Illettrisme financier et entreprenariat, les deux font (trop souvent) la paire

OPINION. Ces dernières années, en France, l'entreprenariat a connu une double évolution à la fois quantitative et qualitative. Nous sommes non seulement de plus en plus nombreux à nous lancer, mais le faisons aussi d'une manière très différente de celle des générations précédentes. (*) Par Olivier Binet, Directeur Général de Finom
(Crédits : DR)

En 2020, près de 850.000 entreprises ont été créées en France, soit presque 35.000 de plus qu'en 2019, et les microentreprises continuent d'avoir le vent en poupe. L'évolution n'est pas seulement quantitative, mais aussi qualitative. On se lance sans forcément avoir validé une formation comptable ou marketing, mais généralement en étant sûr de ses capacités dans son cœur de métier - le reste étant souvent perçu comme secondaire.  On est entrepreneur et étudiant, salarié ou passionné, à mi-temps ou à temps plein, mais par-dessus tout, on est entrepreneur sans avoir un bagage ou une formation pour cela. Face à l'URSSAF, trop d'autoentrepreneurs se forment eux-mêmes.

Les microentreprises sont pourtant très dépendantes des compétences et des connaissances de leurs propriétaires. Contrairement aux grandes entreprises, où les fondateurs peuvent faire appel à des experts dans plusieurs disciplines, l'opérateur de TPE se doit d'être polyvalent et de connaître un peu de tout, notamment en matière de finances. Or, c'est là que le bât blesse... 40 % des propriétaires de petites entreprises déclarent être illettrés sur le plan financier alors que 81% d'entre eux gèrent eux-mêmes les finances de leur entreprise. De ce fait, les autoentrepreneurs redoutent trop souvent l'URSSAF.

L'entrepreneur de demain se retrouve donc pris dans un double mouvement contradictoire. D'une main entreprendre est devenu naturel, ou du moins une seconde nature chez beaucoup de personnes, mais d'une autre, l'illettrisme financier freine et limite l'épanouissement et la réussite de ce phénomène. Il est donc urgent de pallier ce manque. Si la révolution digitale n'est en soi pas une nouveauté, ses retombées peuvent elles s'étendre jusqu'à la résolution de ce fléau.

Le digital n'est pas une fin en soi

Conséquence directe de cet illettrisme, alors que tous deviennent entrepreneurs, la réussite dans ce secteur est devenue le monopole d'une petite élite diplômée d'HEC ou d'ailleurs, bien renseignée et connectée, et qui donne l'illusion que l'entreprenariat et la réussite sont accessibles à tous. En l'état des choses rien n'est moins vrai. Conséquence directe de l'illettrisme financier, Bourdieu et ses théories sur le capital social et les inégalités font leur retour ou leur entrée dans l'entreprenariat (comme quoi tout le monde s'y met...).

Mis à part le capital social, ceux qui réussissent n'ont pas accès à des outils mystérieux ou cachés du grand public. Et comme dans un monde où tous entreprennent, les levées de fonds et réseaux ne sont pas toujours indispensables - je pense aux étudiants ou employés qui cherchent un revenu complémentaire - la réelle inégalité se fait sur l'illettrisme financier, qui dans ce cas se manifeste par une méconnaissance des outils. En effet, si nombre d'outils ont été digitalisés leur emploi reste encore parfois compliqué. Prenons par exemple la comptabilité.

En matière de comptabilité, les entrepreneurs ne savent pas toujours que demander, quelles questions poser, et se perdent facilement. De leur côté, leurs comptables leur remettent ce qui leur semble important dans un format que leur regard professionnellement expert comprend d'un coup d'œil, ignorant généralement les besoins réels de leurs clients et leur devoir pédagogique. La digitalisation n'est donc pas une fin en soi, encore faut-il pouvoir offrir un conseil de qualité qui accompagne l'usage de ces outils par l'entrepreneur. On touche là à un point clé du combat contre l'illettrisme financier. Si la plupart des outils en lien avec l'entreprenariat ont été digitalisés, le conseil lui ne l'a pas été et est resté le privilège d'un petit nombre.

Il faut revenir à un conseil de qualité, celui que nos parents et grands-parents ont connu. Un conseil qui nous encourage à vérifier la solvabilité d'un client qui représente la moitié de notre chiffre d'affaires, par exemple. La digitalisation n'est pas une fin en soi, encore faut-il digitaliser les bons services, sans pour autant qu'ils perdent de leur valeur ajoutée.

Le digital rendrait notre futur entrepreneurial

La digitalisation pour combattre l'illettrisme financier c'est la technologie de demain qui règle les problèmes d'hier : Retour vers le futur. Il s'agit non seulement de combattre un problème qui ne date pas d'hier, mais aussi, de revenir aux sources de ce qu'est un conseil financier - un bon conseil, de bon sens.

Combien d'entrepreneurs ont déjà connu ce sentiment de confusion, quand les différents charges et impôts ont fait passer leur situation de confortable à précaire ? En payant des impôts sur l'année n-1, un entrepreneur doit donc constamment garder une trésorerie conséquente et gare à celui qui enchaînerait une bonne sur une mauvaise année sans provisionner de trésorerie.

La digitalisation du conseil en plus de celle des outils, permettrait donc, tout en opérant un changement sur la forme, de revenir et d'améliorer le fond en permettant aux entrepreneurs d'enfin disposer d'un conseil de qualité.

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