Industrie du futur  : aux armes, et cætera   !

Depuis des années, l'industrie évolue sous la contrainte d'une demande changeante : de l'industrie de masse, elle est passée à des pratiques dites « agiles », dans le sillage d'une industrie automobile - en particulier japonaise - qui a pris ses responsabilités face une demande trop volatile pour y répondre uniquement par de l'investissement et du « toujours plus productif  ». Par David Machenaud, directeur associé d'OPEO Conseil
David Machenaud, directeur associé d'OPEO Conseil

Course sans fin à en juger par l'accélération de la demande, sa mondialisation et ses exigences de réactivité, qualité, et prix attractifs. À tel point que les pays les plus développés ont un temps cru devoir abandonner cette «vieille industrie» aux profits de services beaucoup plus rentables et «en phase» avec l'époque et nos aspirations d'économie prétendument modernes.

Le hic, c'est que l'industrie fonde l'économie réelle. Au-delà du «pourquoi», comment spéculer s'il n'y a pas ce socle? Quels services sans industrie pour les drainer? Quelle R&D sans l'application nécessaire par l'industrialisation de nouveaux champs de recherche?

Cette illusion était peut-être la conséquence de la perte d'attractivité d'une industrie jugée sale, polluante, pénible, répétitive, vouée à l'extinction dans des pays industrialisés. Erreur! L'industrie aborde une mutation qui peut en faire le secteur le plus attractif pour les talents, et au passage doter la France d'atouts considérables pour revenir au premier rang de la compétition mondiale.

Cette révolution industrielle est tirée par le numérique aujourd'hui, arbre qui cache la forêt de technologies à l'innovation exponentielle. Elle dote l'industrie, enfin, d'armes en phase avec les défis de la demande des consommateurs, voire même de modes de consommations de plus en plus circulaires.

Aux armes! Double promesse par les technologies et les modèles d'organisation en rupture

Le numérique et les nouvelles technologies, c'est ce qui manquait à l'industrie pour être connectée à chaque demande particulière, avec une capacité à réaliser un produit sans cesse réinventé. La notion de produit elle-même s'efface devant celle d'usage. On apprend à décrypter les usages (big data, IoT, ...) pour innover, les technologies permettant du sur mesure. Vous voulez un téléphone rond et non rectangulaire, avec la photo de votre maman, et vous utilisez 15 % de la performance actuelle de votre smartphone? Demain, l'usine de fabrication répondra à votre besoin en quelques jours, le temps pour vous de valider sur votre smartphone votre cahier des charges par une appli qui aura prédéterminé vos usages à partir de vos habitudes.

Parler des nouvelles technologies sans parler des innovations des organisations, de l'appréhension du facteur humain, c'est faire l'erreur de réduire la modernité au progrès technique. L'industrie, en connectant les organisations aux client(e)s, s'oriente vers des organisations horizontales avec des opérateur(rice)s en prise directe avec ces usages. Dans l'exemple précédent du téléphone, exit les cahiers des charges passant de service en service pour aboutir en production. Les données recueillies atterrissent directement sur une ligne de production centrée «terrain» et des équipes formées à l'appréhension de cette complexité.

Cette horizontalisation tombe bien! Les sciences humaines, les neurosciences montrent à quel point chaque humain se réalise dans un environnement fait de bienveillance et de dialogue direct, se nourrissant du feedback. Diminuer les strates hiérarchiques, les silos entre fonctions en renouant avec un dialogue de performance (lire à ce sujet la tribune de Michael Valentin) constitue la clé. Les organisations qui revalorisent l'individu et développent l'intelligence collective autour d'un horizon commun sont aussi celles qui sont le plus en prises avec ces nouveaux usages. On observe d'ailleurs la multiplication d'expérimentations d'organisations sur cette trajectoire, comme décrit dans l'ouvrage de Frédéric Laloux, Reinventing Organizations.

Et cætera... le défi d'un progrès systémique, élargi aux compétences et au positionnement sur la chaîne de valeur

L'enjeu aujourd'hui réside très certainement dans la capacité à conduire ces changements vers une industrie connectée (avec son écosystème) et connectante (pour les hommes et femmes qui la composent).

Un premier défi consiste à réfléchir à la rupture que peut amener le numérique dans son modèle d'affaires. Exemples? Les Taxis G7 qui après avoir souffert de l'uberisation au sens propre se sont dotés d'une appli remarquable changeant l'expérience utilisateur de la réservation au paiement de la course, ou encore proposent la connexion au Wifi en voiture. Ou encore cette scierie en B2B qui développe son appli pour permettre aux particuliers de définir des cahiers des charges traités dans la foulée dans l'usine, s'ouvrant ainsi le marché du grand public.

Le défi sera ensuite de conduire des changements systémiques en entreprise, c'est-à-dire qui maillent le changement technique (organisation industrielle) et technologique avec les bonnes pratiques humaines et managériales, en respectant l'écosystème et en particulier l'environnement. N'oublions pas que l'innovation technologique est galopante! L'enjeu n'est donc pas une technologie en tant que telle, mais LA technologie au sens large, bien appréhendée par des équipes qui intègrent le lien entre celle-ci, l'organisation de l'entreprise, sa vision, et ses valeurs qui se retrouvent dans le comportement de chacun. À noter que dans la guerre pour les talents que se livrent les entreprises, la culture d'entreprise et ses valeurs sont décisives (lire à ce sujet Leadership Excellence : donner corps à vos valeurs).

Le troisième défi, le plus ardu sans doute, sera d'amener chacun(e) à se former... à la formation. C'est-à-dire d'être capable d'évoluer tout au long de sa vie en compétences pour s'adapter à cette entreprise «liquide» qui réinvente son modèle d'affaires, son organisation et son métier année après année. Or, laisser cette responsabilité au seul individu serait une erreur. Institutions et entreprises doivent mettre en place des dispositifs et des outils adaptés. Une piste? Entre autres les... nouvelles technos, qui bien que balbutiantes pour certaines, permettent déjà aujourd'hui d'apprendre sans risque un geste par la réalité augmentée, de se former en ligne par les MOOC, de découvrir une nouvelle langue avec un professeur vivant à l'autre bout de la planète, ou encore de «jouer à un métier» par des applis toutes plus innovantes les unes que les autres.

Maturité numérique, changement systémique, formation tout au long de la vie : ce n'est qu'en répondant à ces trois défis que l'industrie française reprendra son leadership dans la compétition mondiale. Il est désormais clair que les pays les plus développés se mettent «en marche» pour réinventer leur industrie; à notre tour, mettons toutes les chances de notre côté pour gagner cette bataille de l'industrie du futur.

Paré(e)s pour l'aventure?

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Commentaires 3
à écrit le 30/07/2017 à 14:14
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C'est beau, parler de guerre comme s'il ne s'agissait que d'un jeu.

à écrit le 30/07/2017 à 8:13
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L'auteur de cet article oublie une chose essentielle, qui est le role de l'énergie dans le développement économique. Qu'il lise la note n°6 du CAE et essaye de la mettre en application.

à écrit le 29/07/2017 à 21:53
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Désolé de vous dire que la demande n'est que factice car dépendant de sa publicité!

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