Et si les exigences ESG rimaient avec profitabilité  ?

OPINION. L'environnement réglementaire des dernières années concernant les critères ESG (Environnemental, Sociétal et Gouvernance) induit une pression toujours plus importante sur les entreprises pour qu'elles mettent en place des pratiques commerciales plus éthiques et durables, ce qui est parfois perçu comme une contrainte au regard des enjeux de développement de leur activité. Par Caroline Leblanc et Louis-David Magnien, managing directors de Kroll.
(Crédits : DR)

En effet, outre la difficulté de traduire ces exigences en termes opérationnels, les entreprises peuvent légitimement se demander quel est l'impact des exigences ESG sur leur profitabilité. Et ce, tout particulièrement dans un contexte de pression accrue de la part des régulateurs.

Un environnement réglementaire en pleine effervescence

Les obligations pour les entreprises en matière d'ESG se multiplient et se généralisent avec, ces dernières années, l'arrivée de plusieurs lois en Europe, notamment « l'Anti-slavery Act » au Royaume-Uni en 2016, la loi sur le Devoir de Vigilance en France en 2017, la « Child Labour Due Diligence Law » aux Pays-Bas en 2017 et le « Supply Chain Due Diligence Act » en Allemagne en juin 2021.

Plus discrète, une résolution du Parlement européen (1) a été adoptée le 10 mars 2021 sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises. Cette institution estime que l'Union devrait adopter de toute urgence des exigences contraignantes imposant aux entreprises d'identifier et de prévenir les effets préjudiciables pour les droits de l'homme, l'environnement et la bonne gouvernance, tout au long de leur chaîne de valeur. Ces exigences contraignantes devraient s'appliquer à l'ensemble des entreprises actives sur le marché intérieur (dans ou hors de l'UE), témoignant de l'affermissement des normes obligeant les acteurs économiques en matière d'ESG, auxquelles les dirigeants ne savent pas toujours quelle réponse opposer.

Mettre en place une approche par les risques pour les due diligences ESG

L'ESG comprend trois grands axes pouvant être eux-mêmes être abordés sous une multitude d'angles : la tâche d'évaluation des tiers selon les critères ESG peut ainsi apparaître difficile à surmonter en raison de la diversité des points devant être évalués.

Pour sa part, l'Union européenne plaide pour la mise en place de procédures proportionnées qui prennent en compte le secteur d'activité, la taille de l'entreprise, la gravité et la probabilité des risques liés au respect des critères ESG inhérents à ses activités, ainsi que le contexte de ses activités, y compris géographique, son modèle économique, sa position dans la chaîne de valeur et la nature de ses produits et services. L'UE propose donc une approche par les risques spécifiques de l'entreprise, devant également se traduire par une évaluation ESG des tiers avec lesquels l'entreprise fait affaires. En résumé, l'UE plaide pour une approche pragmatique et non exhaustive ; la nature et l'étendue des due diligences pouvant aussi évoluer dans le temps. Cette approche par les risques permet aussi d'optimiser les coûts relatifs à ces diligences.

Dans le cadre de cette approche, une due diligence ESG ne consisterait donc pas à évaluer tous les critères possibles mais bien à effectuer une sélection des plus pertinents pour les trois pans de l'ESG. Traduit en termes environnementaux, un fournisseur de services sur le cloud sera certainement préoccupé par la consommation énergétique de ses datacenters, alors qu'une chaîne de distribution de vêtements sera potentiellement plus préoccupée par la consommation énergétique des moyens de distribution vers ses points de vente. En revanche, le fournisseur de services sur le cloud qui s'approvisionne en serveurs voudra évaluer ses fournisseurs sur les rejets des déchets toxiques lors des processus de fabrication, tandis que la chaîne de distribution de vêtements sera plus préoccupée par le travail des enfants et les conditions de travail chez ses fournisseurs.

Quel est l'impact des exigences ESG sur la profitabilité des entreprises ?

Selon une méta-analyse de plus de 1000 études scientifiques entre 2015 et 2020 sur la performance financière des entreprises ayant une démarche ESG par le « Center for Sustainable Business » de l'université NYU Stern en association avec Rockefeller Asset Management, plusieurs bénéfices résultent de l'investissement ESG, et donc a fortiori des mesures mises en place par les entreprises en termes due diligences ESG permettant, parallèlement, de s'associer à des partenaires vertueux. Entre autres, l'étude évoque la réduction des risques humains, des menaces environnementales, des dommages réputationnels et de l'impact financier en découlant. De même, elle souligne la préservation vis-à-vis des baisses d'activité, en particulier en période de crise sociale ou économique, ainsi qu'une amélioration du rendement financier en raison d'une corrélation entre une meilleure gestion des risques et une plus grande innovation.

Attention toutefois au « greenwashing » : la divulgation des facteurs ESG sans stratégie connexe ne stimule pas la performance financière. En revanche, il semblerait que le respect rigoureux des exigences ESG permettent de cumuler le double avantage d'un plus grand respect des droits de l'homme et de l'environnement, mais aussi d'une activité moins risquée voire plus profitable financièrement. De quoi peut-être encourager les entreprises à se mettre en conformité ?

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(1) Résolution du Parlement européen du 10 mars 2021 contenant des recommandations à la Commission sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises

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