Entreprises : dépasser le climat pour une stratégie de résilience globale

OPINION. Climatique, sanitaire, économique, énergétique... les crises se multiplient et somment les organisations de se transformer. Leur résilience passera par une stratégie à la croisée des enjeux. Par Béatrice De Courcy, directrice conseil vivant et écosystèmes, et Lucie Echaniz, directrice conseil santé environnement
Béatrice De Courcy et Lucie Echaniz
Béatrice De Courcy et Lucie Echaniz (Crédits : DR)

L'accord de la COP28 laisse entre espoirs et regrets. Plus que jamais, les entreprises doivent se mobiliser pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, et contribuer à limiter le réchauffement climatique et ses conséquences. Toutefois, déployer une stratégie climat sera insuffisant. Les trois présidents de COP (climat, biodiversité et désertification) l'ont rappelé, et c'est le principe même de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : il nous faut évaluer et gérer les enjeux à 360°.

Au début de l'hiver 2022, la crise énergétique a pris de court nombre d'acteurs. Les conséquences s'en ressentent toujours, si ce n'est plus encore aujourd'hui. Pour les entreprises, la résilience à ce type de crises est indispensable. Et les travaux scientifiques prouvent qu'elles seront nombreuses et diverses à venir, si l'on s'en tient au statu quo. Anticipons et prévenons ces ruptures, au lieu de les subir. Le GIEC le rappelle : le coût de l'inaction sera supérieur à celui de la prévention. Pour garantir leur performance économique et leur pérennité, les entreprises doivent amorcer une stratégie globale de résilience.

Relier les enjeux pour durer

De façon pragmatique, définir une stratégie climat, puis une stratégie RSE, et en parallèle peut-être une stratégie biodiversité ou plastique... c'est démultiplier les coûts, le temps alloué, les ressources humaines mobilisées, dans un contexte de reporting et de labellisation croissant. Procéder par petites touches, de façon silotée, c'est aussi perdre en impact. Transformer son entreprise est comparable à rénover un immeuble : seule une approche globale permet d'agir à la hauteur des enjeux.

C'est peine perdue de changer sa chaudière, si on ferme les yeux sur l'isolation du bâtiment. De même, envisager sa stratégie climat décorrélée de sa stratégie biodiversité peut faire passer à côté des solutions fondées sur la nature les plus pertinentes (puits de carbone naturels, matériaux biosourcés, etc.). Agir sans une vision d'ensemble peut aussi conduire sur de mauvaises pistes : opter pour le plastique recyclé sans réaliser une analyse du cycle de vie (ACV) peut amener à négliger des impacts sur la santé, la biodiversité, des effets rebonds en matière d'émissions de gaz à effet de serre, ou une impasse économique.

Au contraire, relier les problématiques permet d'accéder à de précieux co-bénéfices. Ainsi, au moment d'installer une chaudière biomasse, vérifier qu'on a maximisé les efforts de sobriété et d'efficacité énergétique permet de limiter les volumes de combustibles nécessaires. En adossant un plan d'approvisionnement local et durable, on assure sa résilience énergétique, tout en créant de l'emploi non délocalisable, redynamisant le territoire, et préservant la biodiversité.

La réglementation entraînera de toute façon tout le monde, que ce soit directement ou par ricochet. C'est le cas du Pacte vert européen (ou Green Deal), qui vise la neutralité carbone de l'UE en 2050 et, pour cela, fait dialoguer les sujets entre eux (énergie, carbone, biodiversité, santé, déchets...). L'enjeu de compétitivité est donc fort. La prise en compte des enjeux ESG rebat même progressivement les cartes de l'accès aux financements.

L'interdisciplinarité à tous les niveaux

Bien sûr, le changement systémique à opérer est complexe. Commençons par bâtir une feuille de route pour décider quoi faire et dans quel ordre. La CSRD, qui encadrera le reporting de durabilité des entreprises européennes à partir de 2024, est une opportunité pour se lancer. Avec l'analyse de double matérialité, elle pousse à faire un état des lieux et hiérarchiser les impacts environnementaux et sociaux : ceux de l'entreprise sur ce qui l'entoure, et ceux qui menacent la performance financière de l'entreprise. Ainsi, elle est un outil qui nous place dans la bonne direction.

Une fois les impacts connus et les combats choisis, les premiers leviers à activer sont ceux qui rendront cette vision globale concrète et performante dans le temps. Il s'agit par exemple de repenser son organisation : désiloter les fonctions, partager la responsabilité du pilotage, unifier la gouvernance pour réunir notamment le pilotage financier et extra-financier. Il est crucial d'impliquer ses parties prenantes, internes comme externes (chaîne de valeur, territoire, écosystème), pour prendre en compte l'impact aussi bien chez soi que chez les autres. On peut aussi réfléchir avec cette interdisciplinarité au quotidien : développer des grilles de critères multi-enjeux, que ce soit pour concevoir un nouveau produit ou service, ou pour faire des arbitrages financiers.

Il n'y a pas de solution miracle, chaque entreprise doit trouver son propre modèle, et l'humilité et l'amélioration continue seront de mises. Le choix qui se pose aujourd'hui est de prendre de l'avance ou se mettre volontairement en retard.

____

(*) Béatrice de Courcy est Directrice Conseil chez GreenFlex et intervient sur des missions de déploiement de la transition écologique. Elle a notamment travaillé au déploiement de filières économiques vertes dans les secteurs industriels, collectivités territoriales et agronomiques, mais aussi à des missions d'accompagnement d'entreprises et notamment de PME dans leur stratégie performance durable.

Lucie Echaniz est directrice conseil chez GreenFlex et intervient auprès des industriels et distributeurs de produits de consommation en les accompagnant sur la conception responsable de leurs produits (évaluations environnementales qualitatives et quantitatives, risques sanitaires) et également auprès d'autres acteurs publics et privés sur les enjeux de santé environnementale.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 26/01/2024 à 7:51
Signaler
"Le GIEC le rappelle : le coût de l'inaction sera supérieur à celui de la prévention" Le GIEC en ce moment dit que toutes ses prévisions sont dépassées et qu'il ne sait pas ce que ça va donner. Bref l'urgence écologique n'en est plus à la nécessité d...

à écrit le 25/01/2024 à 14:57
Signaler
Visiblement, ils se sentent heureux quand ils se confectionnent un cocon à coups de réformes, qui ne leur demandent aucun effort d'adaptation ! ;-)

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.