Guerre dans le Donbass : un sénateur français au plus près de la ligne de front

TÉMOIGNAGE. Philippe Folliot (*), sénateur du Tarn, s'est rendu au début du mois de février à quelques kilomètres de la ligne de front, près de Donetsk, au cœur du Donbass, épicentre du conflit russo-ukrainien, où il a rencontré les combattants ukrainiens. Il appelle les Français à continuer à soutenir l'Ukraine.
Philippe Folliot, avec des combattants ukrainiens.
Philippe Folliot, avec des combattants ukrainiens. (Crédits : DR)

En tant que président de l'Alliance Centriste et président du groupe des Libéraux et Démocrates de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, il m'était inconcevable, face à l'agression sauvage de la Russie en Ukraine, de ne pas agir fortement. De ma propre initiative, j'ai donc décidé, début février, d'entreprendre un déplacement dans ce pays ravagé, acceptant de me rendre au plus près des combats, en signe symbolique d'amitié et de soutien.

Par l'entremise de mon collègue et ami, Yehor Cherniev, député ukrainien et chef de la délégation-associée de son pays à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, nous avons eu le privilège d'être les hôtes d'un soir de valeureux combattants, dans une sommaire datcha à proximité de Koulakhove, à quelques kilomètres de Donestk et de la ligne de front.

Dans un décor crasseux et misérable, orné simplement de dessins d'enfants, ils nous ont aimablement reçus à leur table, pour un repas frugal et une discussion à bâtons rompus.

L'un d'entre eux fêtait son anniversaire, 38 ans. Il était gai et volubile, mais ses traits fatigués lui en donnaient dix de plus. Il nous a parlé de la nostalgie de sa famille, qu'il n'a pas vue depuis trop longtemps. C'est pour elle qu'il se bat, pas spécialement pour la liberté, la démocratie et ses valeurs, mais pour « les femmes et les enfants qui sont derrière ». Cette guerre, ils ne savent pas encore s'ils vont la gagner vite mais tous sont certains de ne pas pouvoir la perdre.

Ancien de la guerre de 2014

Un peu en retrait, occupé à préparer le repas, se trouve « Magnit », de son nom de guerre. C'est un ancien de la guerre de 2014, qu'il a menée aux côtés de Yehor Cherniev. C'est le membre le plus âgé du groupe. Sans être chef, c'est un meneur.

Auparavant, il était artiste sculpteur près de Kiev. Ses œuvres, symboles de paix, étaient en partie réalisées à partir de vestiges de la Seconde Guerre mondiale récupérés à l'aide d'un détecteur de métaux, d'où son nom de guerre.

Membre de cette minorité russophone que Poutine disait vouloir « libérer du joug nazi », il ne s'est jamais reconnu dans cette identité russe plaquée sur lui et s'est engagé dans la lutte dès les premiers instants.

Il est l'un des derniers survivants de sa section, particulièrement exposée en première ligne. Elle comptait 30 membres en mai 2022, ils ne sont plus que 8 aujourd'hui. Quelques-uns sont morts au combat, d'autres blessés ou prisonniers.

De Magnit, nous avons appris par ses camarades qu'il avait fait preuve d'un courage extraordinaire : lors d'une offensive, il aurait neutralisé à lui seul deux blindés russes avec son lance-roquettes, et survécu à une confrontation à bout portant avec un Russe.

Leur seul projet, survivre

Aujourd'hui, leur seul projet, c'est de survivre, de « tenir dans l'enfer des tranchées ». Et la situation souffre largement la comparaison avec la Première Guerre mondiale : le froid, la puanteur, la boue qui s'infiltre partout, les rats qui grouillent et dévorent tout, le bruit, la terreur de cette pluie d'obus qui s'abat, la fureur des assauts. Voilà le quotidien de ces hommes pendant dix jours continus, avant d'aller se reposer une courte semaine dans ces datchas disséminées à quelques lieues du front, pour essayer de panser les plaies et soutenir les souffrances autant morales que physiques.

Autant que pour des raisons stratégiques, que géopolitiques et idéologique, nous avons le devoir moral d'aider, de soutenir nos amis ukrainiens, car ils sont victimes, à l'image de Magnit et de ses amis. Ils n'ont pas demandé à être là, ils sont, et avec eux tout leur pays, soumis à une abominable invasion, contraire à tous les principes du droit international de la part de la Russie de Poutine.

Après la première agression de 2014, nous n'avons pas voulu voir la réalité des choses et traiter comme il se doit ce coup de couteau à l'intégrité et à l'indépendance d'un pays internationalement reconnu. Nous avons laissé la folie du Kremlin prospérer et maintenant nous en payons le prix, économiquement pour nous, humainement pour eux.

Face à l'envahisseur nazi, en juin 1940, le général De Gaulle s'est levé pour défendre notre pays, notre liberté, nos valeurs et, avec l'appui de nos alliés américains et anglais de l'époque, il a pu relever ce défi pour la victoire finale et redonner le sens de l'honneur et de la grandeur à la France.

L'occasion nous est donnée d'assumer nos responsabilités, en tant que nation, par toute l'aide et le soutien que nous pourrons leur apporter. Cela passera par la fourniture continue d'armes et de munitions, mais également par un renforcement de l'aide humanitaire et de l'accueil de réfugiés...

Les canons Caesar livrés par la France à l'œuvre

Nous avons rencontré par ailleurs des hommes et le colonel en chef de la 72e brigade d'artillerie, l'une des formations qui utilisent les canons Caesar livrés par la France. J'ai pu en voir un à l'œuvre dès le lendemain, l'objet de ma visite étant aussi de me rendre compte de quelle armes les Ukrainiens ont réellement besoin et leurs difficultés de maintien en conditions opérationnelles ainsi que le manque de munitions.

Comme eux, cette guerre, l'Europe ne peut pas la perdre. Il en va de notre modèle sociétal tout entier. Si, pour cela, il nous faut nous impliquer plus avant économiquement, nous devons le faire, et le faire dès maintenant, car demain, il sera trop tard. Les aider et de les soutenir par tous les moyens, c'est notre devoir moral et ce sera notre honneur.

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(*) Philippe Folliot est membre de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées, président de l'Alliance centriste, membre de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, et président du groupe de l'Alliance des Libéraux et des Démocrates.

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Commentaire 1
à écrit le 03/03/2023 à 9:21
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"au plus près de la ligne de front" : ? les canons Caesar tirent à 40 km. C'est tout leur charme, d'ailleurs.

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