Industrie du bâtiment  : la révolution écologique en ordre de marche

OPINION. Comment activer ce levier privilégié qu'est le secteur du bâtiment, pour faire face à la crise climatique ? Par Loïs Moulas, directeur général de l'observatoire de l'immobilier durable.
(Crédits : DR)

C'est la question à laquelle doit répondre le premier forum mondial pour le bâtiment et le climat qui se tiendra du 7 au 8 mars, au Palais des Congrès de Paris. Ce cadre devrait permettre de déployer une approche holistique de la transition, en rassemblant les acteurs de tous horizons et de l'ensemble de la chaine de valeur : du financement à l'exploitation, en passant par le développement et la promotion.

Au début de l'année 2023, la synthèse du 6e rapport du GIEC posait un constat fort pour le secteur du bâtiment : celui-ci présentait l'une des plus importantes marges de réductions des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'échelle mondiale. Rien de surprenant pour qui connait le poids de l'immobilier dans le spectre global des problématiques d'atténuation ; à l'échelle de l'Union européenne (UE) il représenterait 40% des émissions de GES et 36% de la consommation d'énergie primaire. Cependant cette marge de progression est l'illustration de l'immense responsabilité qui pèse sur le secteur, dépassant les seuls enjeux d'atténuation du changement climatique et s'appliquant à l'ensemble des problématiques de durabilité.

Investissement massif dans transition écologique

Les premiers leviers à activer se trouvent sans aucun doute en amont de la chaine de valeur. Dans son rapport annuel « Road to Net Zero », l'Institut Rousseau estime à 1.520 milliards d'euros par an d'ici 2050, l'effort d'investissement qui permettrait une transition écologique convenable, à l'échelle de l'Union européenne. Cela nécessiterait un effort supplémentaire plus que conséquent : le montant annuel des investissements tournés vers la transition se chiffre, selon l'Institut, à 1 160 milliards par an d'ici 2050, dans le scénario tendanciel. Afin de combler cet écart, c'est au secteur immobilier, selon l'Institut Rousseau, de produire le plus gros effort de surinvestissement.

Afin d'encadrer cet effort financier, le paysage réglementaire a vu fleurir ces dernières années un cadre visant à clarifier et massifier les investissements tournés vers la transition, en travaillant à l'harmonisation des sources d'informations et notamment des reportings extra-financier. Dernière en date : la directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). Applicable depuis le 1er janvier 2024 en France, premier pays de l'UE à l'avoir intégrée à sa réglementation nationale, cette directive a pour objectif d'étendre et d'harmoniser les exigences de reporting liées aux enjeux de durabilité. Il est indéniable qu'il faut désormais que les acteurs puissent s'appuyer sur ce cadre réglementaire afin de mieux développer des outils de financement susceptible de combler l'écart d'investissement nécessaire à une transition durable et appliquée du secteur.

Au cœur de la chaine de valeur, une transformation fondamentale se fait attendre : l'industrialisation globale de la rénovation énergétique. Alors que la réglementation a mis et continue de mettre l'accent sur la construction neuve, à l'image du projet CAP2030, il faut garder à l'esprit que le taux de renouvellement du parc immobilier est de 1% par an. L'enjeu principal est donc de s'attaquer à la mise à niveau du parc existant. Ce changement de paradigme est indispensable, et ne peut reposer uniquement sur des ajustements technologiques, qui ne ressemblent pas à de véritables solutions généralisables à grande échelle. Le mot d'ordre qui résonne avec plus d'écho semble plutôt être la sobriété, car au-delà des seuls enjeux environnementaux, c'est bien la résilience générale du secteur qu'il s'agit d'étrenner, y compris face aux enjeux géopolitiques. La crise énergétique et ses répercussions n'ont fait que souligner les bénéfices que pourrait espérer une industrie plus sobre et moins dépendante.

Sobriété et résilience

Cette transition du secteur en pourra être atteinte, enfin, sans une appropriation de ces enjeux, par les usagers. Une transition énergétique et environnementale ne connaitra aucune efficacité sans une transition culturelle. Le cas allemand en est la preuve, une politique de rénovation d'ampleur, sans appropriation, ne suffit pas à faire baisser les consommations d'usagers, qui en profitent plus souvent pour gagner en confort. Comme dans bien d'autres secteurs, une éducation systématique aux enjeux et une collaboration resserrée avec les usagers finaux est la meilleure solution pour se prémunir contre un éventuel effet rebond. Au contraire, lorsque ce leitmotiv de sobriété est repris par les occupants, les bénéfices sont décuplés : en octobre 2023, le gouvernement annoncé qu'un an après le lancement du plan de sobriété, le pays était parvenu à réduire sa consommation énergétique de 12%.

Pour réussir à aligner l'ensemble de ces transformations structurantes, ce premier forum mondial est une occasion idéale, et il est à espérer qu'il permettra l'émergence d'un immobilier plus sobre et plus résilient. Il le faudra, pour pouvoir espérer un monde juste face aux défis qui nous attendent.

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Commentaires 5
à écrit le 02/03/2024 à 9:42
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Je.ne vois poindre aucune révolution écologique dans.le.btp. Lobby trop gros comme dans l'agro-alimentaire et la chimie.

le 02/03/2024 à 16:52
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Avant la révolution écologique promoteurs et professionnels du bâtiment devraient s'interroger sur la qualité des biens mis en vente .Un seul exemple un ravalement de façades tous les 15 ans est révélateur de la qualité de l'ensemble de la constructi...

à écrit le 01/03/2024 à 14:00
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Autrement dit: plutôt que de chercher à conserver notre "confort" en construisant ou rénovant mieux, laissons-nous convaincre (ou imposer) que vivre à 17 degrés, c'est super. Désolé: très peu pour moi. Si ma maison est une salle de gym ou si je pas...

à écrit le 01/03/2024 à 13:36
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le constat est essentiel : c'est la sobriété qui est la clef, plus ou autant que la quasi impossible rénovation. mais la sobriété individuelle, pas celle des autres, cela dérange beaucoup les écolo-politiques, qui ne cherchent pas à convaincre les ci...

à écrit le 01/03/2024 à 12:44
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La vision actuelle ne peut qu'être dogmatique pour que cela soit comptable ! Mais l'adaptabilité est mise de coté ! Les besoins ne seront pas les mêmes !

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