Financer les infrastructures de transport : un vrai enjeu pour penser et construire une mobilité durable, pérenne et solidaire

OPINION. Alors que les transports comptent pour près d'un tiers des émissions de gaz à effet de serre en Europe, la décarbonation des mobilités est sans conteste l'un des plus grands enjeux de la décennie. Mais ce  n'est pas le seul défi que devra relever le secteur des transports. Celui-ci doit aussi s'adapter à  l'évolution de nos modes de vie et de nos comportements. Par Christophe Béchu, Président de l'AFIT France et Gilles Roussel, Président de l'Université Gustave Eiffel.
Christophe Béchu et Gilles Roussel.
Christophe Béchu et Gilles Roussel. (Crédits : DR)

Hausse du télétravail, démultiplication des lieux professionnels, recours croissant au commerce en ligne... ces nouvelles pratiques quotidiennes reconfigurent également nos pratiques de déplacements. Celles-ci se diversifient avec l'essor des mobilités actives comme la marche à pied, certaines, avec une offre de services, associées telles que les vélos et les trottinettes électriques ; même si l'usage de la voiture individuelle reste largement majoritaire. Toutefois, la prise de conscience des enjeux environnementaux, qui s'est accentuée avec la crise sanitaire, rappelle la nécessité de soutenir le développement de pratiques non exclusivement dépendantes de la voiture individuelle, en répondant de façon fine aux besoins de tous, y compris des plus vulnérables.

Une vraie révolution

Urgence climatique, nouveaux services de mobilité, évolution des comportements et des modes de vie... c'est donc bel et bien une vraie révolution de notre système de transport qui s'engage. Nous n'en sommes qu'aux prémices, mais ces défis et tendances appellent une réflexion, préalable à une évolution, des infrastructures de transport nécessaires. Comment optimiser l'utilisation des voies fluviales ou ferroviaires pour le transport de marchandises ? Comment assurer une meilleure desserte du territoire non exclusivement routière ? Comment construire des routes plus durables, peu émissives et économes en ressources naturelles ? Quels aménagements associés pour soutenir les nouvelles pratiques ou les évolutions des parcs de véhicules (aires de co-voiturage, stations de recharge pour les véhicules électriques ou roulants à l'hydrogène, pistes cyclables...) ? Les transformations à mener sont d'une ampleur considérable. Et chaque territoire et chaque usager a ses propres besoins. Zone urbaine, zone périurbaine, usagers réguliers ou occasionnels... cette diversité appelle des réponses toujours plus adaptées.

Dès lors, comment accompagner au mieux cette transformation de nos systèmes de transport ? Le champ traditionnel que recouvre le mot « infrastructures de transport » prend, ainsi, des dimensions nouvelles : infrastructures de recharge, d'énergie, de communication... Comment éclairer et financer alors ces besoins exponentiels en infrastructures avec des sources de financement qui, elles, ne sont pas démultipliées ? Nous sommes très certainement face à un défi majeur. Aujourd'hui, nous avons la responsabilité de prendre des décisions dont les effets se jugeront seulement dans 10 ou 20 ans. Si la France a su développer un modèle de financement original qui permet, principalement à partir des recettes de la route, de financer tous les modes de transport (à l'exception de l'aérien autosuffisant), elle doit trouver les orientations stratégiques justes et les ressources adéquates pour accélérer les transformations indispensables de nos systèmes de transport. L'écotaxe poids lourds et la taxe carbone ont révélé les limites de l'acceptabilité par l'usager de charges nouvelles. Et la pandémie a retardé la mise en œuvre de la redevance sur le transport aérien. Ces exemples rappellent à quel point il convient de peser l'acceptabilité sociale des solutions de financement envisagées.

Comment construire une mobilité durable ?

Les besoins en infrastructures et leur priorisation ne doivent par ailleurs pas occulter que les nouveaux défis ou tendances appellent également une réflexion plus large intégrant les autres dimensions du système de transport (véhicules et services notamment), et suffisamment fine pour différencier les réponses en fonction des territoires et des usages. La discussion mérite donc de mettre autour de la table l'ensemble des parties prenantes. Ensemble, à l'échelle de l'Europe, décideurs politiques et institutionnels, scientifiques, industriels et usagers, nous devons trouver des réponses pertinentes, durables et acceptables à la question des transports, de leurs infrastructures, et du financement de ces dernières. Partageons tout particulièrement nos expertises, notre connaissance et expérience, mais aussi nos points de vue pour poser les bases de choix d'investissement, mais aussi de modèles de financement à la hauteur des défis.

C'est dans cet esprit que nous organisons le colloque européen « Décarbonation des mobilités : l'avenir des financements des infrastructures de transport » le 22 février. Porté par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France) et l'Université Gustave Eiffel, ce colloque européen réunit pour la première fois nos homologues - agences de financements et scientifiques - ainsi que des décideurs politiques et institutionnels européens. C'est une démarche pionnière qui permettra aux décideurs politiques et institutionnels d'échanger autour d'éclairages académiques de pointe. Ce croisement des regards est aujourd'hui encore plus indispensable que jamais pour relever le défi de la transition énergétique. Il nous aidera à hiérarchiser les projets d'infrastructure, à faire des choix d'investissement cohérents et à trouver les modèles de financement les plus adaptés.

Nous avons beaucoup à apprendre des pratiques de chaque pays relatives au financement des infrastructures de transport. Cette rencontre européenne peut nous offrir l'opportunité de produire des connaissances nouvelles, en privilégiant les synergies et la transversalité, pour faire évoluer les infrastructures et leur mode de financement dans un contexte d'urgence lié à la transition énergétique. Une étape clé dans la construction d'une mobilité durable.

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Commentaires 4
à écrit le 11/02/2022 à 18:24
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mobilité durable, pérenne et solidaire ; la décarbonation des mobilités Bel échantillon de novlangue technocratique, aussi prétentieuse qu'inepte, sur fond de religion pseudo écologique et de création artificielle de nouveux marchés. L'Occide...

à écrit le 11/02/2022 à 17:32
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mdr comment faire du business en surfant sur une mode ... y a quel modèle de bus dans leurs garages ??

à écrit le 10/02/2022 à 8:40
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Tout comme il ne faut pas se cantonner aux GES pour montrer l'effondrement écologique, il ne faudrait pas non plus exposer les GES comme seule critique du transport essentiellement routier qui avec ses camions de 44 tonnes explosent nos infrastructur...

à écrit le 10/02/2022 à 8:26
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AFIT une des multiples agences qui fait doublons dans la technostructure française elle a permis de casser un ralliié à sa tête avec une indemnité sûrement interessante

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