Et si la solution était la dette perpétuelle à taux zéro ?

L'idée de l'helicopter money a fait long feu. Et pourquoi ne pas réfléchir à celle d'une dette perpétuelle à taux zéro, portée par les banques centrales? Et par François Leclerc @fdleclerc

Les iconoclastes sont portés par le vent. L'époque est à ces tours de passe-passe auxquels on finit par se résoudre après avoir tout essayé sans succès. Nous avions déjà en magasin l'Helicopter Money, qui tourne dans les têtes sans avoir décollé, une autre proposition hors normes est désormais mise sur le tapis par Adair Turner, à qui est déjà dû la mise en cause des produits financiers dépourvus d'utilité sociale qui avait fait jaser.

 L'ancien régulateur financier britannique préconise une méthode qui permettrait de rendre indolore le surendettement d'un État. Il suffirait que la banque centrale échange les titres de dette souveraine de cet État qu'elle possède contre de nouveaux titres perpétuels sans intérêt émis par ce même État. Afin d'accroître le stock en sa possession de cette nouvelle dette, elle pourrait également acheter sur le marché des titres de celle-ci et procéder ensuite au même échange avec l'État qui les a originellement émises.

Le cas du Japon

Le cas du Japon, dont l'endettement abyssal continue d'être creusé, vient à la rescousse d'Adair Turner qui le prend comme exemple. Bien que dérangeante car hors normes, sa proposition ne manque pas de simplicité, car les banques centrales pourraient vivre avec ces titres à leur bilan sans avoir à constater de pertes. Après tout, elles supportent très bien l'accroissement de la taille de leurs bilans résultant de leur politique monétaire. Mais cette formule magique a un gros défaut : elle ne révise pas le mécanisme de l'endettement, par conséquent appelé à reprendre, et elle élude la mise à plat salutaire du système financier qu'une vaste restructuration imposerait.

 Pourtant, cette dernière opération se signale par petites touches à notre attention. La réglementation bancaire européenne veut par exemple prendre en compte le risque de la dette des pays développés. Le système financier faisait déjà face à la raréfaction de ses points d'appui et cela ne va rien arranger, contribuant ainsi à une perturbation souterraine du fonctionnement du système financier dont les effets sont difficiles à évaluer. On sait par contre que la restructuration de la dette grecque atteindrait les gouvernements européens, car les banques centrales nationales en sont les principales détentrices, et l'on a enregistré que le rendement des banques allait souffrir de la prise en compte du risque des titres souverains. Mais cela ne s'arrête pas là. Les compagnies d'assurance, qui subissent déjà le contrecoup des taux négatifs, ne sortiront pas indemnes de l'aventure.

 Conséquences en chaîne

De même que pour l'instauration des taux négatifs par les banques centrales, des restructurations de dette de grande ampleur auraient des conséquences en chaîne. C'est tout l'enjeu de cette crise, qui implique de prendre des décisions en aveugle - ce qui fait préférer de les différer - et qui permet notamment de comprendre les hésitations sans fin de la Fed à relever son taux principal. Telle est la rançon de la gloire d'un système financier dont l'opacité tient finalement autant à sa complexité intrinsèque qu'au secret dont il fait son miel. On en a eu la démonstration lorsque les banques centrales ont injecté sans compter des liquidités dans le système financier, au début de la crise, comme si elles voulaient éteindre un feu qui couvait sans savoir où le situer. Et depuis cela n'a jamais cessé.

 Avec la crise financière, nous sommes entrés dans l'inconnu et nous n'en sortirons pas tant que nous ne changerons pas radicalement notre conception du monde, car il ne repartira pas comme avant. Impensable il y a peu encore, le débat sur le revenu universel qui se développe exprime cette exigence. Les tours de passe-passe qui se multiplient aussi, en dépit de leurs limitations. Comment s'en sortir va encore demander quelques efforts d'imagination... qui ne feront pas l'économie de remises en question.

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Commentaires 4
à écrit le 23/06/2016 à 7:45
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Ce serait quand même plus simple de répartir les charges sociales sur le travail et sur l'énergie, mais les économistes ignorent le role de l'énergie et ne raisonnent qu'avec le capital. Ils en sont encore au temps de Karl Marx. Evoluez!

à écrit le 22/06/2016 à 14:42
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Un homme sage qui % raison , mais pourquoi faire simple quand on peut faire ........!

à écrit le 22/06/2016 à 13:24
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En gros on revient à la situation pré-1973 où les banques centrales prêtent aux états sans que les banques ne puissent se gaver sur l'état. très bien, je signe.

le 22/06/2016 à 17:11
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Très bonne synthèse .

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