Car même si les élèves de seconde bénéficient d'une heure trente d'enseignement d'exploration en Sciences économiques et sociales ou en Principes fondamentaux de l'économie et de la gestion, il s'agit d'un enseignement optionnel et non obligatoire. Deux tiers d'entre eux s'orienteront en première et terminale S et L. Pourtant futurs citoyens et électeurs, ceux-là n'auront jamais eu un enseignement d'économie et de sciences sociales à même de décrypter les grands défis.

Au Printemps de l'économie, nous faisons notre part du travail : donner durant une semaine chaque année, à qui veut, des clés afin d'éclairer le débat public. À l'école désormais de le faire : donner à tout lycéen des armes en économie et en sciences sociales, afin d'être en pleine capacité de jouir de sa liberté. Selon une étude qui sortira très prochainement, 71 % des Français y sont favorables. Il s'agit même - quel que soit le sexe, l'âge, la CSP, la proximité partisane - d'une des trois mesures à prendre recueillant le plus l'adhésion des Français. Sauf qu'aucun candidat ne le propose. Nous, si !

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En savoir plus sur le Printemps de l'économie : www.printempsdeleco.fr

Il est impératif de donner des clés de compréhension à chacun

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Commentaires 2
à écrit le 20/03/2017 à 10:04
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Il est évident que la base que j'ai acquis me permet de mieux comprendre à quelle sauce nous autres citoyens sommes mangés par les possédants de ce monde. L'entourloupe devient bien plus visible, claire et nette. Par contre étudier les sciences é...

à écrit le 16/03/2017 à 19:19
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Il n'y a pas que l'école; il y a aussi la formation continue. L'économie doit englober la démographie, le capital humain et l'efficacité énergétique (la relation entre le cout du travail et le prix de l'énergie).Travail, capital, énergie.

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