Gestion de crise : ce que l’Allemagne peut nous apprendre de sa lutte contre le COVID-19

OPINION. 5.000 décès Outre-Rhin dus au Covid 19, plus de 20.000 en France, une situation qui, immédiatement, amène les observateurs à s’interroger sur les raisons d’un « miracle » allemand. Une réalité qu’il convient de nuancer toutefois. Par Pascal Beau, fondateur du magazine Espace social européen
(Crédits : DR)

Le paradoxe de morbidité entre la France et l'Allemagne pose questions. Une situation qui se prolonge aussi avec les cas du Portugal, de la Bulgarie par exemple. En réalité, l'asymétrie des situations épidémiologiques dues au COVID-19 en Europe bouscule quelques idées établies.

Retour à la particularité allemande. Avec 12% du PIB, nous dépensons autant. 8 lits hospitaliers pour 100.000 habitants Outre-Rhin dont 25.000 dédiés pour la seule réanimation mais 6 lits pour la France dont à peine plus de 5.000 pour la « réa » comme le disent les acteurs hospitaliers, on pourrait penser que les données Outre-Rhin puisent leurs sources dans une meilleure capacité physique de son système de soins.

Mais notre partenaire compte moins d'établissements d'hospitalisation.

S'agissant des lits, le chiffre qui importe est celui des courts séjours dits MCO. Là, nous faisons à peu près jeu égal rapporté à la population. Certes la réanimation est mieux dotée coté Berlin. Mais à Paris, il faut adjoindre les lits du privé, soit un total national de plus de 8.000 lits. On ajoutera l'extraordinaire mobilisation des équipes françaises réussissant en 48 heures à réadapter des lits courants en lits de réanimation. On aurait mauvaise grâce à penser que des milliers de patients gravement contaminés n'ont pu bénéficier d'une prise en charge dans un service hospitalier français.

Quelles explications alors pour une telle différence de létalité ?

Plusieurs données méritent d'être évoquées.

En premier lieu, peut-être le plus essentiel, le COVID-19 a touché différemment nos deux pays. France et Allemagne eurent certes chacun trois principaux « clusters » de contamination, Grand-Est, Ile de France et Rhône-Alpes chez nous, Bade-Wurtemberg, Bavière et Rhénanie du Nord-Westphalie pour eux. Une circulation clairement plus rapide et virulente en France, moindre en Allemagne.

L'âge moyen des patients contaminés y fut inférieur aussi. Cela a pesé. Les acteurs de santé allemand ont pu amortir le choc en faisant jouer, très tôt leurs capacités anticipatrices et organisationnelles. Via une politique de dépistage massive et un confinement sélectif très actif et accepté.

Le second atout allemand tient à une médecine plus organisée, plus intégrée tant en ambulatoire qu'au sein d'un tissu hospitalier, plus réduit en nombre mais plus dense en technologie de crise prenant appui sur un modèle industriel disposant en amont d'une quasi-filière de santé conciliant industrie d'équipements, management médico-économique de terrain et taille critique des établissements pour une médecine de guerre.

La France paie cher son oubli d'une industrie de santé et le Yalta sanitaire qui perdure depuis 50 ans entre les deux pans des soins que sont l'hôpital d'un côté et les soins de ville de l'autre.

Il n'y a pas de miracle COVID-19 allemand. D'autant que les données publiées méritent investigation quant à la prise en compte des décès en Ehpad.

Au final, la médecine allemande n'est pas supérieure à sa collègue française. Il y a, par contre, un esprit commun partagé, faisant de l'évidence publique et sanitaire, l'alpha et l'oméga de solutions pragmatiques.

Etat français Léviathan

Enfin, il faut évoquer la question de la culture administrative qui gangrène tout notre système. L'auteur de ces lignes a visité la plupart des systèmes de santé du monde. Aucun n'est aussi centralisé que celui de la France. Un contresens absolu en temps normal et de crise évidemment. Cette pathologie nationale qu'est la gestion tutélaire, administrative de la santé comme du reste par un "Etat Léviathan". Laquelle entrave la réactivité et l'imagination des acteurs de terrain.

On le voit avec la mobilisation des soignants mais aussi des élus et gestionnaires locaux insupportant les lourdeurs parisiennes et de ses démembrements régionaux que sont parfois les ARS. Si les principes d'une politique de santé publique sont naturellement nationaux, l'application ne peut être que pragmatique donc locale. Ultime leçon de notre partenaire allemand, la décentralisation des responsabilités. Nos régions ne sont pas des Länders avec à leur tête des leaders reconnus et responsables. Là encore, la pacification idéologique et médicale, acceptée en Allemagne, permet l'efficacité. Elle se fait toujours attendre chez nous.

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Commentaires 9
à écrit le 23/04/2020 à 11:35
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Bref circulez, il n'y a rien à voir. Ce serait risible, s'il n'y avait pas 5 fois plus de morts à la clé. Au pied du mur, le système de santé allemand se révèle beaucoup plus performant que le système français. En 2000 l'OMS classé le système de sant...

le 24/04/2020 à 9:54
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Le privé avantagé ? Développer car c’est totalement faux: des médecins et des infirmièr.e.s libéraux partis les moins rémunérés d’Europe , dépourvus de masques par incompétence administrative. Mise en place d’un plan blanc qui a bloqué l’activité chi...

à écrit le 23/04/2020 à 11:09
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Comment osez vous. Si les chiffres sont plus mauvais en France qu'en allemagne c'est la nature qui est contre nous. Les allemands nayant pas comme nous été bénis par la présence du dieu Macron et ses génies il ne peuvent naturellement que moins b...

à écrit le 23/04/2020 à 10:19
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Titou... c'est pour ça que le gouvernement veut ouvrir les écoles le 12 mai.... réensemensage....

à écrit le 23/04/2020 à 10:19
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Il n'y a pas que pour la santé que le centralisme démocratique Français à la sauce bolchevique (lourdeur, pesanteur retards etc...) nuit aussi bien à la santé qu'à l'économie et à l'éducation. Nious avons, comme d'habitude des velléités de décentrali...

à écrit le 23/04/2020 à 9:46
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Attendez la fin de cette crise avant de tirer des conclusions. Depuis quelques jours, le nombre de cas de contamination confirmés ainsi que le nombre de décès sont en hausse selon les données publiées jeudi par l'Institut Robert Koch (RKI) pour les m...

à écrit le 23/04/2020 à 9:28
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Cela ajoute aussi une suspicion supplémentaire sur l'origine de ce virus, l'agro-industrie et ses dérivés chimiques profitent au maximum de ce virus, BAYER multinationale allemande massivement soutenue par le pouvoir allemand, héritage de l'industrie...

à écrit le 23/04/2020 à 9:09
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en France on sait tout mieux que les autres.... et dans tous les domaines....la preuve....

le 23/04/2020 à 14:04
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Exact, et en Allemagne, ils sont les meilleurs du monde. Surtout dans la communication. Leurs diesels ? ils ne polluent pas, voici les chiffres. Idem pour les centrales à charbon réouvertent en catastrophe après Fukushima, pas de pollution supplém...

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